Pour avoir des sourcils parfaitement tracés et naturels, à la Maripier Morin ou Penélope Cruz, le microblading, un tatouage semi-permanent qui permet de modifier la forme, la longueur ou l'épaisseur des sourcils, connaît un grand succès au Québec. Mais cette technique invasive et peu réglementée est souvent mal exécutée.

La folie furieuse

«C'est la folie furieuse au Québec!», lance l'esthéticienne, maquilleuse et enseignante en esthétique Marie-Claude Girard, fondatrice d'Image de marque, qui offre le microblading des sourcils depuis l'été dernier, devant l'explosion de la demande.

Il s'agit d'une technique de maquillage semi-permanent qui permet de dessiner manuellement des sourcils, poil par poil, avec un stylo, des microaiguilles qui forment une lame, et de la pigmentation. Le résultat donne un effet très naturel, lorsque le tout est fait dans les règles de l'art.

Sur Instagram, le mot-clé #microblading atteint près de 2 millions de publications. Au cours des derniers mois, Madonna, Oprah Winfrey, Victoria Beckham ou encore l'actrice Megan Fox sont quelques-unes des célébrités qui y auraient eu recours.

Technique ancestrale au Japon, présente depuis longtemps en Europe et arrivée plus récemment aux États-Unis, la tendance vient de s'implanter au Québec. Ce n'est d'ailleurs que depuis l'été dernier que des formations sont offertes chez nous, avec un nombre impressionnant d'esthéticiennes qui veulent offrir ce service à leur clientèle.

La demande est telle que l'agenda de Marie-Claude Girard est complet pour les deux prochains mois en microblading des sourcils. «Je ne pensais pas en faire autant!», admet-elle.

Un effet «wow» rapide

En juin dernier, Chloé Jacques, 29 ans, a mis sur pied l'académie La Station Beauté, à Terrebonne, qui offre notamment des formations en maquillage permanent et en microblading des sourcils. Depuis, son académie a formé 130 étudiantes en microblading des sourcils. Cette passionnée d'esthétique a vite été conquise par le côté naturel et la fine précision que permet la technique. 

«C'est très populaire, car ce n'est pas un service qui est long à faire et on voit tout de suite l'effet "wow", explique-t-elle. On n'a pas besoin d'attendre plusieurs semaines pour voir le résultat, comme pour les sérums.» Souvent, les clientes ne différencient pas les poils dessinés de leurs vrais poils de sourcils, ajoute-t-elle.

«Je veux les sourcils de Maripier Morin»

L'âge de la clientèle varie de 20 à... 80 ans, note Chloé Jacques, car la technique permettrait de rajeunir le regard. Des femmes qui n'ont que quelques poils, celles qui se sont trop épilées et dont les poils ne repoussent plus, ou encore celles qui ne veulent plus passer du temps à maquiller leurs sourcils tous les jours font partie des adeptes du microblading.

Reste que les jeunes femmes représentent une part importante de la clientèle. L'esthéticienne et maquilleuse Marie-Claude Girard entend souvent des jeunes de 18 ou 20 ans lui dire ne vouloir qu'une seule chose: les sourcils de l'animatrice Maripier Morin.

«Les sourcils de Maripier Morin sont très beaux, mais ça lui va à elle. Elle a la morphologie qui va avec. Quand la nature nous a donné de petits sourcils, ça va mieux avec notre morphologie, il faut donc la respecter.»

C'est d'ailleurs ce qu'elle explique à ses clientes, qui finissent par comprendre. 

«Je ne ferai pas de trop gros sourcils à quelqu'un qui a une fine ossature, de fines lèvres ou de petits yeux. Ce sera déséquilibré. Le haut du visage doit aller avec le bas», conclut-elle.

Une mode?

Les sourcils épais et fournis sont tendance depuis près de 10 ans. «Mais si on se fie au balancier de la mode, on est sur la fin du cycle et bientôt le sourcil devrait revenir plus fin», analyse Pascale Grenier, qui pratique l'épilation des sourcils depuis près de 20 ans. Mieux vaut donc respecter sa morphologie plutôt que la mode, qui finit par passer.

Prix 

De 350 $ à 550 $ pour la consultation, la séance et la première retouche après de quatre à six semaines. La retouche suivante, de un à deux ans plus tard, est généralement moitié prix. Les prix varient d'un endroit à l'autre. Mieux vaut se méfier des prix trop bas, autour de 150 $.

Comment ça fonctionne?

Faut-il plusieurs retouches? Puis-je le faire enceinte? Quelques indications et conseils sur le microblading.

