C’est à Torrey Pines en 2008 que Tiger Woods a remporté l’une des victoires les plus mémorables de sa carrière.

Jouant avec un genou gauche sérieusement amoché et une double fracture de stress au tibia, le golfeur s’est littéralement traîné pendant 91 trous, mais il n’allait pas laisser passer sa chance.

« Pour moi, l’Omnium de 2008 à Torrey Pines, c’était comme jouer à la maison, a raconté Woods, en entrevue pour le site de l’USGA. Ce tournoi signifiait beaucoup plus pour moi. C’est à Torrey Pines que j’ai assisté à mon premier tournoi professionnel quand mon père m’avait emmené à l’Omnium Andy Williams [devenu depuis l’Omnium Farmers Insurance].

« Je me souviens du trajet en voiture jusqu’à San Diego [la famille de Woods vivait à Anaheim] et je n’oublierai jamais avoir vu Andy Bean frapper des coups de fer 1 ou fer 2, John Cook, Mark O’Meara et tous les SoCal Boys. »

Déjà quatre fois vainqueur en six tournois en 2008, Woods savait toutefois que sa participation à l’Omnium était compromise. Des ligaments de son genou gauche étaient déchirés, toute sa jambe était mal en point et il éprouvait déjà les malaises au dos qui allaient l’obliger à subir de nombreuses interventions chirurgicales des années plus tard.

Mais pas question de rater l’Omnium des États-Unis.

Après avoir tenté de jouer avec un harnais métallique, comme ceux que portent les joueurs de football, Woods a jeté l’appareil à la poubelle la veille de son départ pour San Diego. C’est plutôt une équipe médicale qui allait l’accompagner…

« Pendant toute la semaine, j’ai reçu des traitements, a-t-il rappelé. Et pendant le tournoi, c’était constant dès que je rentrais à la maison. »

Je dormais littéralement sur la table de massage pendant que mon équipe drainait, glaçait, élevait ou manipulait mon genou dans l’espoir de réduire l’inflammation autant que possible.

Tiger Woods

Autour de lui, ses proches s’inquiétaient sérieusement. Son cadet de l’époque, Steve Williams, a raconté : « Voyant sa douleur pendant le tournoi, je lui ai demandé trois fois si c’était bien de continuer. Il m’a répondu chaque fois : “F… you, Stevie, je vais gagner ce tournoi !” Après la troisième fois, j’ai arrêté d’en parler… »

Et par miracle, le genou a tenu le coup jusqu’au bout, même si Woods a dû disputer une ronde et un trou supplémentaires, le lundi, avant de venir à bout du coriace Rocco Mediate.

Deux jours après remporté son 14titre majeur en carrière, Woods a révélé l’ampleur de ses blessures et annoncé qu’il allait subir une intervention chirurgicale pour remplacer le ligament croisé intérieur de son genou. Il n’est revenu au jeu que 9 mois plus tard et a dû patienter 11 ans avant de triompher de nouveau dans un grand tournoi, à Augusta, en 2019.

Un tournoi très ouvert

Woods n’est pas à Torrey Pines cette semaine, mais un témoin de ses exploits de 2008 tient sa place parmi les favoris.

Xander Schauffele, qui avait 14 ans à l’époque, se souvient d’avoir grimpé dans un arbre le dimanche près du 18trou pour voir le fameux coup roulé qui a permis à Woods de forcer la prolongation.

Cette semaine, en conférence de presse, il a rappelé combien la hargne du champion l’avait impressionné.

« Tout le monde semblait certain qu’il réussirait et quand la balle est tombée dans le trou, la clameur a été si forte que je suis presque tombé ! J’étais sous le choc, j’ai pensé courir pour aller voir la prolongation, mais je me suis rappelé qu’elle n’aurait lieu que le lendemain… »

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Xander Schauffele

Schauffele a aussi souligné combien le parcours l’avait intimidé. « J’ai grandi dans la région et j’ai souvent joué ici quand j’étais à l’Université San Diego State, a-t-il expliqué. Mais ce n’était pas le même parcours pendant l’Omnium de 2008. Les verts étaient beaucoup plus rapides, les fanions étaient souvent dans des positions diaboliques. »

Ce sont les conditions que j’ai appris à affronter depuis que je joue dans ce tournoi, mais c’est toujours très exigeant. Et je ne doute pas que l’équipe de l’USGA va tirer le maximum des possibilités de ce parcours.

Xander Schauffele

Construits au milieu des années 1950 en bordure de l’océan Pacifique sur ce qui était un terrain militaire, les deux parcours de Torrey Pines appartiennent à la municipalité de San Diego. C’est donc un club « municipal » et les deux parcours sont ouverts au public. Si les résidants peuvent joueur sur le fameux parcours Sud, le plus réputé, pour seulement 38 $ US, les visiteurs doivent toutefois débourser jusqu’à 252 $ US pour le faire.

