Mercredi matin, tout juste passé 11 h. Il fait un temps frisquet mais confortable au Centre Nutrilait. Les joueurs du CF Montréal font tranquillement leur arrivée à l’entraînement, au son d’une musique rythmée qui s’estompera au début de la séance. Certains s’échangent le ballon. D’autres font des tirs. Joel Waterman, lui, discute longuement avec son entraîneur adjoint, Laurent Ciman.

C’était peut-être anodin. Une conversation parmi tant d’autres au fil d’une longue saison qui s’étire depuis février. Ou alors elle reflétait ce qui fonctionne si bien chez le Bleu et noir en 2022. L’écoute, la cohésion, la philosophie de jeu axée sur le partage et le collectif.

Et qui de mieux que l’ancien général de l’Impact en défense centrale pour partager son expérience à son homologue moderne ?

« Ce que j’ai essayé de faire, c’est de lui apprendre ce que moi, j’ai emmagasiné durant toute ma carrière », explique Laurent Ciman lors d’une entrevue avec La Presse, quelques heures plus tard.

Ciman n’a pas voulu révéler la teneur de sa discussion avec Waterman ce matin-là. Le Belge nous a plutôt parlé de la réceptivité du défenseur canadien.

« Joel, c’est quelqu’un qui écoute beaucoup. Qui a envie d’apprendre, de s’améliorer. Qui a des qualités qui sont très, très bonnes. On l’a vu cette année : il a passé un ou deux niveaux. Il a gommé pas mal de ses défauts. Et il a augmenté ses qualités. »

Lolo, « un personnage intéressant »

Cette petite anecdote avec Waterman nous permet de nous pencher sur le style d’entraîneur que cultive Ciman. On présume que sous Wilfried Nancy, c’est lui, l’architecte des remparts montréalais. On interroge donc Alistair Johnston à ce sujet après l’entraînement.

C’est un personnage intéressant. Il garde l’ambiance vraiment légère, mais il est en même temps très sérieux.

Alistair Johnston au sujet de Laurent Ciman

Puis le défenseur se met à parler naturellement de l’évolution de son coéquipier Waterman.

« Tu peux voir comment Joel s’est développé sous sa tutelle, explique-t-il. Il tient toute notre unité responsable. Il jouait jusqu’à récemment, de sorte que tu peux avoir des discussions concrètes avec lui. Il comprend ce que nous vivons. »

Après l’Impact, Ciman a joué pour le LAFC et le Toronto FC, avant de prendre sa retraite sportive en 2020.

« En lui parlant en face à face, il va te dire : “Je comprends ce que tu voulais faire et pourquoi, mais peux-tu t’assurer de faire se rapprocher ce joueur-là ?” Quand tu as ce type de connexion avec tes entraîneurs, ça fait une grosse différence. »

Une concurrence salutaire

Après un début de saison difficile en défense, les brèches ont été colmatées en deuxième moitié de campagne. À titre d’exemple, le CF Montréal n’avait obtenu qu’un seul jeu blanc en 19 matchs, avant d’en signer 6 en 15 rencontres pour conclure la saison. Il l’a aussi emporté 2-0 contre Orlando en première ronde éliminatoire, dimanche dernier.

Ciman convient que son équipe « concédait des buts évitables » dus à des « erreurs individuelles » en début d’année. Mais il estime que les entraîneurs n’ont « pas changé quoi que ce soit » dans leurs enseignements.

Ce qui fait la différence, c’est qu’on travaille beaucoup plus en équipe. On attaque ensemble et on défend ensemble. Les premiers défenseurs sont les attaquants.

Laurent Ciman

Il parle de l’instauration de la concurrence entre les gardiens James Pantemis et Sebastian Breza, ce qui les rend « plus performants ». Et de celle générée par le fait que les défenseurs réservistes Gabriele Corbo, Robert Thorkelsson et Zorhan Bassong « peuvent jouer aussi ».

Tout cela a permis de « beaucoup mieux » défendre, selon Ciman.

Un succès « basé sur le collectif »

Laurent Ciman y était, en 2016, lorsque l’Impact est passé à deux cheveux de participer à la Coupe MLS. Sent-il que l’édition 2022 de ce club est sa meilleure chance d’aller chercher un championnat ?

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Laurent Ciman (à droite) avec l’Impact de Montréal en 2016

« À partir du moment où on est dans les playoffs, on veut aller le plus loin possible », commence-t-il par dire.

« Est-ce que j’ai un sentiment que je peux aller au bout plus qu’avant ? Non. J’ai failli l’être avec Montréal, avec Toronto aussi. Si j’étais resté à L.A., peut-être. »

S’il trace effectivement un parallèle avec 2016, il s’en éloigne aussi rapidement.

C’était une autre philosophie. C’était plus basé sur l’individualité. Ici, on est plus basés sur le collectif.

Laurent Ciman

« À l’époque, c’était Nacho, c’était Didier, c’était Mancosu. De temps en temps, c’était milieu de terrain et défenseur. Mais là, il y a beaucoup plus d’homogénéité. »

Laurent Ciman se plaît à son poste. Il sent qu’il « évolue », qu’il est « occupé ». Il a aussi une relation saine avec Wilfried Nancy. « Quand j’ai des choses à dire, je les dis en face, et lui c’est la même chose. »

« Ce qu’a fait Will ici, ça fait du bien, parce que c’est la même philosophie dans laquelle moi, j’aurais aimé jouer. »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

L’entraîneur-chef du CF Montréal, Wilfried Nancy

Il parle de « football offensif », de vouloir la possession du ballon.

« Il veut être agressif dans la partie adverse. Il veut être conquérant. »

Alistair Johnston s’amuse à dire qu’avec ce que démontre l’entraîneur Ciman à l’entraînement, l’ancien défenseur pourrait encore « jouer 90 minutes au plus haut niveau ».

Qu’en pense le principal intéressé ?

« Oui, j’ai encore envie de jouer avec eux quand je les vois jouer sur le terrain, c’est certain », avoue-t-il, sourire en coin.

Physiquement, si je travaillais avec un préparateur physique, je pense que ça me prendrait, quoi, deux mois pour être prêt. Mais dans ma tête, c’est classé.

Laurent Ciman

Le voilà donc enseignant. Avec le succès que connaît Joel Waterman, qui sera potentiellement de la sélection canadienne à la Coupe du monde notamment grâce à ce qu’il apprend chez le CF Montréal, il y trouve son compte.

« Ce qui est bien, c’est que les joueurs sont là, et écoutent par rapport à la carrière que j’ai eue. »

« Après, je n’ai pas besoin de reconnaissance, pas besoin que ce soit dit ou exprimé, que ce soit à cause de moi. J’ai envie de leur apprendre ce que je connais, et après de les laisser s’exprimer. »