Visiter la Seine-Saint-Denis? Pour bien des Parisiens - et des touristes -, sortir de l'enceinte du périphérique pour aller se promener dans une banlieue réputée pour ses problèmes sociaux est loin d'être un réflexe. Et pourtant, le «9-3» - le surnom du département - est un territoire qui réserve bien des surprises. Friches industrielles et patrimoine historique riche font de la Seine-Saint-Denis une destination à part entière.

Un samedi après-midi du mois de mars. Le long de la Seine, ils sont quelques centaines à faire la queue, bière et cigarette à la main, devant le 6b, un immeuble de bureaux défraîchi aux airs de squats. La faune est jeune, délurée et habillée selon les critères les plus pointus du moment. Ce jour-là, le Quai de Seine, à Saint-Denis, se donne des airs de Berlin ou de Londres, au début des années 2000.

Cultiver les friches

«Il y avait eu beaucoup de buzz, trop de buzz peut-être», se souvient, quelques semaines plus tard, Myriam Moussa, chargée de communication du 6b.

Ce jour de mars, le 6b ouvrait ses portes au public, en plus de célébrer son 5e anniversaire.

Plus de 150 artistes travaillent en effet dans ces anciens bureaux vides et occupés depuis cinq ans tout à fait légalement, malgré les apparences, par une association qui les a transformés en lieu de création et de diffusion artistiques. En quelques années, le 6b, comme ses soirées électros, s'est imposé comme un lieu fort de la vie festive parisienne.

Autrefois situé sur un terrain vague, le 6b est maintenant entouré d'immeubles résidentiels qui forment le premier écoquartier de Saint-Denis. Le bâtiment du 6b appartient à un promoteur immobilier, qui le laisse à disposition de l'association. Le 6b sera bientôt doté d'un restaurant, mais continue à cultiver son image de squat, avec ses graffitis sur les murs et son ambiance très bohème, qui plaît aux jeunes Parisiens.

«On a des événements très variés, dit Myriam Moussa. Quand on a une soirée, on a un public parisien qui aime ce lieu qui ressemble à un squat de Berlin. Le challenge était de faire venir le public en journée. On a envie de nous diversifier, de ne plus être catalogués "soirée électro".»

De l'autre côté de la voie ferrée, autre friche industrielle, autre ambiance. Nous sommes à La Briche, lieu occupé (légalement lui aussi) par des artisans et des artistes. À quelques minutes en train de Paris, c'est un petit village qui est recréé ici. Une petite utopie collective, où l'on vit, crée ou travaille dans de grands espaces: le comble du luxe en région parisienne.

«On est un peu comme un petit village gaulois», dit Hippolyte Roy, un jeune ébéniste. Chaque année, les «brichois» organisent une fête foraine ici. Fait à souligner, les festivités sont ouvertes à tous... et complètement gratuites.

Mauvaise réputation

Saint-Denis n'est qu'à quelques minutes en train de la gare du Nord de Paris. Et pourtant, Saint-Denis reste une ville méconnue, réduite à ses problèmes sociaux. Le département dont Saint-Denis est la capitale reste en effet l'un des plus pauvres de France et symbolise, avec ses grandes tours d'habitation construites dans les années 60, les ratées des banlieues françaises.

Sans nier les difficultés sociales et économiques d'un territoire historiquement populaire, Saint-Denis ne saurait être réduite à ce cliché.

Comme les autres villes de la «petite couronne» (nom donné aux banlieues très proches de Paris), le renouveau des transports en commun du «Grand Paris» fait changer son visage. L'ancienne ville royale - connue pour sa célèbre basilique, où les rois étaient couronnés et enterrés dans sa nécropole - a, dans son centre-ville, des petits airs du quartier populaire parisien Barbès, et de ville de province.

Et les raisons de la visiter sont nombreuses - on peut penser au Stade de France, temple du soccer français; à la Cité du Cinéma du producteur-réalisateur français, Luc Besson; à l'ancien siège du journal communiste L'humanité de l'architecte Oscar Niemeyer...

Ce dynamisme se vit aussi ailleurs en Seine-Saint-Denis.

«Nouveau Brooklyn»

Ainsi, tout près du canal de l'Ourcq, à quelques minutes à pieds du parc de la Villette de Paris, la ville de Pantin est depuis quelques années le lieu d'une véritable petite transformation.

C'est en effet au bord d'une route sans intérêt, dans un paysage très industriel, que le galeriste autrichien Thaddaeus Ropac installé depuis plusieurs décennies dans le Marais de Paris a ouvert sa nouvelle galerie, en 2012, créant la surprise - et parfois la consternation - dans le milieu de l'art parisien. Le vaste espace de 2000 m2, doté d'un café, symbolise une petite révolution dans un pays fortement centralisateur où l'on a longtemps cru que hors Paris, il n'y avait point de salut.

La galerie Ropac n'est pas arrivée seule à Pantin.

L'ancienne ville ouvrière est le site, depuis 20 ans, des ateliers d'Hermès et accueille depuis trois ans la très parisienne maison Chanel, installée sur le bord du canal de l'Ourcq. Ce petit boom assure à Pantin, que les médias anglo-saxons comparent volontiers à Williamsburg, une couverture fréquente dans le New York Times - l'une des collaboratrices du prestigieux quotidien, Mira Kamdar, y a en effet élu domicile.

