Le groupe Accurso n'est pas le seul à utiliser le stratagème d'acquisition de pertes fiscales pour économiser des millions de dollars d'impôts. Selon nos informations, des entreprises de partout au Canada tentent aussi de faire disparaître leurs profits imposables de cette façon. Le stratagème a été inventé dans l'Ouest canadien il y a une dizaine d'années. Des fiscalistes albertains ont trouvé une façon de structurer de telles transactions pour permettre à leurs clients des secteurs pétroliers de réduire leur facture fiscale.

«Il y a des gens, des genres de courtiers, qui se promènent pour vendre ce type de planification de rachat de pertes», nous dit une source bien au fait du stratagème.

L'idée est simple: une entreprise profitable acquiert à faible prix une société qui a accumulé des pertes importantes. Ces pertes servent à réduire les profits de l'acquéreur durant plusieurs années et, ce faisant, ses impôts.

Les autorités ne contestent pas ce type d'opération si l'entreprise acquise travaille dans le même secteur que l'acquéreur. Or, des fiscalistes ont trouvé une façon d'utiliser des pertes de secteurs non liés. Le stratagème respecterait la Loi de l'impôt, mais non l'esprit, et pourrait constituer de l'évitement fiscal abusif, interdit par le fisc.

Dans le cas du groupe Accurso, l'entreprise acquise était active dans le secteur des télécommunications. Le stratagème permettrait au groupe d'économiser 45 millions de dollars d'impôts. Hier, le reportage de La Presse a ravivé l'intérêt des autorités fiscales à ce sujet, nous dit-on. Et il a suscité de nombreuses réactions. Une source, d'une firme privée, nous dit connaître trois autres cas semblables à celui d'Accurso, pour des sommes aussi importantes.

Pour le professeur de fiscalité André Lareau, de l'Université Laval, «de tels stratagèmes sont, de toute évidence, contraire à l'objectif de la loi. Le cas d'Accurso est tellement clair que la Cour donnerait totalement raison à l'Agence du revenu du Canada en vertu de la Règle générale anti-évitement», a-t-il dit.

Contrairement à l'évasion fiscale, l'évitement fiscal n'est pas considéré comme de la fraude, mais ses abus sont de plus en plus contestés par les grands pays industrialisés.