(Zhangjiakou ) Le contraste est saisissant. Le parc de neige de Genting, où se déroulent de nombreuses compétitions en montagne, est tapissé d’un épais couvert blanc. Le reste de la vallée, lui, est jaune. Ou brun. C’est que la neige aux Jeux de Pékin est 100 % artificielle, une première dans l’histoire olympienne. Et qu’en pensent les athlètes ?

« C’est une grande question ! », s’exclame Jules Burnotte, les deux pieds dans la fausse neige de Zhangjiakou. Le biathlète de Sherbrooke course toujours sur la neige artificielle. Il n’est donc pas dépaysé par les conditions dans les montagnes chinoises.

L’athlète, vêtu de son manteau rouge du Canada, montre la piste de biathlon olympique et le demi-mètre de neige, bien tapé. C’est l’épaisseur normale dans à peu près toutes les Coupes du monde en Europe, dit-il. « L’IBU [l’Union internationale de biathlon] veut être sûre que les sites ont assez de neige pour tenir une compétition même après un orage ou pendant une température de 15 °C », explique-t-il.

« Peu importe le site de compétition, ça prend assez de neige pour avoir une surface continue, avec absolument aucune roche. On ne veut surtout pas de grafignes sur nos skis », poursuit l’athlète à l’épaisse chevelure bouclée.

Les pistes en neige artificielle donnent d’ailleurs des courses plus rapides, souligne Charles Pépin, farteur de l’équipe canadienne de biathlon et aussi ami d’adolescence de Jules Burnotte.

Les flocons de neige naturelle ont des petits piquants, des petites pointes. Ceux-ci font ralentir le ski tandis que la neige artificielle, ce sont des petites billes de glace. Il y a donc moins d’adhérence et ça glisse plus vite.

Charles Pépin,

« La neige artificielle, s’il fait assez froid, il y a moyen de la compacter pour que ça ressemble à de la vraie neige, poursuit son collègue farteur Félix Bérubé-Larochelle. Mais s’il fait chaud, ça peut devenir vraiment mou et c’est comme skier dans le sel. »

La planchiste Laurie Blouin, elle, a un avis différent sur la neige. « C’est sûr que la neige naturelle, c’est mieux », déclare-t-elle pendant une séance d’entraînement de descente acrobatique. « Ici, on le voit qu’il y a beaucoup de monde qui passe et ça devient glacé vraiment rapidement », dit-elle en montrant la piste où les athlètes exécutent d’impressionnants sauts.

Surtout, la neige naturelle, plus molle, fait moins mal lors des chutes, ajoute-t-elle, un facteur à ne pas négliger lorsqu’on pratique un sport extrême comme la descente acrobatique (slopestyle) ou le grand saut (big air).

« Il reste que c’est quand même fou, ce qu’ils ont construit ici », admet-elle au sujet des trois sauts de même que des grosses briques décoratives qui ont été fabriquées en neige.

Peu de précipitations

La région de Zhangjiakou, où se tiennent les compétitions de biathlon, de ski de fond, de ski acrobatique, de sauts à ski et de planche à neige, se trouve à 200 km au nord-ouest de Pékin. Il faut près de quatre heures pour faire la route entre les deux.

Les montagnes sont couvertes de petits arbustes et de quelques conifères. Dans ce climat aride, ce n’est pas si surprenant qu’il y ait aussi peu de végétation. Et aussi peu de neige.

Depuis notre arrivée, le soleil brille et le ciel est toujours bleu. Mais les températures sont froides (autour de -15 °C le jour, -22 °C la nuit).

À cause des rares précipitations, les organisateurs des Jeux ont dû souffler pas moins de 1,2 million de tonnes cubiques de neige et l’étendre sur les pistes grâce à des dameuses, selon le magazine Sports Illustrated. C’est l’équivalent de 480 piscines olympiques remplies de neige.

Avant les Jeux de Pékin, les villes de Vancouver, de Sotchi et de PyeongChang ont aussi eu recours à la neige artificielle. Quelque 90 % de celle employée en Corée du Sud était fabriquée par l’homme.

Le mouvement olympique fait d’ailleurs face à de nombreuses critiques pour la grande quantité d’eau qui sera nécessaire pour la fabrication de neige et l’impact sur l’environnement.

Mais le comité organisateur, lui, affirme avoir utilisé de l’eau de pluie pour produire la neige. Il soutient également que la mégarampe aménagée pour le grand saut (big air) est dotée de réservoirs afin de récupérer l’eau de la neige fondue.