Enfin, l'immense carcasse des Bâtiments généraux, au bord du canal de l'Ourcq, fut pendant une quinzaine d'années une petite Mecque du street art de Saint-Denis. Le bâtiment est en travaux depuis plusieurs mois: le géant de la pub, BETC, s'installera ici sous peu.

Y aller

Le réseau de transports en commun de l'île de France a de quoi faire fantasmer n'importe quel Montréalais. Du centre de Paris, on se rend à Saint-Denis en métro (ligne 13), comme à Pantin (ligne 5) à Saint-Ouen (ligne 13 ou 4) ou à Montreuil (ligne 5). Pour Le Bourget, on emprunte le RER B, Pantin, le RER E. Enfin, on peut aussi emprunter le réseau de train Transilien. Pour planifier votre trajet:

http://www.transilien.com/

http://www.ratp.fr/

Photo Anabelle Nicoud, La Presse

Toujours à Saint-Denis, l'atelier de créateurs et constructeurs La Briche organise de nombreuses manifestations.

À voir

Le 6b

Lieu de création et de diffusion artistiques, le 6b aura à l'été encore son salon estival: la Fabrique à rêves. Un parcours et chantier artistique qui se tient dans ses murs et autour du bâtiment. Pour les petits comme pour les grands.

6/10, quai de Seine, Saint-Denis

le6b.fr

La Briche

L'atelier de créateurs et constructeurs organise de nombreuses festivités. Il règne à La Briche une ambiance bric-à-brac, très conviviale et très festive.

65, rue Paul-Eluard, Saint-Denis

bricheforaine.wordpress.com

La galerieThaddaeus Ropac

À Pantin, un haut lieu de l'art contemporain de 2000 m2 ouvert dans une ancienne usine complètement retapée. Au printemps, on retrouve l'artiste britannique Antony Gormley (Second Body), qui signe aussi une oeuvre imposante faite sur mesure pour la galerie: Matrix II. On peut aussi s'arrêter au Café bleu.

110-112, avenue du Général-Leclerc, Pantin

ropac.net/contact/paris-pantin

Gagosian Gallery

Inattendu aussi, le choix du galeriste américain Larry Gagosian d'ouvrir une deuxième galerie parisienne au Bourget, ville de Seine-Saint-Denis connue pour son aéroport. Cet espace de 1650 m2 est un ancien immeuble industriel repensé par l'architecte-vedette français Jean Nouvel. Des grands noms de l'art contemporain dans les galeries Gagosian de Londres, Hong Kong et Paris-Bourget ont été exposés. Parmi eux: Jeff Koons, Takashi Murakami, Julian Schnabel, Gerhard Richter. Jusqu'en août, Bruce Nauman est à l'honneur. Sur rendez-vous.

26, avenue de l'Europe, Le Bourget

gagosian.com

Musée de l'air et de l'espace du Bourget

Le musée est totalement voué à l'aérospatial et à l'aviation. On peut visiter des cockpits d'avion, voir un Concorde, des avions de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale. Le musée propose aussi des activités pédagogiques et des visites en petit comité. Idéal pour les familles.

Aéroport Paris-Le Bourget

museeairespace.fr

Basilique-cathédrale de Saint-Denis

À 5 km au nord de Paris, en plein coeur du centre historique de Saint-Denis, la basilique est un site majeur pour les amoureux de l'histoire de France. Fondée sur le lieu de sépulture de Saint-Denis, elle a abrité la nécropole royale jusqu'à la Révolution française. Jusqu'au XVIIe siècle, les reines y étaient aussi sacrées.

1, rue de la Légion-d'Honneur, Saint-Denis

saint-denis.monuments-nationaux.fr

La Cité du Cinéma

Modestement surnommée «Hollywood sur Seine», la Cité du cinéma est logée dans une ancienne centrale électrique, réhabilitée en temple du cinéma par le producteur-réalisateur Luc Besson. On y trouve aujourd'hui des plateaux de tournage et deux écoles de cinéma. La Cité du cinéma est aussi un lieu de découverte accessible au public: on peut visiter des expositions thématiques (jusqu'en septembre, une exposition y est consacrée à Harry Potter) et voir de près des souvenirs des films les plus connus de Luc Besson (notamment, des décors et costumes du Cinquième élément ou de Léon - aussi appelé Le professionnel).

20, rue Ampère, Saint-Denis

citeducinema.org/visite-guidee

Les puces de Saint-Ouen

Probablement la plus célèbre activité du week-end en proche banlieue parisienne. Les amoureux d'antiquités et de vintage seront comblés avec ce marché aux puces qui regroupe pas moins de 14 marchés. Il y règne une ambiance conviviale et typiquement française. L'ambiance guinguette du restaurant Chez Louisette - table sans autre prétention que de maintenir un style au charme suranné - est à ce registre assez imbattable. Les puces ont aussi leur volet branché près de l'espace «Vintage» du géant du meuble Habitat, situé dans les anciens ateliers Steinitz. Habitat est le voisin du restaurant Ma Cocotte de Philippe Starck et d'une imposante et toute nouvelle galerie d'art contemporain, la Galerie Until Then.

marcheauxpuces-saintouen.com

habitat.fr/vintage

macocotte-lespuces.com

Photo fournie par Le Marché aux Puces de Saint-Ouen

Photo Anabelle Nicoud, La Presse

L'immense galerie Thaddaeus Ropac a investi une ancienne usine où sont présentées des oeuvres contemporaines.