Le 30 octobre dernier, l'organisateur politique Martin Dumont a raconté à la commission Charbonneau qu'une réceptionniste du parti Union Montréal s'était plainte d'avoir été recrutée par un responsable du financement pour l'aider à compter une importante somme d'argent atteignant 850 000$ dans les locaux du parti, en 2005. Cette histoire est fausse.

Il n'y a pas eu de magot de 850 000$ à compter dans les locaux du parti de l'ancien maire de Montréal Gérald Tremblay. Et l'ancienne réceptionniste mise en cause, Alexandra Pion, a déclaré hier à la Commission qu'elle ne comprend pas pourquoi Martin Dumont a raconté une histoire pareille.

Un interrogatoire incriminant

La commission Charbonneau a diffusé hier un extrait d'un interrogatoire mené le 11 décembre dernier par deux enquêteurs de la Commission dans lequel Martin Dumont a reconnu que cette histoire de comptage d'argent était fausse. Malgré cela, encore hier, M. Dumont a persisté à dire qu'«au meilleur de [son] souvenir», cette histoire est vraie, et que quelqu'un lui a bel et bien raconté ça. Il ne se souvient pas qui.

Le témoin, qui avait fait sensation à l'époque, a aussi maintenu sa version des faits quant aux autres déclarations fracassantes faites devant la Commission, le 30 octobre, dont l'une a contribué à pousser l'ex-maire Tremblay à la démission.

Au cours d'une journée d'interrogatoires menés sur un ton parfois agressif, interrompus à tout moment par des débats de procédure et d'argumentations juridiques, un procureur de la Commission, Me Denis Gallant, a aussi mis en évidence des différences importantes entre les récits que M. Dumont a faits aux enquêteurs de la Commission au cours d'une première rencontre, en septembre 2012, et les versions qu'il a ensuite racontées publiquement devant la Commission, à la fin du mois d'octobre.

Tissu de mensonges

Selon Me Gallant, Martin Dumont aurait d'abord raconté cette fausse histoire de comptage d'argent aux enquêteurs, en septembre 2012, en affirmant que c'était deux étudiantes stagiaires, et non Mme Pion, qui avaient été sollicitées par le responsable du financement du parti, Bernard Trépanier. Une de ces étudiantes est devenue sa conjointe.

Entre le moment où il a raconté cette histoire aux enquêteurs et le jour de son témoignage, M. Dumont dit s'être soudainement rendu compte que ce n'était pas elles qui s'étaient plaintes des demandes de M. Trépanier, mais Mme Pion. Il semble maintenant que les deux versions de la même histoire étaient tout aussi fausses l'une que l'autre.

Une autre partie truculente de son témoignage a été remise en question, hier, par la commission Charbonneau. En octobre, M. Dumont a raconté qu'au cours d'une activité de financement du parti dans l'est de Montréal, l'entrepreneur en construction Nicolo Milioto l'aurait invité à «aller pisser avec lui». Dans la salle des toilettes, M. Milioto aurait alors remis à M. Dumont une enveloppe contenant 10 000$ pour la caisse d'Union Montréal.

Or, dans son témoignage d'octobre, M. Dumont a affirmé que deux autres personnes lui avaient fait la même proposition, au cours du même événement, mais qu'il leur avait dit de s'adresser directement à M. Trépanier pour remettre leurs enveloppes.

Selon la Commission, M. Dumont avait pourtant raconté, au cours d'une première rencontre avec les enquêteurs, qu'il avait accepté les deux enveloppes avant de les remettre à M. Trépanier.

M. Dumont a aussi dit devant la Commission qu'il avait été menacé par M. Milioto, après avoir fait des vérifications sur son compte. Dans sa version publique, devant la Commission, M. Dumont avait soutenu qu'il avait entrepris des vérifications sur ce contrat parce que les coûts lui semblaient plus élevés que pour d'autres contrats semblables, attribués un an plus tôt.

Encore une fois, son témoignage différait de l'histoire racontée aux enquêteurs, à qui il a affirmé qu'il faisait ces vérifications sur M. Milioto et son entreprise parce qu'ils décrochaient systématiquement tous les contrats de trottoirs dans l'arrondissement de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles.

Contestation

L'avocate de Martin Dumont, Me Suzanne Gagné, a tenté toute la journée hier d'empêcher la diffusion de l'interrogatoire du 11 décembre dernier dans lequel son client reconnaît que l'histoire des 850 000$, dans laquelle il impliquait Mme Pion, était fausse.

L'avocate a fait valoir que son client avait été cité à comparaître devant les commissaires, qui voulaient lui poser des questions relativement à son témoignage d'octobre, à huis clos.

Il s'est plutôt retrouvé en présence de deux enquêteurs, qui l'ont convaincu de renoncer à son droit d'être accompagné par un avocat. La diffusion des déclarations faites aux enquêteurs par M. Dumont, ce jour-là, ne semble pas lui donner raison.

L'ancien militant et organisateur politique affirme par ailleurs, dans cet enregistrement, qu'il maintient tous les autres propos qu'il a tenus devant la Commission, le 30 octobre dernier.

ll affirme ainsi que l'épisode où un responsable du parti aurait sorti une comptabilité «parallèle» des dépenses électorales de son parti en présence du maire, qui a alors quitté la pièce, est bel et bien vrai. Cette anecdote a eu un impact dévastateur sur l'ex-maire de Montréal, qui a annoncé sa démission quelques jours après le témoignage de M. Dumont.

Gérald Tremblay a nié l'affaire, à l'époque. Mais qui l'a cru?