La voiture a été garée à deux minutes de là, en Espagne. La frontière a été franchie à pied. Mais avant d'entrer à Gibraltar, il faut encore traverser le tarmac de l'aéroport.

À Gibraltar, tout est particulier. À commencer par le fait que le point d'entrée de la ville, c'est le tarmac. Curieux, tout de même, de voir un avion atterrir sous nos yeux. Curieux, aussi, à la pointe de l'Espagne, d'être dans une colonie britannique. Et du haut du célèbre rocher, d'apercevoir l'Afrique. Essayez d'expliquer cela dans une carte postale!

Les Espagnols ont perdu Gibraltar au tout début du XVIIIe siècle. Ni les référendums ni les discussions des dernières années entre l'Espagne et la Grande-Bretagne n'ont changé les choses: à Gibraltar, on parle anglais, on paie en livres sterling et l'on mange davantage de fish and chips que de tapas. Seule concession aux Espagnols: les Britanniques de Gibraltar conduisent à droite, histoire de ne pas trop compliquer la vie aux Espagnols et autres touristes qui sont quelque 4 millions, chaque année, à venir faire ici trois petits tours et puis s'en vont.

Autre surprise, à l'approche de Gibraltar: plutôt que d'exploiter le rocher au maximum en multipliant les hôtels dans les villes environnantes, les Espagnols ont surtout planté le long de la côte des condominiums, des condominiums et encore des condominiums.

Pour se loger, c'est donc vraiment du côté d'Algésiras que ça se passe, parce que le rocher a quand même un petit quelque chose de monégasque: c'est cher.

Pour la majorité des touristes, Gilbraltar, qui ne fait que 5,8 km2, se visite surtout en un saut d'une journée. Mais quel saut! Et un saut qu'il faut planifier. L'obsession de mon ami pour la météo - alors qu'il faisait grand beau en Espagne depuis déjà deux semaines! - s'est révélée une juste précaution.

Parce que quand on va à Gibraltar, il faut que le temps soit clair, sans un nuage. L'idée, c'est quand même de voir l'Afrique, qui ne se trouve qu'à 13 km. D'ailleurs, sur le rocher, vous vous sentirez déjà un peu sur l'autre continent, ne serait-ce qu'en raison de cette centaine de singes qui règnent ici en rois et maîtres et qui auront tôt fait de lorgner - et même de vous arracher - toute nourriture qui pourrait leur sembler intéressante.

On ne sait pas trop comment ils ont atterri là, les macaques, mais ils seraient aujourd'hui plus de 150 à devoir gros à Churchill qui, dans les années 40, les a protégés contre toute menace d'extinction. Mieux: quand leur population a baissé, il aurait fait venir d'autres spécimens d'Afrique du Nord. C'est qu'à Gibraltar, les macaques ne sont pas que de simples singes, ce sont aussi des baromètres politiques: selon la superstition, quand les signes partiront de Gibraltar, les Anglais devront partir aussi.

Gare aux singes, donc, qui lorgnent votre nourriture, mais gare aussi aux chauffeurs de taxi qui, eux, veulent une partie de votre porte-monnaie! Dès le tarmac, ils proposent de vous amener sur le rocher, mais à un prix de fou. Résistez. L'idéal, c'est de prendre le téléphérique, surtout si vous avez envie de faire un peu de randonnée sur le rocher - ou, si vous avez moins de temps, de partager avec sept ou huit touristes un taxi dont le chauffeur vous mènera là-haut en camionnette en vous racontant tout de Gibraltar.

Quelle que soit l'option retenue, arrivez tôt - surtout en haute saison et si vous voulez aussi visiter les nombreuses grottes - pour profiter de ce que Gibraltar a de mieux à offrir: des vues spectaculaires sur la côte espagnole, sur les flancs escarpés du rocher, sur cet entonnoir géographique où se croisent les eaux chaudes de la Méditerranée et celles, plus froides, de l'Atlantique.

Vous n'avez qu'à regarder ce cimetière de bateaux, où un autre s'est échoué il y a quelques mois à peine, pour constater à quel point les courants dangereux du détroit et les conditions climatiques très variables de Gibraltar ont fait trouver leur Waterloo à bon nombre de navigateurs...

C'est comme on vous le disait: la météo! Il faut toujours vérifier la météo avant de partir!