(Lausanne) Fraîchement relancé après avoir manqué de faire imploser le football européen en 2021, le projet de Super Ligue privée s’est heurté mardi à un nouveau front du refus mêlant UEFA, clubs, grands championnats, joueurs et supporters.

« L’opposition à l’autoproclamée “Super Ligue” reste écrasante, aujourd’hui comme depuis avril 2021 », assure l’instance européenne dans un communiqué, appuyée par un texte quasi identique de la puissante Association européenne des clubs (ECA).

Mi-octobre, une structure baptisée A22 Sports Management a dit vouloir ouvrir un « dialogue » sur l’avenir du football européen de clubs en rencontrant chacun de ses acteurs, au moment même où le monopole de l’UEFA est contesté devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

Mais l’instance européenne a transformé cette rencontre en démonstration de force en conviant aussi mardi, à son siège de Nyon, des émissaires de l’ECA, des cinq plus grands championnats, du syndicat des joueurs FIFPro et de l’association Football Supporters Europe.

« Clairement, les représentants d’A22 ont été surpris par le nombre de personnes présentes, et ils ont été massacrés pendant deux heures », donnant « l’impression d’improviser », a raconté à l’AFP un participant sous le sceau de l’anonymat.

« Passer à autre chose »

Lorsque douze grands clubs – dont six clubs anglais – avaient lancé au printemps 2021 un projet de tournoi privé concurrent de la Ligue des Champions, avant de renoncer en 48 heures face au tollé populaire et politique, « ils n’avaient pas de visage, mais un format », rappelle la même source.

Un an et demi plus tard, ils ont désormais « un visage », celui du PDG d’A22 Bernd Reichart, passé par le groupe de médias RTL Group en Allemagne, « mais plus de format », poursuit cet interlocuteur.

Lors de cette entrevue à huis clos à Nyon, les structures officielles du foot européen ont martelé leur attachement « aux fondements » du sport continental, soit « l’ouverture » des compétitions, « la solidarité » financière et « la méritocratie », incompatibles avec un tournoi privé réservé à une poignée de clubs riches, selon l’UEFA.

L’instance se réclame de surcroît du « soutien unanime de la Commission européenne, du Parlement européen et de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe », ainsi que « du soutien massif des gouvernements nationaux ».

Les représentants de Football Supporters Europe, vent debout contre la première tentative de Super Ligue, ont de leur côté « fermement réitéré leur opposition, et demandé à A22 d’arrêter le projet pour passer le plus vite possible à autre chose », explique à l’AFP Ronan Evain, directeur général de l’association.  

A22 mise sur les « esprits libres »

Alors que trois des douze clubs qui avaient tenté de faire sécession l’an dernier militent encore pour une Super Ligue – la Juventus Turin, le Real Madrid et le FC Barcelone – A22 affirme ne représenter personne et vouloir simplement « réformer le football ».

« Ce que nous retenons de la réunion est que le statu quo est satisfaisant pour l’UEFA », a déclaré Bernd Reichart dans un communiqué, rappelant que la position « monopolistique » de l’instance était contestée devant la CJUE, qui rendra sa décision début 2023.

La société entend par ailleurs « poursuivre ses efforts » en s’appuyant sur « toute la famille du football », notamment les « nombreux clubs qui souhaitent prendre part à ce dialogue », des « esprits libres (qui) sont l’avenir de ce sport ».

« L’UEFA vérifie actuellement l’enregistrement pour savoir si (A22) parle de la même réunion », a sèchement rétorqué l’instance dans un texte distinct, estimant avoir démontré mardi que « tout le football européen s’oppose à leur projet cupide ».

« L’heure du vrai dialogue » est mercredi, quand la Convention pour l’avenir du football européen se réunira à Nyon pour évoquer « les vrais problèmes » du ballon rond, « et non pour faire plaisir aux banquiers et spécialistes du marketing avec des idées qui mettent en péril l’avenir du sport le plus populaire du monde », conclut l’organisation.