(Doha) L’émir du Qatar a fustigé mardi une campagne « sans précédent » contre l’organisation de la Coupe du monde de football par le riche État du Golfe, dénonçant des « calomnies » à moins d’un mois du coup d’envoi de cet évènement planétaire.

Le petit émirat gazier a dépensé des dizaines de milliards de dollars pour accueillir le tournoi du 20 novembre au 18 décembre, mais il est constamment interpellé sur son respect des droits de la personne et sa préparation pour accueillir plus d’un million de supporters.  

Fait rare, l’émir cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani a exprimé publiquement et sans ambages son mécontentement face aux critiques lors d’un discours devant le conseil législatif à Doha.  

« Depuis que nous avons eu l’honneur d’accueillir la Coupe du monde, le Qatar a été la cible d’une campagne sans précédent qu’aucun autre pays hôte n’a subie », a-t-il déclaré.

Depuis que la FIFA a attribué le Mondial au Qatar en 2010, le premier pays arabe à organiser l’évènement est critiqué à propos du traitement des travailleurs étrangers, des LGBTQ (lesbiennes, gais, bisexuels, trans, queers) et des femmes ou encore de la climatisation de sept de ses huit stades, qui ont coûté 6,75 milliards de dollars.

Mardi, un militant LGBTQ britannique, Peter Tatchell, a été brièvement interpellé par la police pendant qu’il manifestait devant le Musée national de Doha avec une pancarte portant les mots : « Le Qatar arrête, emprisonne et soumet les LGBT à (des thérapies de) “conversion” #QatarAntiGay ».

« Deux poids deux mesures »

« De nombreuses organisations utiliseront l’attention accrue des médias sur le Qatar avant la Coupe du monde pour faire leur promotion. Nous sommes toujours ouverts au dialogue (…), mais diffuser de fausses informations dans l’intention délibérée de provoquer des réactions négatives est irresponsable et inacceptable », a réagi le service de communication du gouvernement.

Lundi, les autorités qataries avaient fermement nié un rapport de l’ONG Human Rights Watch (HRW) accusant la police d’avoir détenu arbitrairement et maltraité des membres de la communauté LGBTQ.

« Au départ, nous avons traité ce sujet en toute bonne foi, et nous avons même considéré que certaines critiques étaient positives et utiles, nous aidant à développer des aspects qui devaient l’être », a concédé l’émir.  

« Mais il nous a vite semblé clair que la campagne persiste, s’étend, qu’il y a des calomnies et des deux poids deux mesures, atteignant un niveau d’acharnement qui a amené beaucoup de gens à s’interroger, malheureusement, sur les véritables raisons et motivations de cette campagne », a-t-il fustigé.

Pour le petit émirat d’un peu moins de 3 millions d’habitants, le Mondial est l’occasion de montrer « qui nous sommes, non seulement la force de notre économie et de nos institutions, mais aussi notre identité », a estimé son dirigeant.  

L’homosexualité est illégale dans ce pays musulman conservateur et les femmes font face à des restrictions. Les supporters se plaignent des prix élevés des hébergements et de l’accès restreint aux boissons alcoolisées.

« Accélérer le changement »

Mais l’État du Golfe, l’un des principaux exportateurs de gaz naturel, est surtout critiqué pour les travaux à marche forcée menées par des dizaines de milliers de travailleurs venus d’Asie, d’Afrique et du Moyen-Orient dans des conditions harassantes, par des températures suffocantes et pour des salaires très bas, documentés par des syndicats et des ONG.  

Des ONG comme HRW et Amnistie internationale ont appelé le Qatar et la FIFA à créer un fonds d’indemnisation pour les ouvriers des chantiers du Mondial doté de 440 millions de dollars, l’équivalent des dotations promises aux 32 sélections qualifiées.

Le Qatar répond avoir mené de nombreuses réformes ces dernières années. Des efforts restent à faire au niveau de leur mise en œuvre, a estimé le secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats, Luca Visentini, lors d’une visite cette semaine à Doha cette semaine.

« La Coupe du monde a sans aucun doute été une opportunité pour accélérer le changement », a-t-il déclaré à l’AFP. « Ces réformes peuvent être un bon exemple pour d’autres pays accueillant de grands évènements sportifs. »

Le dirigeant de la FIFA, Gianni Infantino, défend le Qatar, en répétant que la Coupe du monde serait « la meilleure de tous les temps, sur le terrain et en dehors ».