Jusqu’à ce que son avion décolle pour l’Europe, il y a plus d’un mois, Milos Raonic était encore hésitant à l’idée de revenir au jeu. Avec son bagage de courage, il a repris sa vie et sa carrière en main. Il aspire aujourd’hui à ne plus commettre les erreurs du passé.

N’eussent été ses nombreuses blessures, qui sait quelle tournure aurait pu prendre la carrière de Raonic ? Ancien troisième joueur mondial et finaliste à Wimbledon en 2016, le Canadien avait à peu près tous les éléments pour non seulement atteindre le sommet de son sport, mais également s’y installer.

Or, son corps en a décidé autrement.

En raison de blessures répétées, l’Ontarien a choisi de déposer sa raquette en juillet 2021. Depuis, il s’est fait discret. Pour ne pas dire invisible. Personne ne savait s’il allait fouler à nouveau un terrain de tennis.

Il est cependant réapparu il y a quelques semaines, au tournoi de Bois-le-Duc, avant de filer pour Wimbledon, où il a atteint le deuxième tour.

Tout de blanc vêtu, Raonic paraissait plus en forme, plus mince et plus athlétique que jamais. Sa recette magique ? « Je dirais perdre 45 livres », a répondu du tac au tac l’athlète de 32 ans lors d’un entretien téléphonique, mercredi.

Il s’agit certainement d’une perte de poids massive pour un athlète de sa trempe, mais le droitier de six pieds et cinq pouces avait déjà tenté par le passé d’écourter le parcours de l’aiguille sur le pèse-personne, mais en vain.

« Je n’ai mangé qu’un steak par jour pendant presque quatre semaines en début d’année jusqu’à ce que je perde suffisamment de poids pour recommencer à m’alimenter normalement », raconte-t-il.

Si cette restriction alimentaire pouvait horrifier certains spécialistes en nutrition, c’était la chose à faire, croit-il, pour revenir au plus fort de la course.

« Je savais que je perdais du muscle pendant cette période, mais gagner de la masse musculaire n’a jamais été une priorité. [...] La plupart de mes blessures ont été au bas du corps, donc la solution c’était de porter et traîner moins de poids. »

Prendre son temps

Raonic s’était juré de revenir au jeu si seulement deux critères étaient respectés : perdre du poids et y aller à son rythme, sans jamais être brusqué.

Le temps a été bénéfique et aura agi comme une fontaine de jouvence. « Quand tu es à l’écart pendant longtemps, tu es en mesure de restructurer tes habitudes. Il n’y a pas la pression de revenir le plus tôt possible et comme il n’y a pas de pression, j’ai pu prendre un an pour vraiment tout régler. »

En septembre dernier, le goût de reprendre sa Wilson lui est revenu. À ce moment, pour lui, un retour au jeu aux Internationaux d’Australie, en janvier, était non seulement envisageable, mais idéal.

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Milos Raonic

« Avec la saison morte, tout le monde allait recommencer la saison au même niveau. Je me disais aussi qu’il y aurait moins d’attentes vis-à-vis des affrontements », explique-t-il.

Toutefois, le naturel est rapidement revenu au galop. Il s’est blessé au début du mois de novembre et a contracté la COVID-19 pour la première fois quelques semaines plus tard.

Sachant que son retour potentiel en Australie ne tenait plus, son équipe et lui avaient les tournois d’Indian Wells et de Miami, en mars, dans le viseur. Cependant, ils se sont ravisés. Comme Raonic voulait épargner son corps, il souhaitait faire l’impasse sur la saison de terre battue, juste après la séquence américaine.

« Alors ça n’avait pas de sens de revenir pour Indian Wells et Miami, parce que j’aurais pu jouer seulement deux matchs et après attendre trois mois avant de rejouer un match. Ça n’aurait pas été logique. La logique était de viser Wimbledon et ensuite Toronto. »

Ce qu’il a fait. Non sans hésitation.

Je doutais jusqu’à ce que je m’envole pour l’Europe le 2 juin. Je ne voulais pas que qui que ce soit me parle de mon retour jusqu’à ce que je sois dans l’avion, sinon j’aurais trop douté. Une fois dans l’avion, il n’y avait pas moyen de revenir. Mais une fois là-bas, j’ai tout donné.

Milos Raonic

Raonic a obtenu un laissez-passer de la part de Tennis Canada en vue du volet torontois de l’Omnium Banque Nationale, qui aura lieu la deuxième semaine du mois d’août.

L’Ontarien pourra ainsi surfer sur le fait de jouer devant les siens avec le sentiment du devoir accompli avant même d’avoir mis le pied dans la Ville Reine.

« Je suis extrêmement fier de moi », dit-il en appuyant et en étirant l’adverbe.

Il s’est inspiré des retours récents de Dominic Thiem et d’Andy Murray pour réussir le sien. Même avec très peu de recul, il est fortement convaincu d’avoir pris la bonne décision.

« Je voulais jouer à un haut niveau dès mon retour et c’est ce qui est arrivé, même si je me suis blessé. Mais je savais que si mon corps répondait positivement, mon tennis allait y être. En fait, je n’avais qu’un seul problème à régler. Mais je savais que si je jouais en étant blessé, ça ne m’aurait pas rendu justice. »

Revoilà donc le grand Milos Raonic qui débarquera à Toronto sans vraiment d’attentes précises, parce que « c’est encore beaucoup trop tôt ».

Sauf que s’il est revenu, c’est aussi pour gagner. Toronto servira ainsi de test pour la suite. « Je sais que je peux bien jouer au tennis le lundi et le mardi. Mais est-ce que je peux le faire aussi le jeudi et le vendredi ? Il est là, le nerf de la guerre. »

C’est pourquoi chaque tournoi est une bataille, mais l’objectif est encore plus grand. Comme une guerre contre son passé, le nouveau Milos Raonic compte attaquer l’avenir pour ne pas avoir de regret.