(Paris) Un spectacle sexiste et ringard ? Un attrape-touristes ? Le mythique Lido de Paris tente de retoucher son image, ses « Bluebell girls » se transformant le temps d’un « bootcamp » en entraîneurs sportifs pour montrer le côté athlétique de leur métier.

À l’entrée du légendaire cabaret avenue des Champs-Élysées, une affiche singulière montre, au lieu de la traditionnelle image de danseuses en strass et plumes légèrement habillées, une « coach » en legging et en brassière sport entourée de six femmes en posture du pigeon, spécifique du yoga.

Souvent perçus comme des lieux offrant des spectacles d’une autre époque — le Moulin Rouge fête en octobre ses 130 ans — et plus encore aujourd’hui à l’heure du nouveau féminisme, des cabarets parisiens tentent de montrer qu’ils ont un pied dans le XXIe siècle à travers des initiatives comme celle-ci ou celle récemment du Crazy Horse, qui a accueilli la performeuse amputée Viktoria Modesta.

Jusqu’au 4 octobre, le « bootcamp », inspiré des sessions sportives militaires à l’américaine, propose trois formules d’entraînement pour sportifs et amateurs, hommes et femmes : un cours de yoga, un cours de fitness ou de « body pump » et un cours de Pilates. De 40 minutes chacun, ils sont suivis d’un apprentissage d’un extrait d’un tableau de la revue du Lido, Paris merveilles.

« Pas juste des femmes dénudées »

En créant cette revue en 2015 dans laquelle il a bousculé les codes du spectacle, le metteur en scène belge Franco Dragone avait donné le ton. « J’ai eu l’envie d’exprimer que la femme n’est pas un objet : les Bluebell prennent le pouvoir », avait-il dit.

« Même si on est “topless” pour quelques numéros dans la soirée, on est des sportifs de haut niveau. Pour tenir une heure 40 minutes de spectacle, ce n’est pas juste “la femme dénudée” », explique à l’AFP Alicia, danseuse et une des sept « coachs » du « bootcamp » qui s’entraîne quotidiennement à coups de squats, pompes, abdos et fessiers.

« On est vraiment dans la performance. C’est une manière différente de montrer le Lido », ajoute cette grande danseuse brune en s’étirant en coulisses avant le spectacle qui est présenté deux fois chaque soir.

Certes, dans le spectacle lui-même, il est difficile de ne pas remarquer les tailleurs sexy, jupes fendues, seins nus, les poses plus suggestives qu’athlétiques.

Mais différents tableaux supposent également de véritables pas de danse, du tango à un tableau vaguement inspiré du Lac des cygnes avec des danseuses en pointes et au cou-de-pied parfaitement bombé.

Traditionnellement, depuis que la légendaire Margaret Kelly, surnommée « Miss Bluebell » (jacinthe) en raison de la couleur de ses yeux, a fondé la troupe des Bluebell Girls et rejoint le Lido en 1948, toutes les danseuses reçoivent une formation de danse classique.

Ainsi, Alicia a fait 20 ans de classique et a été danseuse à l’Opéra de Marseille. De même Victoria, danseuse britannique du Lido et autre « coach » du « bootcamp », qui a fait du ballet depuis l’âge de trois ans puis a été formée à la danse jazz, aux claquettes et à la comédie musicale.

Diversité des corps ?

« Beaucoup de gens nous demandent “Comment restez-vous en forme” ? “Alors on s’est dit” pourquoi n’inviterait-on pas les gens à partager cette expérience », ajoute cette « Blubell Girl » de 33 ans installée à Paris depuis sept ans.

Sur la scène même du Lido, elle donne des instructions à une dizaine de participantes durant une session de yoga Vinyasa, notamment sur la respiration qui rythme chacune des postures.

Le message prôné par le cabaret dans le programme — « le Lido aime la diversité des corps et des caractères » — semble crédible durant le « bootcamp », certaines participantes étant petites de tailles, d’autres sont rondes. Mais il se heurte au principe même des Bluebell Girls : les danseuses sont toutes longilignes — Une Bluebell doit mesurer au moins 1,75 m —, minces et belles.

Quid de la « femme-objet » ? Les danseuses éludent la question, Victoria assurant qu’elle se sent « forte » sur scène.

Pour certaines participantes, au-delà des exercices, ce « bootcamp » est une occasion de se retrouver sur « cette scène mythique » réservée aux danseurs. « C’est maintenant ou jamais », sourit l’une d’entre elles.