Dimanche, autour de 13 h 15. L’interprète de l’hymne national canadien interrompt son chant au stade Saputo pour laisser place à celui de la foule, enthousiaste au possible. Au milieu du terrain, Samuel Piette verse une petite larme.

« On a tous vu c’était comment la semaine dernière », a rappelé le cocapitaine du CF Montréal, après la défaite de son club contre le New York City FC.

« Mais [dimanche], c’était encore plus bruyant. Et j’ai été ému. J’ai pleuré un peu. J’étais tellement fier de pouvoir vivre ces moments. Mon fils, ma fiancée, mes parents et beaux-parents étaient là. »

Piette le dit sans ambages : il est « fier » de représenter les Montréalais et le Québec sur le terrain, avec le club de sa ville.

« Je ne tiens pas pour acquis le fait d’être un modèle pour les gens dans les gradins. Mais je dois en retirer de la fierté. Les moments que l’on vit sont pour les gens de Montréal. »

« C’était fort »

Le CF Montréal a accumulé les victoires sur le terrain en 2022. Mais cette communion retrouvée avec ses partisans, c’est peut-être sa plus belle. Et sa plus importante.

Il y a évidemment eu les années pandémiques. L’établissement d’un domicile à l’étranger. Le rebrand controversé. Un Stade olympique et un stade Saputo dégarnis à l’entame de la campagne.

Mais après tout ça, c’est l’équipe, balle au pied, qui a été le principal vecteur du retour des palpitations partisanes cette année.

« On a assurément changé la culture ici, a lancé Alistair Johnston, les yeux encore bouffis, dimanche soir. C’est une ville folle de soccer. Et c’était super de voir ça. »

« Au début de l’année, c’était un peu hésitant, enchaîne l’international canadien. Et je comprenais pourquoi. Il y avait beaucoup de doutes quant à notre qualité. Mais on a prouvé à tout le monde qu’on était une équipe qui méritait d’être encouragée, une équipe excitante. Et c’est ce qui est arrivé. »

Résultat : 7 salles combles lors des 10 derniers matchs à domicile, dont 3 de suite. Une ambiance des plus électrisantes. Des joueurs qui se nourrissent de celle-ci. Et vice-versa. Le cercle vertueux qui tourne.

« La beauté qu’il y a eu sur le stade… c’était fort », a décrit Wilfried Nancy, dimanche.

Ce qui me rend le plus fier, c’est que je vois des petits enfants de 10 ans et des gens de 77 ans qui remercient l’équipe. Par rapport à ce qu’elle a donné comme émotions. Je suis le plus heureux du monde.

Wilfried Nancy

Nancy a martelé toute la saison que sa vision du soccer allait « au-delà des victoires et des défaites ». En gros, que si son équipe joue bien, les bons résultats vont suivre naturellement. Et le style de jeu qu’il a proposé, auquel tous ses joueurs adhèrent, lui a visiblement procuré les sensations souhaitées.

« Ce que je veux que vous reteniez de tout ça, c’est que l’on joue contre Forge ou New York City, on a toujours respecté l’adversaire, illustre-t-il. On a toujours voulu jouer de la façon dont on a joué.

« Je suis très, très fier de mes joueurs, de mon staff, du peuple montréalais. Je vous remercie. »

« On doit apprendre de ça »

Piette a dû lui-même révéler avoir versé une larme avant la rencontre. Mais on n’avait pas besoin de jumelles pour voir les sanglots de Djordje Mihailovic et d’Ismaël Koné sur le terrain après le coup de sifflet final.

Ils étaient inconsolables. Pas même l’épaule solide d’un vétéran comme Kei Kamara ne les a faits s’assécher rapidement. On doute que Nancy y soit mieux parvenu tout juste après.

« Ce sont des passionnés, a expliqué l’entraîneur-chef après coup. Ils aiment la ville. »

Pour Mihailovic, il s’agissait dimanche de ses toutes dernières minutes dans l’uniforme montréalais avant de partir pour les Pays-Bas. L’Américain « a passé les plus beaux moments » de sa jeune carrière ici, souligne Nancy.

« Ce sont ses paroles, précise-t-il. Il a grandi comme personne, comme joueur, et c’est tout à fait normal. »

PHOTO GRAHAM HUGHES, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Djordje Mihailovic et Nicolás Acevedo

Et Mihailovic en a profité pour glisser une lettre de remerciements aux Montréalais, en marquant le seul but des locaux en toute fin de rencontre.

Quant à Koné, « Montréal, c’est sa ville », répond Nancy.

« Il aurait aimé en faire un peu plus. Ce sont des gars passionnés, vrais. On essaie de les consoler, mais ça fait partie du métier, malheureusement. On doit apprendre de ça. »

Le jeune Québécois est au centre de rumeurs l’envoyant en Europe dès 2023. Peut-être sentait-il, lui aussi, qu’il s’apprêtait à délacer ses crampons pour la dernière fois à Montréal.

« Ce sera une autre équipe la saison prochaine », évoque Johnston. Il venait de relever le gros roulement de joueurs qui s’opère à travers la ligue chaque entre-saison.

« La culture et le groupe seront différents. Il faut essayer d’embouteiller cette magie et la ramener l’an prochain. »