Plusieurs fois rénové, le parcours a subi une transformation majeure en 2001. L’architecte Rees Jones a créé quatre nouveaux verts et dix nouveaux tertres de départ pour porter la longueur du parcours de 7000 à plus de 7600 verges. En préparation de l’Omnium, Jones a encore retouché quelques détails du parcours en 2019, ajoutant notamment quelques fosses de sable et de nouveaux tertres de départ, tout en modifiant l’inclinaison de certains verts.

Comme l’a souligné Phil Mickelson cette semaine, la principale difficulté de Torrey Pines est de placer la balle près du fanion et les derniers travaux n’ont pas facilité les choses. Il y a toujours plusieurs plateaux sur les verts et la pente est habituellement descendante derrière chaque fosse de sable.

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Jon Rahm

Certaines choses n’ont toutefois pas changé. Il n’y a qu’un obstacle d’eau, à l’exception du Pacifique, les allées sont étroites et leurs contours ne pardonnent pas. Le fameux troisième trou, une normale 3 de près de 200 verges s’avançant vers la mer, reste la carte postale du parcours et, avec plusieurs tertres de départ, les joueurs y frapperont des coups très différents d’une journée à l’autre.

Et le trou le plus facile devrait encore être le 18e, une normale 5 de 578 verges, où on pourrait encore voir quelques coups dramatiques.

En 2008, Woods et Mediate avaient terminé les 72 trous réglementaires à - 1. Ce serait étonnant que le champion fasse beaucoup mieux cette année.

Consultez les heures de départ de la première ronde

Dix joueurs à suivre

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Dustin Johnson

L’Omnium des États-Unis est considéré comme le plus difficile des quatre tournois majeurs, et même les joueurs établis s’y cassent souvent les dents. Voici toutefois 10 joueurs qui semblent avoir les atouts pour survivre au carnage…

10- Tyrrell Hatton, Angleterre, 9e mondial, 29 ans

Cinquième participation (6e en 2018 à Shinnecock Hills)

Toujours compétitif en Europe, Hatton est de plus en plus à l’aise sur le circuit de la PGA, avec notamment une victoire en 2020 à l’Invitation Arnold Palmer. L’Anglais a aussi pris la deuxième place le week-end dernier au Championnat Palmetto et il semble prêt à hausser son niveau dans un tournoi majeur.

9- Viktor Hovland, Norvège, 13e mondial, 23 ans

Troisième participation (12e en 2019 à Pebble Beach)

Le Norvégien joue avec beaucoup de constance cette saison avec six top 10, dont une deuxième place à Torrey Pines (Omnium Farmers Insurance) au début de l’année. Toujours bien placé en six participations à des tournois majeurs, il devra se montrer patient sur un parcours qui ne pardonne pas les erreurs.

8- Bryson DeChambeau, États-Unis, 5e mondial, 27 ans

Septième participation (Champion en 2020 à Winged Foot)

Le champion en titre connaît une saison difficile et il n’a jamais été à l’aise à Torrey Pines. Son jeu « à haut risque » l’expose aux nombreux pièges du parcours, mais il pourrait s’avérer payant s’il réussit à limiter ses erreurs. Reste à composer avec ses détracteurs, étonnamment nombreux au sein du public.

7- Brooks Koepka, États-Unis, 10e mondial, 31 ans

Huitième participation (Champion en 2017 à Erin Hills et en 2018 à Shinnecock Hills)

Ralenti par une blessure à un genou après avoir remporté quatre titres majeurs entre 2017 et 2019, Koepka a démontré avec sa deuxième place au Championnat de la PGA qu’il avait retrouvé ses moyens. Et sa rivalité avec Bryson DeChambeau pourrait bien être l’étincelle qui le relancera complètement.

6- Patrick Reed, États-Unis, 8e mondial, 30 ans

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Patrick Reed

Huitième participation (4e en 2018 à Shinnecock Hills)

Un autre « mal-aimé » du public, Reed est quand même huitième mondial et il connaît une bonne saison avec notamment une victoire à Torrey Pines au début de l’année. Il pourrait devenir l’un des rares joueurs qui ont remporté deux tournois sur un parcours la même année, comme Tiger Woods en 2008.

5- Dustin Johnson, États-Unis, 1er mondial, 36 ans

Quatorzième participation (champion en 2016 à Oakmont)

Johnson s’accroche au premier rang mondial, malgré un jeu irrégulier cette saison. Il a été dans la course le week-end dernier au Championnat Palmetto, jusqu’à ce qu’un triple boguey le sorte de la liste des meneurs. L’Omnium des États-Unis lui a toutefois souvent souri, avec notamment son premier titre majeur, en 2016, à Oakmont.

4- Collin Morikawa, États-Unis, 4e mondial, 24 ans

Troisième participation (35e en 2019 à Pebble Beach)

Maintenant quatrième mondial, le jeune Américain poursuit sa progression cette saison avec une victoire et une deuxième place. Son titre au Championnat de la PGA, la saison dernière à San Francisco, a montré qu’il était à l’aise sur les parcours exigeants et sa patience devrait le servir à Torrey Pines.

