Avertissement : dans ce texte, je vais comparer les électeurs à des poules. Rien de réducteur, je vous le jure ! Juste une image pour bien visualiser mon histoire de coq dans ce clin d’œil BB (Biologico-Boucarien) à la politique canadienne. Une joute qui me rappelle parfois des épisodes de basse-cour de la descendance du Coq doré.

Les poules domestiques descendent d’un oiseau sauvage originaire des forêts tropicales d’Asie du Sud-Est. Cet ancêtre s’appelle le coq Bankiva ou coq doré. D’ailleurs, si le coq d’aujourd’hui chante très tôt le matin, c’est en souvenir de ce passé très lointain. Dans la chaleur tropicale d’où est originaire son aïeul, les sons voyagent plus efficacement lorsque les températures sont froides. Il a donc gardé cette ancienne habitude même s’il se gèle la crête dans le frette du Canada.

Mais s’il s’égosille très fort le matin, c’est pour dire à tous les mâles qui répondent à son chant qu’il est le plus puissant et dominant du peuple à plumes. Il essaie d’enterrer les chants rivaux un peu comme les chefs caquettent les uns par-dessus les autres pendant un débat électoral.

Le coq est un chef semblable à un premier ministre. Il est garant de l’ordre dans le poulailler et il avertit les poules lorsqu’un danger s’approche. Comme s’il était toujours en campagne électorale, le coq, qui gouverne en gardant un œil sur les sondages, est constamment habité par la peur de voir les poules s’éloigner de son influence. De ce fait, dès qu’elles commencent à se désintéresser de sa présence, il devient très nerveux.

La mystification et la manipulation font alors partie de ses stratégies pour regagner la faveur populaire dans le poulailler. Lorsqu’un jeune mâle proche essaie d’enterrer ses ritournelles, il arrive que le coq voie rouge. En cause, avant que sa descendance devienne un délice à mijoter dans le vin, le coq doré a été domestiqué d’abord comme animal de combat. Et, encore aujourd’hui, cette espèce n’a rien perdu de sa génétique bagarreuse.

Au début de son règne, Justin était un coq très combatif. Sa crête bien dressée sur la tête et ses mélodies ensoleillées ont fait mouche. Il a plumé Harper, Scheer et O’Toole avec une certaine aisance. Mais là, un coq de combat sans pitié a débarqué dans le gallodrome d’Ottawa. Il n’est pas aussi charmant que Trudeau, mais il a de tranchants couteaux à la place des ergots. À son arrivée dans le poulailler, personne ne donnait cher de sa peau, mais les choses ont changé et il est passé de Poilievre à poids lourd. Jean Charest a d’ailleurs été le premier à goûter à sa machiavélique et destructrice médecine.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre

Voilà pourquoi, dès son retour du sommet du G20, Justin, réalisant que ce jeune coq aux méthodes pas conventionnelles attire 15 points de pourcentage de plus que lui, est devenu très nerveux. Or, tous les éleveurs de volailles savent que lorsque deux coqs se toisent du regard, la guerre est inévitable. Surtout si le mâle satellite parade ostensiblement, bande ses muscles et se fait de plus en plus charmant auprès des convoités.

Devant cette nouvelle réalité, Justin a décidé de s’inspirer d’une technique de mystification que j’ai souvent observée dans le poulailler de ma mère. En voyant les poules s’éloigner, le coq de maman grattait vigoureusement la terre avant de lancer des cris du chasseur qui vient d’abattre un mammouth. Une façon de dire aux poules de revenir se sustenter de sa généreuse et délicieuse trouvaille. Vaincues par la promesse de boustifaille, les poules se rejoignaient aussitôt auprès du mâle avant de découvrir que tout ça n’était que mensonge.

Dans le cas de Justin, même si l’affirmation est probablement bien vraie, c’est le moment choisi et la façon de lancer cette explosive histoire qui rappellent les méthodes du coq.

Lorsque Justin a constaté que l’inflation, la crise du logement et la cherté de la vie qui sont omniprésentes dans les mélodies accrocheuses du jeune coq de combat faisaient mouche, il a cherché à lui clouer le bec.

Pour étouffer son chant, pourquoi ne pas sortir cette grande bombe médiatique qui nous a tous surpris cette semaine ? Il a accusé les services secrets indiens d’être derrière l’assassinat du leader sikh Hardeep Singh Nijjar, en Colombie-Britannique. Depuis, Narendra est en maudit et les dérapages diplomatiques se font déjà sentir. Il faut dire que depuis quelques années, le premier ministre indien, qui accuse le parti de Justin d’être un repaire d’activistes du mouvement séparatiste sikh, n’a jamais porté le premier ministre canadien dans son cœur.

Si véridique soit-elle, pourquoi larguer une telle bombe de cette façon ? Mon impression est qu’il a sorti cette information sensible qui dormait dans ses tiroirs pour enterrer les ritournelles du jeune coq qui menace son règne. Il l’a fait un peu comme un piqueniqueur lance bien loin un morceau de sandwich pour distraire un goéland qui le harcèle.

Mais il lui faudra beaucoup plus pour empêcher les poules de croire que le jeune coq de combat serait plus efficace pour les protéger de l’inflation, la crise du logement, la cherté de la vie, le gigantesque déficit budgétaire et les entreprises d’ingérence politique qui font du Canada un grand laboratoire d’expérimentation des autocraties cherchant à déstabiliser les démocraties libérales. Justin commence à avoir la crête aussi molasse que celle de Stephen Harper en 2015. Au poulailler comme dans l’arène politique, ainsi va la vie des chefs.