Retour en 2001. Sophie Larose est courtière en valeurs mobilières et enseigne la planification financière à l'Université du Québec à Montréal. Le 11 septembre, lorsque les tours jumelles du World Trade Center s'écroulent, la professionnelle en placements remet sa vie en question.

Aujourd'hui, Sophie habite encore la même maison, celle où elle s'était réfugiée pour peindre, marcher et réfléchir pendant son année sabbatique, prise au lendemain de l'attaque du World Trade Center. Elle était trentenaire; elle a maintenant 51 ans. C'est un refuge au fond des bois, à Wentworth-Nord, dans les Laurentides. Un refuge que des centaines de jeunes ont connu au fil des ans.

Sophie n'a rien d'une mécène qui aide les jeunes démunis. Simplement, un soir, pendant son congé, elle a assisté à une séance du conseil municipal. « J'ai appris qu'il n'y aurait pas de patinoire cet hiver-là, faute de bénévoles. Ça m'a choquée. On est au Québec! La glace, ça fait partie de notre patrimoine. Voyons donc, pas de patinoire! » Elle a levé la main. Boyau en main, elle s'est élancée.

Le début d'une longue aventure

C'est là qu'elle a fait la connaissance des jeunes du secteur. Elle a découvert chez certains d'entre eux une grande pauvreté. « Je suis tombée des nues, se souvient-elle. Je n'avais aucune idée que des enfants autour de moi manquaient de ressources alimentaires, que d'autres avaient une mauvaise hygiène, que tant de jeunes étaient laissés à eux-mêmes! »

« Dans ce Québec riche et industrialisé, notre plus grande préoccupation est souvent de trouver la meilleure terrasse en ville ou la boutique où payer moins cher nos objets de marque. Mais dans ce même Québec, des enfants arrivent à l'école avec des retards de développement importants à cause de leur isolement et du manque de services. Après avoir vu ces enfants, je ne pouvais plus fermer les yeux. » - Sophie Larose

Dénicher le meilleur, Sophie Larose savait le faire. Après tout, n'avait-elle pas enseigné à des cohortes de futurs courtiers comment dénicher les meilleurs placements pour leurs clients? Elle a donc transposé ses talents au profit de sa nouvelle cause et commencé à aider ces enfants à son compte, quand et comme elle le pouvait. En 2007, au bout de six ans de bénévolat et à bout de souffle, elle a créé l'organisme sans but lucratif Ressources communautaires Sophie. Aujourd'hui, Sophie exploite une garderie le jour. Quand les petits quittent son refuge en après-midi, ce sont les élèves du primaire et du secondaire qui y débarquent.

Elle fait de l'aide aux devoirs, elle nourrit, elle trouve des bottes d'hiver. Elle écoute, conseille, oriente. Elle calme, aussi, car de la détresse psychologique, il y en a beaucoup. Quelque 25 jeunes fréquentent sa maison quotidiennement et en tout, Ressources communautaires Sophie en soutient une soixantaine chaque année. Elle aide aussi leurs parents. En octobre 2015, Sophie Larose a sauvé le dépanneur d'une faillite de plusieurs centaines de milliers de dollars. Pour y arriver, elle a mis à contribution son expérience professionnelle, les talents de certains résidents de la communauté et ses forces de négociation auprès de diverses instances. « Sans dépanneur, on vit dans un désert alimentaire », explique-t-elle. Grâce à son aide et à une équipe remarquable, le dépanneur a généré des profits de 12 000 $ pour l'année 2017-2018.

Au gré des besoins

« J'ai créé une friperie pour aider les familles à dénicher des vêtements à moindre coût. J'ai aussi aidé une ado qui venait d'apprendre qu'elle n'allait pas pouvoir devenir marraine parce qu'elle-même n'avait fait aucun cheminement religieux. Je l'ai guidée afin qu'elle reçoive les sacrements qu'exige la fonction, et je me suis retrouvée, à ma grande surprise, avec 11 autres ados intéressés! Nous ne sommes pas une ressource à caractère religieux, mais le jour de leur confirmation, j'ai vu à quel point les jeunes et les personnes âgées se connaissaient peu. »

Celle qui veut créer des ponts entre les générations vient de déposer un projet qui permettrait aux ados d'enseigner aux aînés comment utiliser les réseaux sociaux.

Grâce à sa démarche, Sophie a par-dessus tout fait une découverte importante : « Lorsqu'un humain demande de l'aide, il offre en retour ce qu'il a de mieux. Il faut prendre ce que les gens peuvent donner. C'est magnifique. Mon job, c'est de dénicher le meilleur dans chaque personne. »