Tracer la ligne du sourcil

D'abord, la technicienne trace au crayon la ligne du sourcil. Puis, chaque poil est finement dessiné manuellement avec un stylo et une lame composée de microaiguilles. Le microblading ne touche que l'épiderme de la peau, donc les couches superficielles, contrairement au maquillage permanent qui se fait plus en profondeur, à l'aide d'un appareil. «C'est vraiment un travail artistique», souligne l'esthéticienne et maquilleuse Marie-Claude Girard.

Retouche nécessaire

Le premier rendez-vous dure une à deux heures, avec la consultation. Le prix comprend le rendez-vous suivant, qui a lieu de quatre à six semaines plus tard. Après environ un an ou deux, une retouche est nécessaire, car les poils dessinés auront graduellement pâli. L'exposition au soleil, la piscine, la mer ou encore le type de peau vont accélérer la dépigmentation. À titre de comparaison, le maquillage permanent des sourcils nécessite une retouche après de trois à cinq ans et donne un effet plus poudré.

Cicatrisation

Dans les premiers jours, les sourcils auront l'air très foncés. Une petite croûte se formera. Il faut attendre quelques semaines avant de voir la véritable couleur apparaître et pour que le tout cicatrise. À éviter une semaine avant son mariage!

Contre-indications

Avant le début du travail, un gel anesthésiant est appliqué pour diminuer la douleur. La technique est donc déconseillée aux femmes enceintes ou qui allaitent.

Comme on peut saigner durant la séance, la technique est aussi contre-indiquée pour les personnes avec un diabète non contrôlé, qui prennent des anticoagulants ou qui font de la chimiothérapie.

Photo Masterfile

Les dangers du microblading

N'importe qui peut pratiquer le microblading des sourcils. Aucun prérequis, aucune expérience et aucun diplôme ne sont nécessaires, même si la procédure est invasive. Et n'importe qui peut suivre la formation offerte par plusieurs écoles privées ou même l'apprendre seul, sans oublier que peu d'équipement est requis. 

Comme la demande est forte, tout le monde veut en faire. Ce qui inquiète le milieu. «C'est vrai que c'est un fléau au Québec, car on n'est pas aussi réglementé qu'ailleurs», admet Chloé Jacques, formatrice et propriétaire de l'académie La Station Beauté.

Résultat : de nombreuses clientes font corriger un microblading mal exécuté. L'esthéticienne, maquilleuse et enseignante en esthétique Marie-Claude Girard souligne qu'elle répare autant de microblading de sourcils qu'elle en fait.

Même constat à La Station Beauté. «Beaucoup de personnes viennent nous voir pour qu'on fasse des corrections. Elles sont allées chez des gens qui n'ont pas de formation», prévient Chloé Jacques.

«On en voit des histoires d'horreur, il faut faire attention, c'est quand même sur le visage.»

Par exemple, si une femme a les cheveux noirs, «il ne faut jamais appliquer de pigment noir pur, sinon le sourcil devient gris-bleu!», avance Chloé Jacques. Et des sourcils bleus, elle en a malheureusement vu. Il faut recourir à une technique de détatouage pour faire une correction importante.

Conseils aux clientes

Marie-Claude Girard est estomaquée de constater que les clientes ne sont pas assez prudentes et ne posent pas assez de questions. «Personne ne m'a jamais demandé si j'avais mon diplôme!, s'exclame-t-elle. Tout ce que les clientes cherchent, c'est le prix le plus bas.» 

Six questions à poser sans gêne avant une séance: 

1) La personne a-t-elle suivi une formation en microblading ? Peut-on voir son diplôme?

2) Quel type de pigmentation est utilisé ? Est-ce végétal et approuvé par Santé Canada?

3) Peut-on voir un portfolio? Encore mieux, demander des références.

4) La personne ou l'école est-elle membre de l'Association des professionnels en électrolyse et soins esthétiques du Québec?

5) Est-elle assurée?

6) Peut-on avoir une consultation? Qui devrait être gratuite et durer environ de 30 à 40 minutes.

Devant l'explosion rapide de la demande, l'Association des professionnels en électrolyse et soins esthétiques du Québec (APESEQ) a mis en place l'an dernier des normes à suivre en microblading des sourcils. Par exemple, pour pratiquer cette technique, il faut suivre de 10 à 30 heures de cours, selon ses qualifications.

Le problème: il n'y a aucune obligation pour les écoles, esthéticiennes ou toute autre personne de respecter ces normes. Seulement 13 écoles qui offrent la formation en microblading des sourcils sont membres de l'APESEQ. «Mais on sait qu'il y en a beaucoup plus qui l'offrent», indique la directrice générale de l'APESEQ, Édith Pilote. Elle souligne que sur près de 5000 esthéticiennes au Québec, seulement 575 sont membres de l'APESEQ.