On savait la bonhomie de Kei Kamara contagieuse. Sa rencontre avec La Presse l’a confirmé hors de tout doute.

« Ça va bien, très bien », nous répond-il en français en s’assoyant sur un des sièges libres de la salle de conférence du Centre Nutrilait, en cet après-midi chaud de juillet.

« Je suis des cours de français, enchaîne-t-il en anglais. Ça se passe somme toute bien ! Je le comprends bien, mais je suis gêné de le parler. Mais quand tu parles, je te comprends. »

On tente alors de pousser la note. Tu aimes la ville de Montréal, Kei ?

« J’aime beaucoup ! dit-il dans la langue de Félix Leclerc. J’aime Montréal. Je joue au foot à Montréal avec le CF Montréal. Il n’y a pas de problème ! »

Kei Kamara, fort de ses 17 années de soccer professionnel, principalement en MLS, a finalement atterri dans la métropole québécoise en février dernier. L’attaquant de 37 ans a signé un contrat d’un an avec le Bleu-et-noir. Cinq mois plus tard, il confirme qu’il s’y plaît comme un poisson dans l’eau.

Parce que Kamara cherche toujours à s’imprégner de la culture des endroits où il joue au soccer. Il l’a fait dans neuf villes nord-américaines, en plus de Middlesbrough et Norwich, au Royaume-Uni. Et, plus récemment, à Helsinki, en Finlande.

« Montréal est un endroit tellement parfait actuellement. Il y a l’été, le soleil, la culture, la diversité. Des gens de partout dans le monde viennent à Montréal. Je suis tellement heureux qu’on puisse être ici actuellement. »

Et justement, son club a joué un premier match à guichets fermés depuis 2019 au stade Saputo, samedi dernier. Contre son grand rival de Toronto. On pose la question en français : c’était comment de finalement jouer devant une salle comble, ici ?

« C’était très bien, réagit-il, avant de passer à l’anglais. Cette rivalité est grande. […] Avant le match, on a eu une discussion. On sait ce que ça signifie pour Montréal. L’enjeu du français au Canada. Et contre Toronto. Il y a le bleu, et le rouge. Ça signifie tellement. »

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Kei Kamara à l’entraînement du CF Montréal, jeudi

Un bagage à faire partager

Avec ses 132 buts, Kei Kamara est à un seul filet de devenir le quatrième marqueur de l’histoire de la MLS, à égalité avec Jaime Moreno.

Cette expérience, il se fait un devoir de la faire partager à ses plus jeunes coéquipiers. Comme il l’a fait avec Alphonso Davies lorsque les deux évoluaient chez les Whitecaps de Vancouver. Avant que ce dernier ne s’engage avec le Bayern Munich et devienne une vedette internationale du foot.

On en avait eu les échos de part et d’autre avant notre entretien avec le Sierraléonais d’origine. Le propos était notamment ressorti de notre rencontre avec Jojea Kwizera, il y a quelques semaines.

« Il me donne beaucoup de conseils », avait dit le jeune attaquant choisi au SuperDraft en janvier, et qui en est à sa première année professionnelle.

« Il a été repêché comme moi. Il est passé à travers les mêmes choses, alors il les comprend. Je m’inspire beaucoup de lui, je lui pose beaucoup de questions. J’essaie d’observer tout ce qu’il fait. C’est une personne impressionnante. »

Kamara n’y voit aucun problème. Au contraire. Lorsque notre photographe François Roy s’amène au Centre Nutrilait pour croquer quelques clichés du joueur, le voilà assis avec Kwizera, Zorhan Bassong et Sunusi Ibrahim. Ils ont pris l’habitude de parler foot ainsi après l’entraînement.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Kei Kamara (deuxième en partant de la gauche) en compagnie de Zorhan Bassong, Sunusi Ibrahim et Jojea Kwizera

Ibrahim en est un autre qui avait eu de bons mots pour le vétéran, à la fin de mai. Le jeune Nigérian de 19 ans venait d’enfiler un triplé face au Forge de Hamilton, en quarts de finale du Championnat canadien.

« Quand Kei est arrivé dans l’équipe, j’étais tellement content, avait-il souligné. […] Après l’entraînement, on s’assoit ensemble et il me dit : “Tu dois faire ceci, cela.” Je suis tellement heureux qu’il soit ici. »

Même son de cloche pour Mason Toye.

