(Paris) Entre recrudescence du variant Delta, généralisation du laissez-passer sanitaire, difficulté des touristes étrangers à voyager et boom des réservations de dernière minute, le mois d’août s’annonce très incertain pour les hôtels indépendants parisiens, fragilisés par un an et demi de crise sanitaire.

Avec la réouverture des bars, restaurants et la reprise des activités culturelles, « depuis la mi-juin, nous avions retrouvé une clientèle un peu internationale, européenne et même américaine, qu’on ne voyait plus depuis un an et demi… mais depuis quelques jours la dynamique s’est cassée, les réservations chutent complètement », dit à l’AFP le patron d’un petit hôtel de charme du 9e arrondissement de Paris, qui ne souhaite pas être identifié.

« Une grosse partie de l’équipe est encore au chômage partiel, la moitié de l’hôtel reste fermée, ça n’est pas bon du tout », poursuit-il. « Les pays d’origine de nos clients connaissent des recrudescences importantes de contaminations à la COVID-19, des restrictions de voyages, des mises en quarantaines au retour : tout ça n’inspire pas confiance », et l’hôtel ne fait que 30 % de son chiffre d’affaires estival normal.

Si son établissement restera ouvert, des concurrents du quartier, eux, « ont fermé depuis 10 ou 15 jours, et ne rouvriront pas avant début septembre. D’autres n’ont jamais rouvert », observe l’hôtelier.

Les réservations annulables sans frais jusqu’à la veille, que les hôteliers sont forcés de concéder depuis le début de la crise sanitaire, accroissent encore l’incertitude.

« Vu les circonstances actuelles, les gens attendent encore plus le dernier moment pour réserver. Nous n’avons pas encore de visibilité sur août : 70 % des réservations se font 7 jours avant le départ », dit à l’AFP Ana Domenech, directrice France de Lastminute.

Sur ce site de réservations de voyages, dédié à une clientèle française, les réservations dans la capitale, de mai à mi-juillet sont encore en recul de 45 % par rapport à 2019, précise-t-elle.

Selon un sondage réalisé par le syndicat patronal GNI Île-de-France, auprès de ses adhérents, sept hôtels indépendants sur dix de la capitale pourraient fermer leurs portes au mois d’août, faute de clients — des chiffres qui ne concernent pas les établissements des grands groupes hôteliers.

« Sang sur les murs »

La situation sera « très contrastée », prédit Vanguélis Panayotis, président du cabinet spécialisé MKG Consulting, entre « les hôtels bien situés, bien visibles, bien distribués, à la clientèle internationale fidèle, qui vont mieux marcher, et ceux éloignés des zones touristiques qui souffriront beaucoup plus », dit-il.

Selon le GNI, les aides de l’État « ne sont pas calibrées » pour l’hôtellerie : 25 % des adhérents du GNI auraient déjà consommé leur prêt garanti par l’État et risqueraient la cessation de paiement à l’automne.

Après avoir connu un « effondrement record » de leur chiffre d’affaires depuis le début de la crise, les hôtels parisiens ont souvent vu le paiement de leur loyer engloutir une partie de leur trésorerie ou du Prêt garanti par l’État (PGE), selon une récente étude du cabinet In Extenso en collaboration avec Bpifrance.

Mais dans « la majeure partie des cas, les pertes d’exploitation ont été limitées et la trésorerie nette préservée » grâce aux aides de l’État — activité partielle, fonds de solidarité, Prêt Garanti et aux reports d’échéances d’emprunts consentis par les banques —, selon l’étude.

Toutefois l’heure de vérité sera le mois de septembre, avec l’arrêt programmé des aides qui inquiète les professionnels : l’activité sera-t-elle au rendez-vous ?

« On aura une reprise des évènements, des salons professionnels, même si la fréquentation ne sera pas celle d’avant-COVID-19 : ce sera un vrai test de la reprise économique, qui fait vivre notamment l’hôtellerie économique », résume M. Panayotis.

Mais « il va y avoir du sang sur les murs », prédit un hôtelier indépendant proche de Montmartre, ne souhaitant pas être nommé, qui fermera en août pour « purger les congés du personnel ». « Les hôteliers qui ne sont pas toujours très malins, se font une guerre des prix : même si on récupère un peu de monde, on ne fera pas de chiffre », déplore-t-il.