Pour une dernière fois, avant de s’en aller, Roger Federer offrira aux amateurs ce qui a fait sa renommée au cours du dernier quart de siècle : du beau et du bon tennis. C’est entouré de ceux qui l’ont affronté, qui ont nourri ses joies et ses peines, qu’il fera son dernier tour de piste.

Tout le monde savait que ce jour arriverait. Tout le monde le redoutait. Celui où l’élégant Suisse allait jouer sa dernière balle de match.

C’est à l’issue de la Coupe Laver, présentée de vendredi à dimanche à Londres, que l’homme aux 103 victoires et 20 titres du Grand Chelem va accrocher sa raquette.

Cette Wilson Pro Staff 97 V13 noire qui lui a permis de marquer l’imagination. Qui lui a permis de devenir le plus grand technicien de l’histoire de ce sport. Un coup droit à la prise « eastern » que l’on voit de moins en moins, qui offre une frappe à plat et une accélération redoutable. Un revers à une main que l’on revoit de plus en plus grâce à lui et qui offre une polyvalence et la possibilité de jouer une balle d’attaque, coupée ou amortie sans problème. Un service d’une qualité exceptionnelle, aussi précis qu’efficace, aussi explosif que gracieux, qui lui a offert des championnats.

Avec son jeu de jambes, son anticipation, son jeu offensif, son instinct et sa capacité à se repérer dans l’espace, Roger Federer a marqué à lui seul une génération entière.

Le débat quant à savoir s’il est le plus grand joueur de tous les temps est fascinant, même s’il demeurera éternellement irrésolu. Jamais il n’y aura de réponse définitive à cette question. Trop de facteurs entrent en jeu. Ce qui fait l’unanimité, c’est qu’au-delà d’être le plus grand joueur, il aura assurément été le plus grand ambassadeur pour son sport.

Irréprochable, il n’a jamais provoqué de scandale ou de controverse. Son amour pour le jeu est sincère et prenant, comme l’est son amour pour les partisans qu’il a toujours respectés et chéris.

Des 1526 matchs qu’il a disputés, jamais dans sa carrière il n’a quitté une rencontre ou y a mis fin. Même si parfois il était blessé, usé et mal en point, Federer a toujours eu trop de respect pour les amateurs et ses adversaires pour ne pas terminer un match dans lequel il s’était engagé. Comme en témoigne sa défaite en finale à Montréal en 2017 contre Alexander Zverev, qu’il a terminée en réalisant des services récréatifs en raison d’une grave blessure au dos qui le limitait.

Son lien avec les amateurs n’est pas seulement dû au temps et au respect qu’il leur accordait, mais aussi au fait qu’ultimement, il a été le premier joueur à montrer sa vulnérabilité. Federer était faillible et c’est devenu son plus grand atout.

En 2006, après avoir remporté les Internationaux d’Australie pour la deuxième fois, Federer s’est mis à pleurer sur scène. Il était inconsolable même s’il s’agissait de son septième titre majeur. « Il était un héros et il est devenu un humain », a déjà souligné le réputé entraîneur Patrick Mouratoglou.

PHOTO GREG BOWKER, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Roger Federer après sa victoire à Melbourne en 2006

En 2019, après sa défaite crève-cœur à Wimbledon contre Novak Djokovic dans une finale de cinq manches pendant laquelle il a eu deux balles de match, Federer a pleuré. « J’espère donner aux gens une raison de toujours y croire », a-t-il expliqué au terme de ce qui aura été sa dernière véritable chance de triompher de nouveau au All England Club.

Le public a toujours été fidèle au Suisse. C’est pourquoi chaque tournoi de la Coupe Laver a été un succès retentissant. C’est Federer qui a mis sur pied ce projet et qui est le producteur et l’organisateur de ce rendez-vous qui est devenu un incontournable en fin de saison depuis 2017.

L’équipe Europe et l’équipe Monde s’affrontent dans un tournoi par équipes qui combine simple et double.

Sur ce terrain tout noir, l’Europe domine outrageusement chaque compétition, mais au-delà de la domination du Vieux Continent, c’est le tennis qui y gagne. Rod Laver, le dernier joueur à avoir réussi le Grand Chelem, y est toujours présent et chaudement applaudi. John McEnroe et Björn Borg sont les deux capitaines. Cette compétition a donné droit à une camaraderie insoupçonnée et à des rivalités prévisibles.

Ce tournoi fait le lien entre le passé, le présent et l’avenir. C’est l’héritage de Federer. Au sens propre comme au figuré.

Les quatre grands

Si la Coupe Laver jette le rideau sur la carrière de Federer, elle marquera aussi la fin d’une époque. Celle où tous les membres du « Big Four » seront réunis dans le même tournoi. Federer voulait marquer le coup et il s’est assuré de rejoindre les plus nostalgiques des amateurs de tennis.

Federer, Rafael Nadal, Novak Djokovic et Andy Murray s’allieront tous pour l’équipe Europe. Pour la première fois, ces grands ténors qui ont dominé à eux seuls toute une ère seront coéquipiers et non rivaux. Une force de frappe sans précédent.

PHOTO ADRIAN DENNIS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Rafael Nadal et Roger Federer

Depuis le premier titre majeur de Federer à Wimbledon en 2003 jusqu’aux plus récents Internationaux des États-Unis, 66 des 77 tournois du Grand Chelem ont été gagnés par l’un des membres du « Big Four ». Et dans 33 des 66 finales, ils s’affrontaient entre eux.

De les voir porter les mêmes couleurs et être du même côté du terrain sera certainement étrange et divertissant, mais surtout historique.

D’ici là, plusieurs questions demeurent.

Reverra-t-on un duo Federer-Nadal en double (ce serait le plan, pour vendredi) ? De quelle manière voudra terminer le grand Roger ? Que se passera-t-il dans la tête du Suisse, sous son mythique bandeau, lorsque la foule l’acclamera ? Combien de larmes essuiera-t-il avec son poignet Uniqlo ?

Comme Federer a toujours eu réponse à tout, il saura plaire aux millions de téléspectateurs qui le regarderont. C’est ce qu’il sait faire de mieux.

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  • 1251-275
    Fiche de Roger Federer en carrière
    SOURCE : ATP