(Tokyo) La communauté médicale japonaise se dirige vers un consensus selon lequel la tenue des Jeux olympiques de Tokyo l’année prochaine pourrait dépendre de la disponibilité d’un vaccin contre le coronavirus.

Le président de l’Association médicale japonaise, Yoshitake Yokokura, a avancé lors d’une conférence de presse vidéo, mardi, que les Jeux olympiques n’étaient possibles que si la propagation du virus était sous contrôle, non seulement au Japon, mais dans le monde entier.

À mon avis, il serait difficile d’organiser les Jeux olympiques à moins que des vaccins efficaces ne soient développés.

Yoshitake Yokokura, président de l’Association médicale japonaise.

Il n’a toutefois pas dit s’il s’opposait aux Jeux olympiques si on ne dispose pas de vaccin.

Le Japon a signalé 13 576 cas de la COVID-19 et 712 autres provenant d’un navire de croisière mis en quarantaine au port de Tokyo au début de l’année. Mardi, le ministère de la Santé a signalé 389 décès au total en raison du virus.

Le Japon et le Comité international olympique ont convenu de reporter les Jeux de Tokyo jusqu’au 23 juillet 2021, en raison de la pandémie de coronavirus. Le Japon est en état d’urgence pendant un mois dans un contexte d’augmentation rapide des infections à travers le pays.

Pessimisme

Un professeur japonais de maladies infectieuses a déclaré la semaine dernière qu’il était également sceptique quant à la tenue des Jeux olympiques dans 15 mois.

Je suis très pessimiste quant à la tenue des Jeux olympiques l’été prochain, à moins que vous ne les teniez dans une structure totalement différente, c’est-à-dire sans public ou avec une participation très limitée.

Kentaro Iwata, professeur de maladies infectieuses à l’Université de Kobe.

Yoshiro Mori, ancien premier ministre et maintenant président du comité d’organisation, a déclaré au journal Nikkan Sports qu’il n’y aurait pas un autre report si les jeux ne pouvaient pas avoir lieu en 2021.

PHOTO D’ARCHIVES KAZUHIRO NOGI, AFP

S’il se révèle impossible de tenir les JO en 2021, un second report à 2022 est hors de question, a dit le président du COJO de Tokyo, Yoshiro Mori.

« Non, dans cette situation, ce sera l’annulation, a-t-il affirmé. Dans le passé, quand il y avait de tels problèmes, comme la guerre, les Jeux ont été annulés. Cette fois, nous combattons un ennemi invisible. »

Mori a ajouté : « C’est un pari pour l’humanité. Si le monde triomphe du virus et que nous pouvons organiser les Jeux olympiques, alors nos jeux auront encore plus de valeur que tous les Jeux olympiques passés. »

Pas de vaccin, pas de JO d’hiver non plus ?

Devi Sridhar, professeure de santé publique mondiale à l’Université d’Édimbourg, a mentionné que la tenue des Jeux olympiques pourrait dépendre de la quête d’un vaccin. Cela pourrait également s’appliquer aux Jeux olympiques d’hiver de 2022 à Pékin en Chine, où le coronavirus a été détecté pour la première fois.

Elle a souligné que dans un scénario optimiste, il faudrait de 12 à 18 mois pour disposer d’un vaccin.

« La science, ce n’est que la moitié de la bataille, a dit Sridhar dans un courriel à l’Associated Press. L’autre moitié consiste à produire suffisamment de doses et de les distribuer aux gens du monde entier. Comment faire pour le distribuer ? »

Elle a ainsi questionné qui recevrait le vaccin en premier, les travailleurs de la santé, ceux qui travaillent avec les personnes vulnérables ou âgées, ou les personnes âgées elles-mêmes. Sridhar a ajouté qu’il n’était pas clair comment les athlètes olympiques jeunes et forts « s’intégreraient » dans le « processus prioritaire ».

« Je suis sûre qu’il y aura une réflexion innovante sur la manière de combiner la sécurité des athlètes, de leurs entraîneurs et de leurs équipes, avec la conscience que le sport joue un rôle crucial pour le monde, pour des raisons économiques, mais aussi sociales », a-t-elle déclaré.

Pression énorme

Masa Takaya, porte-parole des Jeux olympiques de Tokyo, a déclaré qu’il était au courant des commentaires de la responsable de l’Association médicale du Japon.

« Nous comprenons qu’il existe une variété de points de vue et d’opinions sur la possibilité d’accueillir les Jeux l’année prochaine, a déclaré Takaya. Certains experts médicaux expriment également qu’il est trop tôt pour porter un jugement. »

Un vaste effort sera déployé pour organiser les Jeux olympiques l’année prochaine, vaccin ou pas, amateurs ou pas.

« Cela met une pression énorme sur toutes les personnes impliquées pour développer une solution acceptable plutôt qu’optimale, a déclaré David Carter, qui enseigne le marketing du sport à l’Université de Californie du Sud, dans un courriel à l’AP. Ajoutez à cela l’importance que le CIO accorde à sa marque, et l’incertitude en ce qui concerne la santé publique et vous vous retrouvez avec la version sportive internationale du cube Rubik. »

Le Comité international olympique est tributaire des droits de diffusion pour 73 % de ses revenus. Un autre 18 % provient des commanditaires. Le CIO n’a que de deux évènements majeurs à monnayer, et les diffuseurs ne paient pas beaucoup de leurs frais avant la diffusion des Jeux olympiques.

Le Japon a officiellement dépensé 12,6 milliards US pour organiser les Jeux olympiques, et un bureau national d’audit indique que le chiffre réel est au moins deux fois plus élevé. Les estimations des médias au Japon indiquent que le coût du report sera de 2 à 6 milliards.

Ajoutez à cela 11 000 athlètes olympiques et 4400 paralympiens. La grande majorité n’a qu’une seule occasion de participer aux Jeux.

Et puis il y a les commanditaires.

Les organisateurs japonais en ont mis plus de 60 sous contrat, et ils ont payé environ 3,3 milliards pour être liés aux Jeux olympiques. Le CIO comptait également 14 commanditaires à long terme comme Coca-Cola et le fabricant de semi-conducteurs Intel, qui devraient payer environ 100 millions pour être associés aux Jeux olympiques.

« La pandémie est en train de changer le sport dans le monde », a déclaré Doug Arnot, qui a occupé des postes de cadre supérieur ou de consultant auprès de huit comités organisateurs des Jeux olympiques.

Le consultant de Los Angeles a travaillé avec le comité de candidature de Tokyo, ce qui n’est plus le cas.

« Cela aura probablement des impacts importants sur la façon dont nous organisons les évènements et la façon dont nous les présentons. Il ne s’agit pas seulement de Tokyo, a déclaré Arnot. Il s’agit du monde des mégaévènements. Ce virus a changé notre façon de voir ces évènements. Le sport veut être un facteur responsable de la communauté mondiale. »