S'il est agacé par les questions des journalistes qui le talonnent sur l'affaire Mike Duffy depuis le début de la campagne électorale, Stephen Harper ne laisse rien paraître - contrairement à certains de ses partisans, qui se sont faits bruyants mardi.

Et avec de nouvelles preuves dévoilées en fin de journée en cour suggérant que l'actuel chef de cabinet du premier ministre, Ray Novak, était au courant du chèque de 90 000 $ signé par son prédécesseur, Nigel Wright, la controverse ne risque pas de s'apaiser.

Comme c'est le cas depuis la reprise du procès criminel du sénateur Duffy, les questions des reporters qui suivent la tournée du chef conservateur ont principalement porté sur le scandale. Mais cela n'a pas plu aux spectateurs - des partisans conservateurs triés sur le volet - qui voulaient que les journalistes interrogent plutôt leur chef sur son annonce.

Ironie du sort, leur grabuge a éclipsé l'annonce de M. Harper qui portait sur les peines de prison à vie.

Au 17e jour de campagne, le chef conservateur était à Toronto pour promettre, s'il est réélu, de traiter en priorité au Parlement un projet de loi déposé en mars sur les peines d'emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle.

Le projet de loi C-53, baptisé «À vie veut dire à vie», ferait en sorte que les criminels reconnus coupable de haute trahison et des crimes «les plus graves» restent derrière les barreaux pendant 35 ans plutôt que 25. Ces crimes comprennent les meurtres impliquant une agression sexuelle, un enlèvement, l'assassinat de policiers ou d'agents correctionnels et les meurtres de nature «brutale».

La justice criminelle étant l'un des thèmes de choix de M. Harper, il a profité de l'annonce pour attaquer ses adversaires sur ce terrain. «Le NPD de Mulcair et les libéraux de Trudeau incarnent la vieille idéologie qui vise à traiter les droits des criminels en priorité», a-t-il soutenu.

Au moment de la période de questions suivant son annonce, les journalistes l'ont questionné sur les preuves déposées en cour qui suggèrent que de nombreux collaborateurs de M. Harper savaient que ce n'était pas M. Duffy mais bien son ex-chef de cabinet Nigel Wright qui avait remboursé 90 000 $ au Sénat.

Les journalistes ont été interrompus par quelques personnes dans l'assistance les sommant de poser des questions sur l'annonce. Après l'événement, un militant en colère a invectivé les reporters en des termes particulièrement grossiers.

Le porte-parole conservateur Kory Teneycke a par la suite offert ses excuses pour l'incident et indiqué que l'on rappellerait à l'avenir aux militants les règles de décorum pour ce genre d'événements.

Sur le fond de l'affaire Duffy, M. Harper n'a pas offert de réponses plus élaborées que les jours précédents, notamment pourquoi il avait dit en Chambre que M. Wright était le seul de ses employés à avoir été au courant du remboursement.

«J'ai répondu selon l'information que j'avais. Comme vous le savez, M. Wright a émis des déclarations subséquentes et j'ai rectifié les faits. Et c'était il y a plus de deux ans», a-t-il dit.

Mais bien que deux années se soient écoulées depuis l'affaire, le chef néo-démocrate Thomas Mulcair ne croit pas pour autant que le scandale soit sur le point de se tarir.

«J'ai questionné Stephen Harper jour après jour et je savais que ce qu'il nous disait ne tenait pas la route. Maintenant les Canadiens le savent également», a-t-il lancé.

Alors que M. Wright poursuivait son témoignage en cour, le NPD a par ailleurs écrit au commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) pour lui demander si des accusations allaient être portées contre l'ex-chef de cabinet.

Le porte-parole du NPD en matière d'éthique, Charlie Angus, a également demandé à Bob Paulson si une enquête allait être ouverte sur Ray Novak, actuel chef de cabinet de M. Harper.

Car l'étau s'est resserré d'un cran autour de M. Novak avec le dépôt au procès de M. Duffy du compte rendu d'un interrogatoire de Benjamin Perrin mené par la GRC. Cet ancien conseiller juridique de M. Harper a indiqué aux policiers que M. Novak était au courant de l'existence du chèque puisqu'il se trouvait dans une rencontre au cours de laquelle il en a été question.

Cette information contredit directement la version des faits offerte par les conservateurs, à savoir que M. Novak l'ignorait.

Promesses électorales

Bien que l'attention soit largement focalisée sur l'affaire Duffy, d'autres dossiers ont été abordés par les chefs de parti sur la route.

De passage en Colombie-Britannique où sévissent des feux de forêt, M. Mulcair a présenté un plan en trois points pour d'aider les provinces et les territoires à protéger leurs citoyens contre les incendies de forêt et les inondations.

Ses engagements en la matière se chiffrent à 9 millions $ et sont axés sur la formation, l'équipement et le secours en cas de catastrophe.

Le chef libéral Justin Trudeau a quant à lui dévoilé un autre pan de sa plateforme économique en promettant d'injecter 200 millions $ par an pour le développement des technologies vertes dans les secteurs de la foresterie, des pêches, des mines, de l'énergie et de l'agriculture.

«M. Harper nous a fait prendre énormément de retard par rapport aux autres pays en matière de technologie verte et des emplois qui en découlent», a-t-il déploré.

M. Trudeau a par ailleurs promis d'accorder 100 millions $ de plus aux compagnies canadiennes s'attaquant aux problèmes environnementaux «les plus pressants».

Le chef bloquiste Gilles Duceppe a de son côté fait campagne sur les prix du pétrole, qu'il juge bien trop élevés à la pompe compte tenu de la dégringolade. Il a réclamé une enquête du Bureau de la concurrence sur la manière dont les prix sont déterminés sur les marges de raffinage des pétrolières.