Jeudi soir, à Montréal, c’était le premier tour du repêchage de la Ligue nationale de hockey, dans un Centre Bell rempli à craquer.

Un gros show qui consiste à regarder 32 gars imberbes enfiler un chandail et mettre une casquette. (Petite parenthèse, à propos de la casquette : pouvez-vous la laisser tomber ? Premièrement, c’est du hockey, pas du baseball. Deuxièmement, on ne lui voit plus les yeux, à votre espoir. Déjà qu’on ne l’a pratiquement jamais vu, peut-on découvrir son visage au complet, s’il vous plaît ? Ça ne fait pas traitement de star. Brad Pitt ne met pas de casquette quand il s’empare de son Oscar. Une casquette, ce n’est pas télégénique. Ça coupe la lumière. Ça éteint l’aura. Out the cap ! Vous allez en vendre pareil ! Merci.)

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Un des joueurs repêchés par le Canadien jeudi, Filip Mesár (au centre), après avoir reçu son chandail de l’équipe

Le spectacle est animé par le commissaire de la LNH, Gary Bettman. Qui se fait copieusement huer. Ce qui n’est pas chic, et qu’on ne devrait absolument pas faire. Ce n’est pas une façon de recevoir qui que ce soit. Cela dit, ce comportement est prévisible. Dans tous les arénas du circuit, Bettman se fait conspuer. Pourquoi ? Parce que c’est le boss. Celui qui dirige. Celui qui impose. Celui qui déclenche des lock-out. Celui qui dit non à Québec. Celui qui pense au cash. C’est sa job. Et il la fait très bien. Mais pourquoi tient-il à animer le repêchage ? Ça, ce n’est pas sa job. Vraiment pas. Je sais, le grand manitou de la NFL le fait. Tant mieux pour lui. Mais faut faire avec le charisme qu’on a. Et avec la réaction qu’on provoque.

Un animateur est un rassembleur. Quelqu’un qui rallie le public. De Wayne Gretzky à Chantal Machabée, il y a des dizaines de personnalités du hockey qui pourraient s’acquitter de cette tâche. Cent fois mieux. Sans créer de malaise. Sans provoquer de « chou ! » pendant qu’elle est en train de remercier la ville hôte. Bettman n’a pas besoin d’être omniprésent sur la scène. D’être sur toutes les photos. Il a déjà le power. Pas besoin du power trip. Le président de l’ADISQ ne remet pas tous les Félix. Il fait son petit discours et c’est déjà ben en masse.

C’est le Canadien qui a le premier choix. Si on se fie au veston du recruteur en chef, Martin Lapointe, on ne craindra pas d’étonner. À la surprise générale, Kent Hughes jette son dévolu sur Juraj Slafkovský. Un exercice de diction et d’épellation pour les usagers de la langue de Tremblay. Espérons qu’il fera partie du club plus longtemps que Jesperi Kotkaniemi.

C’est la troisième fois que le Tricolore repêche en premier, chez lui. En 1971, il avait cueilli l’étincelant Guy Lafleur ; en 1980, l’effacé Doug Wickenheiser. Slafkovský ne sera probablement ni l’un ni l’autre. Fera-t-il plus d’étincelles que d’effacement ? L’avenir nous le dira.

C’était mon candidat numéro un. Pour le peu que je l’ai vu jouer. Un joueur solide, de corps et d’esprit. Quand il a défilé sur le tapis rouge, le jeune Juraj s’est fait huer. Quelle connerie ! On a beau vouloir que Shane Wright soit l’heureux élu, ce n’est pas une raison pour s’en prendre à un jeune de 18 ans tout heureux d’être à Montréal.

Il y a quelque chose d’injuste avec les huées. Pour le hué, bien sûr, et pour les silencieux aussi. On dit : les gens ont hué Slafkovský. Mais ce ne sont pas les gens, ce sont des gens. Une petite gang. Mais comme le son vient de partout et de nulle part à la fois, toute la foule devient coupable.

Ça m’est arrivé souvent, au Centre Bell, de me sentir mal à l’aise parce qu’on huait un joueur adverse, souvent un ancien du CH. Comment faire pour se dissocier de ce mouvement de masse ?

À la fin de la journée, comme dirait Bergevin, on ne parle que de la centaine de personnes qui ont crié « chou ! », jamais des milliers qui ne l’ont pas fait.

Il n’y a qu’une façon de lutter contre les huées : ovationner. Applaudir à tout rompre. Rester silencieux, c’est rester immobile pendant que quelqu’un se fait tabasser. Faudra s’en souvenir, la prochaine fois, plutôt que de rester figé.

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Juraj Slafkovský reçoit son chandail lors de son repêchage.

Depuis l’incident du tapis rouge, Slafkovský ne cesse de récolter des applaudissements. Il a même pris un bain de foule dans les gradins de son nouvel amphithéâtre. Chose que bien des vétérans du Canadien n’ont jamais vécue.

C’est peut-être le début d’une longue histoire d’amour entre le Slovaque et les fans. Et lors de chaque célébration, on va ajouter une claque de plus, pour lui faire oublier le faux pas, ou plutôt le bruit faux, de nos débuts.

Trente-deux joueurs ont entendu leur nom. Les autres espéraient l’entendre lors du deuxième tour. Beaucoup ne l’entendront jamais. Ils devront l’imposer par eux-mêmes, comme Martin St-Louis.

Le repêchage, c’est comme aller dans une pépinière. On choisit des fleurs, des plantes, des arbustes, des arbres. Avec soin. On est certain d’avoir pris les plus beaux. On les intègre dans notre jardin en souhaitant qu’ils poussent bien, qu’ils s’épanouissent et qu’on fasse l’envie de tous les voisins.

Des pousses de 2022, combien fleuriront cette saison ? Combien en 2023, 2024, 2025 ou jamais ?

Je souhaite au Canadien un jardin digne d’un défilé.

Ça manque un peu de fleurs de lys.

On verra bien…