Cette équipe, mesdames et messieurs. Cette équipe.

Comment décrire ce que le CF Montréal a fait vivre à ses partisans, vendredi soir ? Le désespoir de la défaite au stade Saputo. Le moment qui lui échappe. Cette qualification aux éliminatoires qui devra se faire attendre. Cette salle comble de partisans qui devront revenir à la maison déçus.

Puis cette irrésistible remontée. Ces deux buts marqués par Victor Wanyama et Zachary Brault-Guillard en toute fin de match. Cette explosion de joie lorsque ce dernier va chercher l’égalisation à la 95minute. Ce match nul de 2-2 acquis dans les dernières secondes contre le Crew de Columbus. Ce constat d’une équipe montrant une résilience à toute épreuve, un sang-froid inébranlable devant l’adversité.

Mettez tout cela ensemble, et vous avez ce maelstrom d’émotions émis par une foule en liesse au coup de sifflet final. Et des joueurs qui en dégagent tout autant sur le terrain. Rarement on a vu un stade Saputo aussi bouillant.

« Qui ose gagne », a résumé Wilfried Nancy, après la rencontre.

C’est un des mottos que l’on a. Quoi qu’il se passe, on ose.

Wilfried Nancy

Le chandail gris de l’entraîneur-chef était légèrement mouillé de sueur. On ne sait pas exactement s’il s’agissait de la sienne ou de celle de ses joueurs, qui venaient de le lancer à bout de bras en guise de célébration sur le terrain. Sous l’air de Sweet Caroline qui résonnait dans l’enceinte, comme le veut la tradition de 2022.

« Il y a pas mal d’émotion, a-t-il convenu simplement. Je me rappelle le premier jour où on a pris l’équipe. On se disait qu’on voulait créer quelque chose. »

La « chose » a été créée. Grâce à ce spectaculaire match nul, le CFM a confirmé sa place en éliminatoires, alors qu’il lui reste quatre matchs à disputer.

« Mais la tournure du match, voilà, c’est notre histoire. »

Un mur nommé Pantemis

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Gabriele Corbo (5), Romell Quioto (30) et l’entraîneur-chef du CF Montréal Wilfried Nancy

On a senti que quelque chose se tramait, vendredi soir. Il y avait salle comble. La section 132 était à nouveau remplie de groupes de supporteurs. L’occasion était belle de marquer le coup.

Mais Columbus avait d’autres plans. Jouant le tout pour le tout en fin de saison pour consolider sa sixième position au classement, le Crew a montré son envie en début de rencontre. James Pantemis a notamment dû se signaler à trois reprises dans les 20 premières minutes. Ses parades de très grande qualité ont permis au CFM de sortir indemne de ce moment difficile. Et de laisser la porte ouverte au scénario de folie qui allait finalement se dérouler.

« Oui, je fais les arrêts, mais après, on marque les buts aussi », a commenté le gardien.

On s’entend très bien ensemble durant le match. Mes coéquipiers me donnent des petits coups de main pour m’encourager. Mais c’est mon travail, à la fin de la journée.

James Pantemis

Montréal a raté plusieurs belles occasions de prendre les devants en première mi-temps. Mason Toye, notamment, a montré qu’il n’avait toujours pas retrouvé le compas dans l’œil depuis son retour au jeu en juin dernier.

Comme l’éclair

Ce qui nous mène à ce coûteux moment d’égarement en deuxième période. Comme Montréal qui a frappé comme l’éclair à la fin, Columbus a profité de ce flottement dans la défensive des locaux pour marquer coup sur coup à la 66e et à la 68e. Jonathan Mensah a donné les devants au Crew avec une belle reprise de la tête. Puis Lucas Zelarayan s’est emparé d’un retour à l’orée de la surface pour envoyer, à la volée, le ballon dans les cordages.

Puis est survenu le point de bascule. À la 76e, Luis Díaz est expulsé de la rencontre. Un certain espoir a rejailli dans les cœurs montréalais. À ce moment, tout a changé. Le Crew, jusque-là aventureux, s’est replié. Il y avait 20 joueurs autour et dans la surface des visiteurs.

Et à la 89e, tout le monde se met à y croire. Victor Wanyama fait dévier la frappe de Matko Miljevic de la tête. C’est 2-1.

Montréal allait-il refaire le coup au Crew, lui qui l’avait emporté 2-1 en marquant deux buts selon les mêmes paramètres le mois dernier à Columbus ?

Il a continué de pousser, du moins. Ça a bourdonné chez les joueurs de l’Ohio. Et ça a fini par craquer.

Zachary Brault-Guillard s’est emparé du ballon fin seul, loin de la surface. Puis a pris un tir, qui a dévié légèrement sur Djordje Mihailovic. Juste assez pour déjouer le gardien Eloy Room. Et survolter le stade Saputo.

« J’ai entendu un peu [la foule], a raconté ZBG. Après, je me suis jeté sur tous mes coéquipiers. Je dois faire un petit clin d’œil à Kwame [Ampadu, l’entraîneur adjoint], qui m’a dit de frapper. Et Lolo [Ciman], aussi. Je ne frappe pas assez, des fois. Là, je me suis dit : “Vas-y, je vais tenter.” »

« On a un feu en nous »

Brault-Guillard était souriant. Son entraîneur aussi.

« C’est beau, a souligné Nancy. Je suis content. Ça a créé de bonnes émotions pour tout le monde. Le stade était content. Tout le monde l’était. C’est un bon moment. »

« Si on me demande de le refaire, je le referais, ajoute-t-il, en référence au scénario de la rencontre. Je vous ai toujours dit que le métier que je fais va au-delà de gagner ou perdre des matchs. Aujourd’hui, on fait match nul, et il y a de l’émotion comme si on avait gagné. […] Les gars, ils sont comme ça. Ils ne lâchent rien. Ils vont jusqu’au bout, jusqu’à la 96minute. C’est une belle leçon. »

Selon James Pantemis, « il y a quelque chose de spécial dans ce groupe-là ».

« On ne lâche jamais. On a un feu en nous. »