Si on résume, le 15 août dernier, le premier ministre Trudeau s’est rendu à Rideau Hall pour demander à la gouverneure générale, en anglais, de dissoudre le Parlement. Parenthèse : c’est quand même drôle, cette expression, dissoudre le Parlement. On ne congédie pas le Parlement. On ne renvoie pas le Parlement. On ne ferme pas le Parlement. On ne détruit pas le Parlement. On le dissout. Comme une pastille de Polident. Question de nettoyer le dentier du pays. Le dentier, c’est nous. Le peuple. Édenté jusqu’au prochain Parlement. Fin de l’analogie. 

En passant, ça fait un mois que le Parlement est dissous et ça ne va pas trop mal. Tout roule, tout fonctionne, malgré tout, dans notre beau grand Canada. Peut-être que c’est ça que ça nous prend, un Parlement dissous durant quatre ans ? Je sais, je suis censé résumer et j’allonge. Enchaînons.

Donc, le 15 août, les élections ont été déclenchées et tout le monde s’est demandé pourquoi. Pourquoi des élections ? On savait tous pourquoi, mais on le demandait pareil. Pas besoin d’être Chantal Hébert pour savoir que c’est pour devenir majoritaires que les libéraux nous ont envoyés aux urnes. Ils ne sont pas les premiers à faire ça et ils ne seront pas les derniers. Tous les gouvernements minoritaires espèrent devenir majoritaires. Question d’avoir les coudées franches. Alors, si, durant leur mandat, la conjoncture semble favorable, ils appellent aux urnes. C’est ça, faire de la politique. C’est être stratégique. C’est ainsi, mais ça ne paraît pas ben.

Voilà pourquoi Justin Trudeau a passé toute la campagne à esquiver la question qu’on ne cessait de lui poser, même si on connaissait la réponse. Et les chefs ont joué le jeu de se scandaliser, face au déclenchement d’élections. Pourtant, pour des gens qui n’en voulaient pas, leurs pancartes étaient pas mal prêtes et leurs autocars bien décorés.

Tout ce beau monde avait l’air bien content de quitter Ottawa pour respirer le grand air de la campagne. On ne veut pas aller en pique-nique, mais notre panier d’osier est rempli et le saucisson est frais. Lalalère, étendons la nappe !

Erin O’Toole a beau déchirer sa chemise pour dénoncer ce scrutin, il risque d’en mettre une belle bien repassée, si ce même scrutin le porte au pouvoir lundi soir : « Oh boy ! Finalement, c’était pas une si mauvaise idée que ça, de déclencher des élections. M. Trudeau avait raison, c’était pour le bien du pays », déclarera-t-il, entouré de ses députés élus, les non-vaccinés un peu distancés.

Je sais, je divague alors que je suis censé résumer. Réenchaînons.

Donc, la campagne électorale a débuté et tous les partis ont prétendu que ça irait mieux si on votait pour eux. Qu’avec eux au pouvoir, on améliorerait notre sort. Y a même un parti qui dit de voter pour lui et que même sans prendre le pouvoir, il va améliorer notre sort. C’est fort.

Ils sont tous pour l’environnement, la justice, l’égalité, la famille, l’amour, la paix et le bonheur. C’est ce qui rend le choix difficile.

Si un parti disait : on est contre l’environnement ou on déteste la famille ou on est pour la violence, ce serait plus évident. Plus simple à départager. Mais non, faut qu’ils logent tous à la même enseigne. L’enseigne des bonnes intentions.

Si on ne peut pas vraiment se fier à ce qu’ils disent, parce qu’ils disent tous ce que l’on veut entendre, il faut se fier à ce qu’ils dégagent. Au fond, voter, c’est comme se matcher. On sait bien que, tôt ou tard, on risque de se faire mentir, on risque de se faire tromper, mais il faut décider par qui on a le plus envie de croire que ça ne va pas arriver. Bref, avec qui on accepte de s’engager. Heureusement, pas pour la vie. Pour quatre ans. Même moins, si on est vraiment hésitant.

Un gouvernement minoritaire, ce n’est rien d’autre qu’un couple ouvert. On vit ça au jour le jour, mon ami. Pas d’engagement à long terme. À tout moment, on peut retourner sur le marché, essayer de trouver mieux. C’est pour ça qu’on ne peut pas en vouloir tant que ça à Trudeau, pour le déclenchement des élections. Si on voulait que la relation dure quatre ans, fallait s’engager majoritairement. Si on élit un autre gouvernement minoritaire, faudrait pas s’étonner de se retrouver le mandat à l’air. Avec un partenaire dissous. Ils ont beau tous dire que même s’ils sont minoritaires il n’y aura pas d’élections anticipées, il y aura toujours une bonne raison de changer d’idée.

Alors, avec qui allez-vous vous matcher, lundi ? Ils sont chanceux, les électeurs qui vont le faire avec passion parce qu’ils craquent pour Trudeau, Blanchet, O’Toole, Singh, Paul ou Bernier. La plupart vont le faire avec résignation. Parce que ce sont les seuls matchs qu’ils ont eus sur Tinder. Ils espéraient mieux, mais ils doivent faire avec. Alors ils vont choisir le ou la moins pire.

Une chose est sûre, choisissez. Allez voter. Sinon, ce sont les autres qui vont choisir avec qui vous allez coucher. Vous risquez de ne pas aimer.

Bonnes élections !