(Madrid) L’internationale espagnole Jenni Hermoso a assuré vendredi soir s’être sentie « vulnérable et victime d’une agression » lorsqu’elle a été embrassée par le président de la Fédération espagnole de football (RFEF), Luis Rubiales, dimanche lors de la finale du Mondial, après avoir affirmé que ce baiser « n’était pas consenti ».

« Je me suis sentie vulnérable et victime d’une agression, d’un acte impulsif et sexiste, déplacé et sans aucun consentement de ma part », a déclaré la N.10 espagnole dans un communiqué publié sur ses réseaux sociaux à propos du baiser imposé par son président dimanche soir lors de la remise des médailles de championnes du monde à Sydney.

Quelques heures plus tôt, Hermoso avait assuré, dans un premier communiqué de son syndicat Futpro, qu’elle n’avait « à aucun moment consenti à ce baiser », démontant la défense de Luis Rubiales.  

Contre toute attente et malgré les pressions, le patron du foot espagnol avait refusé de démissionner de son poste vendredi devant l’assemblée générale extraordinaire de sa Fédération réunie près de Madrid.  

En poste depuis 2018, l’ancien défenseur s’est lancé dans une contre-attaque, affirmant que le baiser était « réciproque » et « consenti » et qu’il avait obtenu la permission de le faire, tout en fustigeant le « faux féminisme ».

Et vendredi soir, ce qui est déjà surnommé le « #metoo du football espagnol », à la suite de faits considérés dans la loi comme une agression sexuelle, a connu un énième rebondissement avec l’annonce d’une grève de l’équipe nationale féminine.

Les 23 joueuses de l’équipe sacrée championne du monde dimanche en Australie ont en effet annoncé qu’elles refusaient de rejouer avec la Roja « si les dirigeants actuels [étaient] maintenus ». Le texte, déjà signé par 81 joueuses, reste ouvert à d’autres signatures, selon le syndicat Futpro.

« Ça suffit ! »

Avant cette annonce, la journée a été rythmée par de nombreuses réactions indignées par l’absence de remise en question de Luis Rubiales, qui a dénoncé « une tentative d’assassinat social » à son encontre.

PHOTO FÉDÉRATION ESPAGNOLE DE FOOTBALL, ASSOCIATED PRESS

Luis Rubiales

« Ce que nous avons vu aujourd’hui à l’Assemblée de la fédération est inacceptable […]. C’en est fini de l’impunité des actes machistes. Rubiales ne peut rester à son poste », a réagi la ministre du Travail et numéro trois du gouvernement, Yolanda Díaz, exigeant des « mesures urgentes » du gouvernement.

De nombreuses joueuses de l’équipe nationale, à l’instar de la footballeuse du FC Barcelone Alexia Putellas, double Ballon d’Or, sont sorties du silence dans l’après-midi pour afficher leur soutien à leur coéquipière et dénoncer le comportement « intolérable » de leur président. « C’est inacceptable. Finissons-en. Je suis avec toi chère Jenni Hermoso », a-t-elle déclaré sur X.

Le hashtag « #SeAcabo » (C’est terminé), reprenant les mots utilisés par plusieurs joueuses, commençait à émerger sur les réseaux.

« Par respect pour le football. Ça suffit ! Il est temps que ça change pour de bon », a écrit sur X la ligue de football professionnelle féminine.

Pour sa part, l’ancien gardien du Real Madrid et de la « Roja » Iker Casillas a parlé de « honte totale » à propos de Rubiales tandis que l’attaquant du Betis Borja Iglesias a annoncé qu’il ne porterait plus le maillot de l’équipe nationale tant que la situation ne changeait pas.

Mondial 2030

Même certains clubs se sont indignés publiquement, comme l’Espanyol Barcelone qui a dit attendre « des mesures » de la part de la fédération ou encore le Séville FC qui estime « ne pas se sentir représenté » par le patron du foot espagnol et demande sa démission.

Le Barça, ancien club d’Hermoso, a lancé une condamnation en demi-teinte, déplorant des « faits regrettables » et « injustifiables ». Le club catalan note cependant que « M. Rubiales lui-même a reconnu une erreur et s’en est excusé ».

L’affaire éclabousse l’image du sport espagnol, alors que le pays est candidat à l’organisation du Mondial masculin de 2030 avec le Portugal et le Maroc, dont l’attribution est prévue à la fin de l’année prochaine.

Tribunal administratif

M. Rubiales avait été filmé pendant la célébration de la victoire de la « Roja » féminine sur l’Angleterre lors de la finale du Mondial, embrassant sur la bouche par surprise Jenni Hermoso.

Il avait présenté lundi des excuses, expliquant qu’il s’agissait d’un geste « sans aucune mauvaise intention ».

Mais les condamnations de la classe politique espagnole, dont le premier ministre Pedro Sánchez, et des milieux du football, dont la célèbre joueuse américaine Megan Rapinoe, n’ont fait que s’amplifier.

L’affaire est finalement remontée jusqu’à la FIFA, qui a lancé jeudi une procédure disciplinaire à l’encontre de M. Rubiales.

Dans une pluie de critiques, le président de LaLiga, Javier Tebas, a sévèrement attaqué son homologue : « La liste des femmes et des hommes offensés ces dernières années par Luis Rubiales est trop longue, cela doit cesser ».

Le Conseil supérieur des Sports, un organisme gouvernemental, a annoncé qu’il allait porter l’affaire devant le Tribunal administratif des Sports dans les prochains jours.

Si le tribunal concluait que ce baiser est une faute selon le code du sport professionnel, le Conseil supérieur des sports, un organisme d’État, pourrait alors suspendre M. Rubiales de ses fonctions.