Félix Auger-Aliassime a perdu, encore. Le Québécois traverse la période la plus ténébreuse de sa jeune carrière, mais comme le capitaine d’un navire en plein brouillard, il est maître de sa destinée. Il attend simplement de retrouver son étoile pour se sortir de l’impasse.

Quatre heures et sept minutes. Ce temps correspond à la durée du seul match disputé par Auger-Aliassime cette année à Wimbledon. Lundi, le 12ejoueur au classement mondial est tombé aux mains de Michael Mmoh, 119ejoueur mondial. Issu des qualifications, l’Américain n’avait jamais gagné plus de deux matchs consécutifs dans le tableau principal de Wimbledon auparavant.

Auger-Aliassime s’est présenté à l’All England Club de Londres affecté et diminué, à en croire par son genou gauche momifié. Au-delà de ses ennuis à cette articulation névralgique de la jambe l’ayant forcé à se reposer au cours des dernières semaines, le chouchou des amateurs de tennis canadiens n’a jamais été dans le coup. Il a démarré son match lentement. Il en a fait une habitude. Il n’a cependant jamais été en mesure de retrouver ses repères, en plus de peiner sur la plupart de ses frappes. À un point tel où on souhaitait presque que le match prenne fin pour apaiser ses souffrances.

D’ailleurs, si ce n’est pas un genou qui l’empêche de compétitionner, c’est une épaule ou des problèmes gastriques. Bref, même s’il joue moins, ce n’est pas une saison de tout repos pour lui.

Si les résultats se font attendre, c’est principalement à cause de ses blessures. Jamais auparavant Auger-Aliassime n’avait dû négocier avec autant de pépins de santé. Longtemps il a été épargné. N’oublions pas à quel point la fin de la dernière saison a été mouvementée.

Si certains sont inquiets ou perplexes face à la tournure des évènements, il est primordial de remettre les choses dans leur contexte.

En régression

Comme l’ont sûrement écrit de nombreux rédacteurs d’Allô Police à une époque désormais révolue, les faits ne mentent pas. Auger-Aliassime joue pour un peu plus de ,500 depuis le début de 2023, avec une fiche de 13 victoires et 12 défaites. Pour un joueur de son calibre, c’est quasi inadmissible.

Ce rendement lui a fait perdre six places au classement mondial depuis janvier et le positionne au 36rang dans la course ATP, un classement prenant uniquement en compte les résultats de la saison en cours. Auger-Aliassime est devancé par Arthur Fils, Sebastian Baez et Christopher Eubanks…

« C’est une période difficile présentement pour ma jeune carrière, a-t-il déclaré, la mine déconfite, après sa défaite à Wimbledon lundi. Après tout, je dois être patient. C’est sûr que ce sont des semaines et des mois difficiles. Je dois continuer à travailler de la bonne façon, être patient et être convaincu que les résultats vont revenir. »

Voir la lumière

Justement, le temps est sans contredit le meilleur allié du nouvel ambassadeur de la Fondation du CHU Sainte-Justine.

La donnée la plus importante d’entre toutes demeure son âge : 22 ans. Sous ses airs de vétéran établi et poli, on tend à oublier ou négliger le fait que le grand droitier est au quatrième rang des membres les plus jeunes du top 15, après Carlos Alcaraz, Holger Rune et Jannik Sinner.

Malgré les ennuis, Auger-Aliassime n’a pas perdu son identité. Et encore moins son ADN. Il y a quelques semaines à peine, la veille de son forfait à Halle, il déclarait ceci à La Presse : « Je suis un joueur qui gagne beaucoup de points dans les quatre premières frappes de l’échange, y compris le service, donc c’est une partie importante sur gazon. L’ajustement se fait peut-être plus rapidement que pour d’autres joueurs. Mes déplacements aussi. »

Je n’ai jamais eu de mal à me déplacer sur gazon, c’est une partie importante et c’est assez naturel.

Félix Auger-Aliassime

La seule chose qu’il aura égarée, c’est la confiance. Indispensable dans le tennis d’aujourd’hui. Toutefois, ce genre de séquences impromptues fait partie du processus d’apprentissage. Il suffit de s’attarder à la courbe de progression de Casper Ruud pour en être convaincu.

En début de campagne, le joueur de 24 ans était méconnaissable. Il était incapable d’enchaîner les victoires. Jusqu’au printemps, avant d’arriver sur terre battue, il avait baissé pavillon dans six de ses onze premiers matchs. En l’espace de quelques semaines, il a triomphé à Estoril et atteint la finale à Roland-Garros.

PHOTO ALASTAIR GRANT, ASSOCIATED PRESS

Casper Ruud

L’idée n’étant pas de comparer Ruud et Auger-Aliassime, car le Norvégien détient une importante longueur d’avance. Leurs talents sont similaires, mais les réussites de Ruud sont beaucoup plus considérables. Il était à une victoire de s’emparer du premier rang mondial l’année dernière aux Internationaux des États-Unis.

Le point étant plutôt de prouver que chaque chose arrive en son temps pour un jeune joueur de la trempe de Félix Auger-Aliassime. Il renouera bientôt avec la surface dure, sa surface de prédilection. Comme Ruud lorsqu’il a marché de nouveau sur la terre battue, le Québécois pourrait retrouver ses ailes.

La première moitié de la saison 2023 est à oublier. Au sens figuré, mais pas au propre. « Je vais voir ce que je peux faire pour apprendre, mieux faire dans l’avenir et rebondir de la bonne façon », a-t-il rappelé sur le podium de l’All England Club dans son survêtement Adidas.