Il faut passer à côté des salles de classe de l’Académie, à travers la cafétéria des joueurs, leur gymnase et les couloirs centenaires de l’ancienne caserne Letourneux pour rejoindre le bureau d’Olivier Renard et de Vassili Cremanzidis, au Centre Nutrilait du CF Montréal.

Les deux bureaux sont en biais dans une pièce ouverte, celui du directeur sportif étant un peu plus imposant que celui de son adjoint. Ce dernier est décoré d’objets à l’effigie de l’Impact et du CFM, ainsi que de petites reproductions d’icônes orthodoxes. C’est ici que les décisions sportives du club se prennent.

Lisez « “ L’autre perspective ” de Vassili Cremanzidis »

Et c’est juste à côté, dans une salle de conférence entourée à gauche et à droite des escaliers ancestraux de l’ancienne caserne, que notre entrevue avec Cremanzidis a lieu.

Elle se déroule à 10 h, en cette matinée de la mi-novembre. « J’ai déjà parlé deux fois [à Olivier Renard] ce matin », nous révèle son adjoint en riant.

« On est en contact tout le temps, explique-t-il. Quand on n’est pas [au bureau] ensemble, notre téléphone est toujours disponible. On se parle plusieurs fois par jour. »

Olivier Renard le confirme. « On n’a pas d’heures, Vassili et moi, soulignera le directeur sportif au bout du fil deux semaines plus tard. On peut se téléphoner très, très tard dans la journée ou la nuit. »

Ce n’est pas pour rien que Renard a offert une promotion à Cremanzidis, sept mois après l’entrée en poste du directeur sportif en juin 2019. En janvier 2020, à 30 ans, le Montréalais est devenu adjoint au directeur sportif du CFM.

« Vassili, je sais qu’il apprécie travailler avec moi parce que je lui laisse faire beaucoup de choses, explique Renard. Je suis responsable de ce qu’il va faire, mais je lui fais confiance. »

Ceux qui « ne comptent pas les heures » sont ceux qui méritent de gravir les échelons, selon le Belge. « C’est une personne compétente, dit-il. […] Moi, dans mon organisation, j’essaie de mettre en évidence les gens qui le méritent. »

Le coup Quioto

Surtout que de son propre aveu, à son arrivée à Montréal, Olivier Renard a dû « se mettre aux règles de la compétition ici ». Ça tombait bien : c’était la spécialité de Vassili.

« C’était une obligation de ma part d’avoir une personne à côté de moi habituée de travailler avec les règles, donc j’ai appris à connaître Vassili comme ça. »

Un exemple concret de l’impact majeur qu’a eu Cremanzidis au début du règne d’Olivier Renard ? C’est lui qui a flairé la bonne affaire au sujet de Romell Quioto, qui allait devenir en quatre saisons l’un des meilleurs marqueurs de l’histoire du club.

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Romell Quioto

« J’avais demandé à Vassili de me faire une liste de joueurs qu’il trouvait intéressants, qui n’étaient pas protégés ou qui n’allaient pas l’être. C’est comme ça qu’on a été sur Quioto. »

À ce sujet, Cremanzidis ne veut pas trop s’attribuer le mérite. Oui, il a mis son patron au parfum de l’occasion que présentait le joueur du Dynamo de Houston à l’époque, mais ils ont « pris la décision ensemble ».

« Extra-sportif »

GAM, TAM, initiative U22 et joueurs désignés : aujourd’hui, Renard est à la page au chapitre des subtilités de la MLS.

Comment se partagent-ils les tâches, donc ? Renard s’occupe du sportif. Son adjoint, de « l’extra-sportif ».

« C’est moi qui ai les connexions avec les autres équipes dans la ligue, explique Cremanzidis. C’est moi qui fais les négociations. Mais ensemble, on fait l’offre.

« Olivier aime dire que techniquement, il est le premier dépisteur. Donc lui, il regarde beaucoup, beaucoup de matchs, de joueurs. Je fais un peu de ça, mais ce n’est pas mon premier mandat. »

Il n’en a pas le temps.

