La planète tennis est toujours en état de choc plus de 24 heures après l’annonce de la retraite d’Ashleigh Barty.

La meilleure joueuse au monde aura certainement marqué son époque, et son départ surprise représente une gigantesque perte pour le tennis et le sport féminin.

La triple championne de Grand Chelem en simple s’est d’ailleurs adressée aux médias en toute fin de soirée, mercredi, pour expliquer sa décision.

Ashleigh Barty part en paix

Quelques heures après l’énorme nouvelle, certaines des intervenantes et des expertes les plus importantes du tennis canadien étaient toujours consternées. Néanmoins, il y a différentes manières d’analyser cette situation, qui n’a laissé personne indifférent.

Aleksandra Wozniak, ancienne joueuse de la WTA

Wozniak et Barty se sont affrontées une seule fois. C’était à Acapulco en 2014, et la Québécoise l’avait emporté. Quelque temps après, l’Australienne a pris une pause du tennis pour aller jouer au cricket et est revenue en mai 2016, sans jamais regarder derrière.

« Lorsqu’elle est revenue, c’était incroyable de voir à quel point elle était en confiance. Son jeu avait tellement évolué et elle était partie sur une belle lancée. Ça lui a permis de se reposer pour revenir en force et réapprendre à aimer le jeu et à gérer la pression. Elle est devenue plus forte que jamais. »

Wozniak souligne aussi qu’elle a été étonnée que Barty prenne sa retraite au sommet de sa gloire, à 25 ans.

« Je suis surprise comme tout le monde qu’elle prenne sa retraite à un si jeune âge, d’autant que ce n’est plus ça, la mode. […] On n’en voit plus, des femmes qui prennent leur retraite à un jeune âge.

« Avant, c’était plus normal, mais maintenant, les grandes joueuses prennent leur retraite après 30 ans. Donc cette annonce nous ramène un peu dans le passé. Le tennis favorise de longues carrières. Lorsque tu embarques dans ce beau parcours, c’est pour être là longtemps. »

Séverine Tamborero, directrice et entraîneuse haute performance chez Tennis Canada, conférencière et autrice

« Ma première réaction a été : “Oh, my God !” »

Selon Tamborero, l’effet du départ de Barty sera assez dommageable pour la WTA et le tennis féminin. L’Australienne était la grande vedette de son sport, mais malheureusement, les autres joueuses du top 10 n’ont pas encore atteint un statut pareil et ça créera certainement une brèche.

« La WTA a une occasion de se questionner parce qu’on a beau dire qu’il y a d’autres bonnes joueuses, d’autres talents, mais il n’y a pas de vedette, et si tu n’as pas de grosse vedette dans ton sport, c’est difficile. »

À mon avis, sur le plan tennistique, du talent et du potentiel, il y en a d’autres, certainement, mais sur le plan de la visibilité, de la célébrité et du vedettariat, c’est un immense morceau qui vient de partir.

Séverine Tamborero

Cette décision a aussi dû demander beaucoup de courage à Barty, parce qu’elle laisse de côté des titres, des commanditaires et des revenus considérables.

« Qu’une athlète au sommet de son art, ou pas, soit capable de dire qu’elle a tout donné émotionnellement et physiquement, qu’elle ne peut plus aller plus loin, je trouve ça énormément courageux. […] Elle laisse beaucoup de choses de côté, comme d’importants commanditaires et des bourses. Alors c’est d’autant plus courageux, ce qu’elle a fait. »

Andréanne Martin, directrice générale de Tennis Québec

Tout le monde a été surpris, certes. Sauf que tout le monde a aussi été déçu par l’annonce de mardi. En tant qu’amatrice de tennis, Andréanne Martin trouve dommage qu’on doive dorénavant se priver d’Ashleigh Barty.

« Je suis surprise, mais aussi déçue, parce que Barty était un super bon modèle pour le tennis féminin. Elle a des descendances aborigènes, donc c’était intéressant sur le plan de l’inclusion et de la diversité. Elle a aussi beaucoup fait en Australie pour démocratiser le tennis, donc c’était une bonne représentante pour notre sport.

« Pour son style de jeu aussi, elle apportait beaucoup au tennis féminin. Barty faisait en sorte que les filles s’amélioraient parce qu’elles devaient apprendre à jouer contre une fille qui avait tous les coups. Les joueuses ne sont pas habituées à ça sur le circuit. Elle a fait beaucoup pour le tennis féminin, pas juste grâce à sa personnalité, mais elle a amené le jeu à un autre niveau et elle a forcé les joueuses à se réinventer. Elle amenait une diversité dans le tennis féminin qui était vraiment intéressante. Elle a été un super modèle. »

Surtout que Barty a dû travailler d’arrache-pied pour arriver au sommet, après une pause notable de près de deux ans : « Elle n’est pas devenue numéro un par la bande. »

Valérie Tétreault, ancienne joueuse de la WTA et directrice des communications chez Tennis Canada

Barty était une joueuse exceptionnelle, de grand talent, qui était promise à une carrière qui aurait pu la positionner parmi les légendes du sport, selon Valérie Tétreault.

« On avait l’impression que sa carrière n’aurait pas de limite et qu’elle allait dominer le tennis féminin pour les prochaines années. Elle était dominante, surtout depuis le retour après l’arrêt pandémique, et on avait l’impression qu’elle pouvait potentiellement gagner une dizaine de Grands Chelems. »

Néanmoins, c’est davantage l’Ash Barty à l’extérieur du terrain qui aura laissé la meilleure impression à Tétreault : « Je pense qu’on va surtout se souvenir de la formidable ambassadrice qu’elle était pour le sport. Tout le monde sur le circuit s’entend pour dire que c’était probablement la plus gentille. Barty était une joueuse ultra-sympathique avec tout le monde et elle avait compris son rôle d’ambassadrice pour le tennis. Elle était très bonne pour bien vendre le sport, et c’est pourquoi on va s’ennuyer d’elle. Toujours très posée et éloquente lorsqu’elle donnait des entrevues.

« Il y avait quelque chose de rafraîchissant à la voir aller. Elle parlait toujours au nous. Ce n’était jamais ‟j’ai gagné”, elle parlait toujours de son équipe, et ça montrait les belles valeurs qui étaient ancrées chez elle. Franchement, c’était tout un modèle pour les jeunes joueuses qui commençaient à percer et qui pouvaient la voir à l’œuvre. »