« Il peut m’aider à mieux penser le jeu », avait dit l’attaquant de 23 ans en conférence de presse, à la fin de juin. « On va continuer à avoir des discussions, pour disséquer mon jeu et voir quelles améliorations je peux y apporter. Je suis jeune, il fait ça depuis longtemps. Je veux être une éponge. »

Son sourire et ses qualités de mentor font des heureux sur le terrain tout comme dans le vestiaire. Parlez-en à Wilfried Nancy, qui se réjouissait le 25 juin de la nouvelle tradition consistant à faire jouer Sweet Caroline après chaque victoire. Une idée de Kamara.

« Kei est très bon dans ça, a-t-il dit après le gain à domicile contre Charlotte. C’est une bonne initiative, parce qu’on a un groupe qui est jeune. Kei a amené cette dynamique-là. »

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Sunusi Ibrahim et Kei Kamara

« On n’a pas le choix d’être heureux »

Ce réflexe de mentorat lui vient naturellement.

« J’essaie de montrer l’exemple, explique Kamara. C’est qui je suis. Je me lève et je m’entraîne tous les jours. C’est plus facile d’agir ainsi que de demander à quelqu’un de faire quelque chose. »

« Si j’y vais à fond, ils doivent suivre la cadence. »

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Kei Kamara prodiguant des conseils

Lui-même dit avoir appris de « l’un des grands joueurs canadiens », soit Dwayne De Rosario. Les deux ont joué pour le Dynamo de Houston en 2008, à sa troisième année en MLS. Il cite aussi le nom de l’entraîneur actuel du Fire de Chicago, Ezra Hendrickson, avec qui il a joué à Columbus à ses débuts.

« J’ai appris en jouant avec des gars plus vieux que moi, raconte Kamara. Tous les jours, je me dis que je ne peux pas être ici et ne pas redonner aux plus jeunes. »

Et il le fait avec le sourire, toujours.

« Jojea m’a demandé comment je faisais pour avoir tant d’énergie, tout le temps. Je lui ai répondu : “Allez, mec, on n’a pas le choix d’être heureux, on joue au football !”

« Il n’y a aucune journée, dans mes 17 ans de carrière, où je me suis plaint d’être fatigué. [Jouer au soccer] est une bénédiction. J’ai grandi en Sierra Leone pendant la guerre civile. Je n’avais rien. J’ai déménagé aux États-Unis, je suis devenu citoyen américain. Je suis allé au collège, j’ai joué au soccer professionnel, j’ai voyagé partout dans le monde, je suis un des leaders en MLS. Je ne peux me plaindre de rien. »

Le rêve montréalais réalisé

L’histoire est bien connue : Kei Kamara caressait l’idée depuis longtemps de jouer à Montréal. « C’était mon rêve, affirme-t-il. Je suis très content d’avoir pris la décision de venir ici. Dominic Oduro, Didier Drogba, Laurent Ciman, Hassoun Camara. Je parle tout le temps à ces gars-là. Ils me disaient : “Viens, viens !” Mais je n’étais jamais venu, jusqu’à ce que j’atteigne mon rêve de jouer pour Montréal. »

Même s’il n’a qu’un contrat d’un an en poche, il ne s’en fait pas outre mesure. « Si j’impressionne le club assez et qu’il souhaite me garder, il y aura une conversation, souligne Kamara. Je veux en faire plus pour le club, enchaîne-t-il. Nous verrons comment la saison se termine. Mais je ne dirai jamais non à Montréal. C’est un endroit fantastique. Le stade, les installations, les gens. »

Lorsque Olivier Renard l’a contacté, il lui a parlé de la possibilité de jouer un rôle plus limité, au vu de son âge notamment. « C’était une bonne conversation positive, estime Kamara. Il m’a dit des choses qui m’ont amené à réfléchir. » Renard lui a indiqué qu’il « ne jouerait pas beaucoup », qu’il « ne serait pas souvent titulaire ». « J’ai dit : “Oui, bien sûr !”, raconte l’attaquant. Et il a dit : “OK !” Je crois qu’il était même surpris que je dise oui. »