« Vassili passe beaucoup de temps dans des réunions Zoom interminables [avec la ligue au sujet des règles], justifie Renard. Moi, je regarde avec l’équipe de dépisteurs, je suis plus responsable des joueurs. Mais j’en parle avec lui chaque fois. »

« Je ne prends jamais de décision sans lui parler », souligne Olivier Renard.

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Vassili Cremanzidis, adjoint du directeur sportif du CF Montréal Olivier Renard

C’est Vassili qui lui explique s’il vaut mieux utiliser l’argent d’allocation générale (GAM) ou l’argent d’allocation ciblé (TAM), « faire bouger ce joueur dans la catégorie de l’initiative U22, ou alors libérer cette place-là », illustre-t-il.

« Je dis : regarde, ce joueur de telle équipe MLS ou à l’extérieur, il m’intéresse, ce sera plus ou moins ça le salaire, comment on le fait rentrer dans la masse salariale ? »

Et ça, c’est la partie du travail qui plaît le plus à Cremanzidis : la « construction de l’effectif », ou roster build.

« J’aime dire que je connais très bien les règles de la MLS, et c’est plaisant de pouvoir l’appliquer dans mon travail. »

« C’est notre philosophie »

On le sait, le CF Montréal fonctionne avec une des plus petites masses salariales de la MLS, une directive qui vient du sommet de l’organisation. Ce qui rend essentielle la présence d’un Vassili Cremanzidis dans l’échiquier.

Loin de s’en plaindre, celui-ci voit la chose comme un « défi ».

« C’est notre philosophie. On a les jeunes, on achète, on vend, on essaie de mettre une équipe compétitive sur le terrain, avec le budget et les moyens qu’on a. On est vraiment collés à ça. »

Il concède qu’il ne peut pas nécessairement faire venir des joueurs pour des millions, et que ceux qu’il peut acquérir « ne sont pas aussi prêts ».

« Mais ça ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas devenir ces joueurs-là. Donc on doit les prendre dans cet état-là, et on les développe. »

Il est bien conscient que ça ne fonctionne pas tout le temps. Pour un Djordje Mihailovic, il y a aussi des Björn Johnsen, des Mason Toye et des Ahmed Hamdi. Une énumération de notre cru, soit dit en passant.

« Mais c’est plus facile d’être à l’aise avec un joueur que tu as manqué à 200 000 ou 300 000 $ qu’un joueur que tu as manqué à deux, trois millions. »

« Il va y avoir des ouvertures dans l’effectif »

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L’entraîneur-chef du CF Montréal Hernán Losada a été congédié à la fin de la saison.

Notre entrevue avec Vassili Cremanzidis avait lieu dans une période particulièrement occupée pour le club. L’entraîneur-chef Hernán Losada avait été congédié moins d’une semaine auparavant, ce qui signifie que la direction sportive doit lui trouver un remplaçant. Les décisions quant aux activations – ou non – des options aux contrats de plusieurs joueurs doivent être annoncées au plus tard ce vendredi. Le marché des transferts intra-MLS sera ouvert à la mi-décembre.

« Même si on n’avait pas changé de coach, il y aurait eu beaucoup de travail quand même, rappelle-t-il. Maintenant, il y en a un peu plus. »

L’adjoint est donc impliqué dans les recherches pour trouver le 10entraîneur-chef du CFM en MLS.

« Tous les candidats qui sont envoyés à Olivier et moi, on regarde tout, on fait des évaluations. Après, on va décider avec qui on va faire des entrevues. »

Pendant le processus de recherche d’un nouvel entraîneur, ils se traitent « d’égal à égal », estime Cremanzidis. « Même si dans l’organigramme du club, il est au-dessus et prend les décisions finales. »

Il ne donne pas de détails au sujet des décisions que le club devra prendre d’ici vendredi, notamment sur le contrat de Romell Quioto. Mais il concède qu’il « va y avoir des ouvertures dans l’effectif ».

« On sait à quelles positions on doit trouver des joueurs. Comme d’habitude, on regarde les jeunes ici, mais peut-être aussi des joueurs plus expérimentés dans ces positions-là. »