Le Comité olympique canadien (COC) étudie la possibilité de présenter une candidature conjointe de Montréal et Toronto pour l’organisation des Jeux olympiques d’été, a appris La Presse.

Six sources ont confirmé l’existence du projet.

Dans une déclaration écrite transmise lundi soir, le chef de la direction et secrétaire général du COC, David Shoemaker, a corroboré les informations réunies par La Presse.

« Le Comité olympique canadien croit à la valeur de l’accueil de Jeux olympiques et paralympiques et nous avons été ouverts à propos de notre désir de ramener les Jeux au Canada dès les années 2030 », rappelle-t-il.

« Cependant, aucune date particulière n’a été ciblée. De par son héritage olympique, la Ville de Montréal est un interlocuteur naturel de toute future conversation d’accueil, et l’idée d’une candidature conjointe Montréal-Toronto offre de véritables attraits en surface. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE


David Shoemaker, chef de la direction et secrétaire général du Comité olympique canadien


Selon Richard Pound, doyen du Comité international olympique (CIO) et membre du conseil d’administration du COC, l’idée fait « certainement l’objet de discussions, tant à Montréal qu’à Toronto ».

Au cours des derniers mois, les dirigeants du COC ont en effet consulté plusieurs personnalités sportives et politiques influentes au pays au sujet de la présentation de Jeux d’été à partir de 2032. L’idée, expliquent-ils en privé, c’est de profiter des installations existantes pour réduire le coût des Jeux.

Ensemble, font-ils valoir, Montréal et Toronto possèdent déjà toutes les infrastructures nécessaires pour présenter l’évènement. Toronto vient d’hériter de plateaux sportifs au goût du jour, grâce aux Jeux panaméricains de 2015.

PHOTO DAVID COOPER, ARCHIVES TORONTO STAR

Le Centre Rogers de Toronto

Montréal mise sur le Stade olympique, le stade IGA (tennis), le stade Saputo (soccer), un bassin d’aviron, une piscine olympique et plusieurs centres sportifs, comme le Centre Bell, qui peuvent accueillir des compétitions de gymnastique, de basketball, de volleyball, de handball ou d’escrime.

L’Agenda 2020 du CIO, qui favorise la diminution des coûts, met la table pour ce genre de candidatures conjointes, relève M. Pound.

« Selon les nouveaux règlements, il n’y aurait vraiment pas besoin de constructions importantes, à part quelques mises à niveau, fait valoir l’avocat montréalais. Cela pourrait être très bon. En fait, vous pourriez même utiliser encore Kingston pour la voile, comme on l’avait fait pour Montréal [en 1976]. »

Tout le corridor de la 401 pourrait être impliqué, et le temps de transport entre les deux villes ne serait pas très important.

Richard Pound, doyen du CIO et membre du conseil d’administration du Comité olympique canadien

Pour Walter Sieber, membre de la commission du programme olympique du CIO, une candidature conjointe concorde avec les objectifs de l’Agenda 2020.

« Les deux villes, c’est sûr que c’est réaliste, d’autant que cela rentre parfaitement dans [la philosophie] du CIO, qui est prêt actuellement à ce que les Jeux puissent avoir lieu dans plus d’une ville », fait remarquer l’ancien vice-président du COC.

Le bon moment ?

Le déplacement des Jeux l’été prochain à Tokyo à cause de la pandémie et la proximité des prochains Jeux d’hiver de Pékin, dont le décompte d’un an sera souligné jeudi, tempèrent cependant les ardeurs du COC, précise M. Sieber.

« C’est la première fois [depuis 1992] que vous aurez des Jeux d’été et d’hiver en l’espace de six mois. Pour n’importe quel comité olympique qui envoie une délégation assez importante aux Jeux, c’est un travail énorme. Si on lance une candidature en même temps, ça commence peut-être à se compliquer un peu. »

Ils sont en train de voir : est-ce le bon moment de lancer une candidature ? Faudrait-il attendre un tout petit peu et revoir la stratégie par la suite ?

