L'attentat de vendredi à Ouagadougou force des organisations québécoises de coopération internationale à réexaminer leurs mesures de sécurité en Afrique de l'Ouest, où certains observateurs craignent par ailleurs que les ravages du terrorisme islamique n'aient pas fini de s'étendre.

Partiront, partiront pas?

Le Centre de solidarité internationale du Saguenay-Lac-Saint-Jean envoie une vingtaine de stagiaires par année au Burkina Faso, en milieu rural. « Notre comité de gestion des situations d'urgence est appelé à se rencontrer lorsque des incidents du genre se produisent », a indiqué la directrice générale Marie-Hélène Forest. Aucun des stagiaires parrainés par l'organisation ne se trouve sur le terrain en ce moment, mais une demi-douzaine d'entre eux sont censés prendre l'avion en février. Ces dernières années, marquées notamment par un coup d'État en 2015, il est arrivé que des stages soient reportés ou annulés. « La sécurité des stagiaires est un des éléments centraux de notre analyse », assure Mme Forest. La présence du CSI-Saguenay-Lac-Saint-Jean au Burkina Faso, où il est actif depuis un quart de siècle, « mérite réflexion et analyse » à la lumière de l'attaque terroriste de samedi, précise-t-elle.

Une vigilance accrue

La Fondation Paul-Gérin-Lajoie n'a pas de projet en cours au Burkina Faso, mais la récente tuerie incite l'organisation à être encore plus vigilante dans la région, indique son directeur principal, Daniel Aubin. L'organisation s'appuie surtout sur des ONG locales, mais envoie régulièrement des chargés de projet sur le terrain. « À l'avenir, il va falloir faire très attention dans tous les pays où l'on travaille, incluant le Sénégal et la Guinée, et procéder avec encore plus de rigueur dans nos mesures de sécurité, dit-il. Dans certains cas, peut-être qu'on va devoir arrêter d'y aller. » Déjà, la situation au Mali a mené à un resserrement des précautions. L'an dernier, la chargée de projet a été contrainte de rester dans la capitale Bamako. Depuis l'attentat qui a fait 22 morts à l'hôtel Radisson Blu, en novembre, aucun représentant québécois de la Fondation n'a remis les pieds au Mali. « Si on renvoie du monde au Burkina Faso, il faudra se demander s'il n'est pas mieux d'envoyer notre monde dans une maison privée plutôt qu'à l'hôtel », note M. Aubin.

Une réévaluation constante

Développement et Paix a des programmes dans des pays africains éprouvés par le terrorisme islamique, dont le Niger et le Nigeria. « Les événements comme ceux d'Ouagadougou sont un rappel de certains dangers du travail en aide humanitaire et en coopération internationale, souligne le directeur adjoint Ryan Worms. Il faut en permanence évaluer le risque dans le pays et être en contact avec nos partenaires sur place. » Développement et Paix a dû, dans le passé, annuler des déplacements de chargés de programmes. « Mais c'est la population locale et le personnel de la société civile qui est sur le terrain qui font face aux plus grands risques de manière quotidienne », rappelle M. Worms.

Le Sénégal dans la ligne de mire?

Épargné jusqu'ici, le Sénégal pourrait-il être ciblé un jour par la mouvance islamique ? Sans vouloir être prophète de malheur, François Audet, de l'Observatoire canadien sur les crises et l'aide humanitaire, pense que oui. « Le Sénégal est une démocratie stable et représente en Afrique de l'Ouest ce que le Kenya - où les shebab sont actifs - est pour l'Afrique de l'Est, c'est-à-dire une plateforme d'intervention des organisations de coopération internationale. À mon avis, malheureusement, il est certain que le pays est dans la ligne de mire terroriste. Ça va de soi. »