Impression textile, collage, photographie, peinture, sérigraphie, origami, sculpture : l'artiste visuel montréalais Jason Cantoro tire profit de multiples techniques pour s'exprimer. Inspiré par sa ville et inspirant pour celle-ci, il vient de donner le dernier coup de pinceau à une murale qui embellit la collection d'art public de Montréal. À sa façon, il contribue à enrichir ce musée urbain à ciel ouvert.

LE TOUCHE-À-TOUT

Comment décrivez-vous votre travail?

Je suis diplômé en arts visuels et médiatiques de l'Université du Québec à Montréal. Mon parcours, assez atypique, réunit l'art et le design. Je prône l'hybridation. J'aime combiner les procédés tantôt numériques, tantôt traditionnels, pour développer des oeuvres sur différents matériaux : textile, papier ou bois. Le calcul ordonné et le hasard dans la répétition sont des thèmes récurrents dans mon travail.

DANS LE TON

La couleur joue-t-elle un rôle primordial dans votre signature?

Au début de ma carrière, mes créations étaient plus ternes et monotones. Ma véritable exploration de la couleur coïncide avec la naissance de ma fille aînée. D'ailleurs, cette dernière se prénomme Scarlett (et sa petite soeur, Lucie - pour « lumière ») tellement c'est devenu important dans ma démarche. J'ai voulu que mon travail soit plus joyeux pour mes enfants, que mes oeuvres les interpellent. Au-delà du pigment lui-même, c'est le rapport entre les couleurs qui m'anime.

PLIS ET REPLIS

D'où vient l'inspiration pour vos fameuses oeuvres origami?

J'ai grandi dans l'est de Montréal. J'ai passé pas mal de temps dans les transports en commun et, à une époque, je m'amusais à plier les correspondances de métro pour créer des formes. Ce souvenir m'est revenu comme un flash alors que je me questionnais sur la manière d'exprimer le potentiel d'une surface plane. Je me suis mis à explorer le pliage permanent pour donner de la dimension à mes oeuvres. Ça a donné une série d'images en origami 3D que l'on peut installer directement sur les murs.

MURALE CONTEMPORAINE

Vous venez de terminer un projet majeur de murale; parlez-nous-en.

C'est la deuxième fois que j'ai ce privilège. L'art public, c'est l'art ultime, car c'est visible par tout le monde. La première fois, c'était en 2015 pour une murale en hommage au cinéaste Norman McLaren (boul. Saint-Laurent). Cette année, j'ai remporté un concours organisé par le Bureau d'art public de la Ville de Montréal pour orner l'une des façades du Centre interculturel Strathearn (angle Jeanne-Mance et Léo-Pariseau). La murale se nomme Le monde intérieur et est en lien direct avec ma série Les plans grâce à laquelle je fais un retour à la sérigraphie. À l'aide de pochoirs, je représente des formes droites et aléatoires.

SI LES MURS POUVAIENT PARLER

Que représente cette toute dernière murale ?

C'est à la limite entre l'abstrait et le suggéré. C'est comme si, dans notre esprit, on juxtaposait un plan à notre perception réelle de ce même lieu physique. Concrètement, j'évoque des traces du passé de la maison qui y fut jadis. On peut y voir un escalier, une fenêtre ou une cheminée. Mais ça dépend du point de vue de chacun. Ma manière d'intégrer la vocation de l'immeuble s'illustre par les couleurs superposées. C'est une façon de rendre hommage au multiculturalisme et au métissage.

DESIGN DE MARQUE

En dehors de vos oeuvres à collectionner et de l'art public, où peut-on voir votre travail?

Je trouve ça important d'élargir mon champ d'action, alors je collabore aussi avec des commerçants, des entreprises ou d'autres artistes qui ont à coeur de diffuser l'art. Par exemple, j'ai illustré le logo et les étiquettes des bières de la microbrasserie Robin, j'ai créé la tapisserie d'époque du restaurant Lawrence, réalisé l'imagerie du camion de rue Mr. Crémeux du Pastaga et inventé des motifs pour des maillots de bain de la marque québécoise June Swimwear. L'art et le design sont complémentaires, l'un nourrit l'autre.

OEUVRE UTILE

Est-ce que monsieur et madame Tout-le-monde peut comprendre vos oeuvres?

Bien sûr! Ça ne prend rien pour apprécier l'art. Ça prend juste un intérêt... Ensuite, il s'agit d'être à l'écoute de ses sentiments. Quand je crée, je suggère des pistes de lecture, mais il n'y a pas de narration précise. Ultimement, mes oeuvres sont libres d'interprétation. La preuve, c'est que la série Les plans n'est pas signée. C'est voulu ainsi pour que les gens puissent décider de les exposer dans un sens comme dans l'autre, selon l'émotion que le tableau évoque.

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