Walter Sieber, membre de la commission du programme olympique du CIO

David Shoemaker précise d’ailleurs que l’organisation de Jeux n’est pas prioritaire dans le contexte actuel : « À ce jour, nos discussions sont très préliminaires et s’attardent aux concepts, mais elles ne représentent pas une priorité compte tenu de tout ce qui se passe dans le monde. Nos efforts restent axés sur l’adaptation aux défis de la pandémie et sur une préparation en sécurité pour connaître du succès à Tokyo et à Pékin. »

Le temps ne presse pas non plus, indique M. Sieber. Depuis l’attribution simultanée des Jeux d’été à Paris (2024) et à Los Angeles (2028), le CIO n’a plus de règle selon laquelle les Jeux doivent être accordés sept ans avant leur date de présentation.

« Ça peut être huit ou neuf ans avant, comme ça peut être six ans avant. Ça dépendra toujours de la candidature et de la conjoncture au moment où la décision doit se prendre. Ça, c’est vraiment nouveau. Je pense [que le COC est] en réflexion là-dessus actuellement. »

Le COC pourrait être aidé en ce sens par la commission de futur hôte pour les Jeux de l’Olympiade, créée en 2019 et chargée d’établir le dialogue entre de potentielles villes candidates et la commission exécutive du CIO.

Nicolas Gill fait partie de la soixantaine de dirigeants de fédérations nationales de sport sondés sur cette idée lors d’une rencontre virtuelle du COC, il y a plusieurs mois. Le projet de nouveaux Jeux d’hiver à Vancouver en 2030, dans l’espoir de réutiliser et de remettre à niveau les infrastructures de 2010, lui semblait alors « plus concret » qu’une candidature conjointe de Montréal et Toronto pour les Jeux d’été de 2032.

« Tout le monde pense au legs de Vancouver, qui a été excessivement positif, a noté celui qui est directeur général de Judo Canada. L’objectif est de recréer Vancouver, à quel point cela a pu dynamiser la communauté. C’est un peu ce qui est derrière tout cela. »

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Vancouver a accueilli les Jeux olympiques d’hiver en 2010.

Une source au courant des intentions du COC a toutefois indiqué à La Presse que l’organisme privilégiait maintenant une candidature des Jeux d’été dans l’est du Canada, plutôt que des Jeux d’hiver dans l’ouest du pays.

Si le COC « prêchait à des convertis », Gill admet être « un peu perplexe » quant à la possibilité qu’un tel projet reçoive l’aval des gouvernements.

« On semble à l’aube de dépenses gouvernementales majeures, soulève le double médaillé olympique. Peut-être que le REM est une plus grande priorité dans la région de Montréal. Je suis un peu mitigé à savoir où ça se situe dans les priorités de la société actuellement. »

2032 ou 2036 ?

Les prochains Jeux d’été seront présentés à Tokyo (2021), à Paris (2024) et à Los Angeles (2028). Tout indique que les Jeux de 2032 seront organisés ailleurs qu’en Amérique du Nord, car le Comité international olympique tient au principe de rotation entre les continents.

La dernière fois qu’un continent fut l’hôte de deux Jeux d’été consécutifs, c’était l’Europe, après la Seconde Guerre mondiale (Londres 1948, Helsinki 1952). De façon réaliste, la fenêtre du Canada pour les Jeux d’été s’ouvrirait à partir de 2036.

À la Ville de Montréal, le cabinet de la mairesse Valérie Plante n’a pas encore été informé officiellement de la démarche du COC. Cependant, on confie ne pas être surpris des intentions du COC.

On souligne que c’est dans l’air depuis un discours de David Shoemaker, lors d’un déjeuner-causerie du Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), en novembre 2019.

« C’est entièrement possible que les Jeux puissent revenir à Montréal, avait affirmé M. Shoemaker à l’époque. Je pense que Montréal peut accueillir le monde de façon spectaculaire. »

— Avec la collaboration de Philippe Teisceira-Lessard, La Presse

Des candidatures conjointes récentes

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Le Championnat d’Europe de soccer de l’été prochain sera présenté dans 12 villes, de 12 pays.

Classique mondiale de baseball

La phase finale de la Classique mondiale de baseball, en 2017, fut organisée à Séoul, Tokyo, Miami, Guadalajara, San Diego et Los Angeles.