(Paris) Malgré les alertes aériennes, les bombardements et la peur qui rythment leur quotidien, les jumelles ukrainiennes Maryna et Vladyslava Aleksiiva, championnes de natation artistique, se sont qualifiées pour les JO de Paris, où elles porteront la « responsabilité » de représenter au mieux leur pays, estiment-elles.

Les sœurs de 23 ans, médaillées de bronze à Tokyo en 2021, ont fini par arracher leur qualification en février dernier lors des Championnats du monde à Doha.  

Mais elles sont passées par un ascenseur émotionnel intense avant l’officialisation de leur sélection pour Paris. Elles ont d’abord quitté le Qatar en étant persuadées d’avoir raté la qualification, avant d’être inondées de messages de félicitations quelques jours plus tard.

« On n’a pas compris ce qui s’est passé », reconnaît « Vlada ». « Mais, finalement, on a obtenu le dernier quota. »

« C’est un grand honneur pour nous et pour toute l’Ukraine, en ce moment, de représenter notre pays aux Jeux olympiques, surtout en temps de guerre. C’est une grande responsabilité pour nous de montrer au monde entier que l’Ukraine peut participer », affirme-t-elle d’un ton solennel, interrogée par plusieurs médias à Paris en marge d’une manche de la Coupe du monde de natation artistique.  

PHOTO STEPHANIE LECOCQ, REUTERS

C’est déjà un grand objectif d’être présent aux Jeux. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour représenter notre pays au plus haut niveau.

Vladyslava Aleksiiva

« Un film d’horreur »

Depuis les Championnats du monde, les jumelles ont été contraintes de quitter Kharkiv pour aller s’entraîner à Kyiv. « Nous avons compris que nous ne pouvions pas avoir une bonne préparation à Kharkiv à cause des explosions 5 à 10 fois par jour », explique Maryna.

Mais « nous avons peur pour notre famille qui est restée. C’est près de la frontière avec la Russie et, à Kharkiv aujourd’hui, ce ne sont plus des roquettes, ce sont des bombes. […] Beaucoup de choses ont été détruites. Vendredi, ils ont détruit un gymnase à Kharkiv où s’entraînent de jeunes judokas et plusieurs d’entre eux ont été blessés », raconte-t-elle, le visage grave.

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À Kyiv, la situation est certes moins tendue que dans leur ville natale, mais elles ne sont pas pour autant épargnées par la guerre.

« C’est parfois comme dans un film d’horreur. On entend une explosion et on doit immédiatement courir vers un abri. Mais, pour nous, c’est devenu normal. On vit dans ces conditions depuis plus de deux ans. Parfois, en pleine nuit, tu dois quitter ton lit et tu ne sais pas exactement où tu dois courir », poursuit Vlada.

Le lendemain, « il faut aller à l’entraînement, plonger, continuer à s’entraîner et à se préparer pour les Jeux. »

« C’est très dur mentalement et émotionnellement. Physiquement ça va, mais mentalement c’est dur », disent-elles à l’unisson.  

Et même lorsqu’elles sont en compétition à l’étranger, la guerre ne quitte jamais vraiment leur esprit. « Jeudi, à Paris, il y a eu un gros orage, c’était si fort, on a eu peur. Et puis on a réalisé : “Ah non mais on est en Europe, tout est calme ici”. Mais certains bruits nous font peur », décrivent-elles.

« Ça va être incroyable »

Vendredi, lors de la deuxième étape de la Coupe du monde, les jumelles ont pris la quatrième place de l’épreuve technique disputée dans le flambant neuf centre aquatique de Saint-Denis, qui accueillera les épreuves olympiques.

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« C’est tellement agréable […] d’être parmi les premiers athlètes à nager dans la piscine des futurs Jeux. C’est un grand honneur pour nous », sourit Vlada.  

Dans moins de trois mois, elles seront de retour à Paris, pour les JO cette fois, avec l’objectif d’y réaliser « une grande performance ». « On s’est tellement préparées pour ces Jeux. On ne peut même pas imaginer à quel point ça va être incroyable. Tous les sportifs seront là et on espère qu’il y aura beaucoup de sportifs ukrainiens », complète Maryna.

Ce à quoi à sa sœur ne peut s’empêcher d’ajouter dans un sourire : « Tout d’abord, on doit être en vie ! », avant de poursuivre : « Non, c’est une blague… C’est un grand objectif de représenter notre pays, surtout maintenant. Participer aux JO, c’est déjà un grand objectif. Nous devons donc d’abord aller aux Jeux olympiques et ensuite on verra. »