3- Phil Mickelson, États-Unis, 30e mondial, 51 ans

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Phil Mickelson

Trentième participation (six fois deuxième : 1999, 2002, 2004, 2006, 2009, 2013)

Difficile de croire qu’il soit parmi les favoris, mais Mickelson a montré il y a quelques semaines à Kiawah Island que la cinquantaine n’était qu’un chiffre et qu’il pouvait encore rivaliser avec les champions de la nouvelle génération. Et l’Omnium des États-Unis est le rêve de sa vie.

2- Jon Rahm, Espagne, 3e mondial, 26 ans

Sixième participation (3e en 2019 à Pebble Beach)

Privé d’une victoire pratiquement acquise au Tournoi Memorial après un test positif à la COVID-19 et un forfait forcé, l’Espagnol a achevé sa période d’isolement au début de la semaine. Avec huit Top 10 en 12 tournois cette année, il est le joueur le plus constant du circuit. Il serait étonnant qu’il ne soit pas parmi les meneurs dimanche.

1- Xander Schauffele, États-Unis, 6e mondial, 27 ans

Cinquième participation (3e en 2019 à Pebble Beach)

Avec déjà huit Top 10 en 16 participations, Schauffele excelle en tournoi majeur et il est particulièrement brillant à l’Omnium des États-Unis où il n’a jamais été plus loin que sixième en quatre participations. Élevé dans la région, étudiant à l’Université San Diego State, il connaît Torrey Pines par cœur.

Le feuilleton DeChambeau–Koepka se poursuit

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Bryson DeChambeau

Les deux derniers champions de l’Omnium des États-Unis, Bryson DeChambeau et Brooks Koepka, ne s’apprécient guère et ils ne l’ont pas caché cette semaine à Torrey Pines.

« Je ne sais pas si j’appellerais cela un conflit, a expliqué le second en point de presse. Je pense simplement que nous ne nous aimons pas ! »

La rivalité entre les deux joueurs, qui remonte à quelques années, a monté d’un cran récemment, au tournoi Memorial, quand DeChambeau a demandé l’intervention de la sécurité pour expulser des spectateurs qui le harcelaient en criant le nom de son adversaire.

Koepka, qui ne jouait pas cette semaine-là, a vite publié un message dans les réseaux sociaux pour offrir de la bière aux spectateurs concernés. Et il n’a montré aucun regret cette semaine, assurant qu’il ne se préoccupait pas de ce que son rival pouvait bien penser ou faire.

PHOTO ORLANDO RAMIREZ, USA TODAY SPORTS

Brooks Koepka

Alors que beaucoup espéraient voir Koepka et DeChambeau ensemble lors des premières rondes, l’USGA les a plutôt placés dans des groupes différents à des heures et sur des parties du parcours complètement opposées.

DeChambeau s’est pourtant dit prêt pour un « mano a mano » samedi ou dimanche : « Les gens peuvent crier ce qu’ils veulent, ça ne me dérange pas. Je pense que cette affaire est une excellente publicité ! J’espère même que nous pourrons rivaliser l’un contre l’autre ce week-end. Ce serait amusant et ce serait bien pour le golf. »

Rahm de retour et favori

Jon Rahm, qui avait dû se retirer du tournoi Memorial alors qu’il avait une priorité de six coups à la suite d’un test positif à la COVID-19, est de retour cette semaine et il entend bien continuer sur sa lancée. L’Espagnol a raconté cette semaine qu’il était resté isolé une semaine dans une partie de sa résidence de l’Arizona, à l’écart de sa femme, de leur fils né récemment et de ses parents en visite.

« J’étais un peu inquiet, car même si je me sentais bien, je ne voulais pas transmettre le virus à mes proches, a-t-il expliqué en point de presse. Heureusement, j’ai subi deux tests négatifs le week-end dernier et je suis maintenant prêt à reprendre la compétition là où je l’ai laissée. »

Rahm est considéré comme l’un des grands favoris de l’Omnium. C’est à Torrey Pines qu’il a remporté sa première victoire sur le circuit de la PGA, à l’Omnium Farmers Insurance de 2017, avant d’y prendre la deuxième place en 2020. C’est aussi sur le site du club qu’il a demandé en mariage sa future femme, Kelley Cahill, en 2018.

« C’est une région très spéciale pour moi, a avoué Rahm. J’ai l’impression que toutes les facettes de mon jeu sont à point et c’est ce dont j’ai besoin pour espérer gagner un tournoi comme l’Omnium des États-Unis sur un parcours comme Torrey Pines ! »

Encore Conners ?

Pas moins de quatre Canadiens – Corey Conners, Adam Hadwin, Mackenzie Hughes et Taylor Pendrith – se sont qualifiés pour l’Omnium des États-Unis. Conners sera encore le plus attendu en raison de ses performances très constantes cette saison, aussi bien sur le circuit de la PGA que lors des deux premiers tournois majeurs.

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Corey Conners

L’Ontarien, 36e mondial, n’a pas encore réussi à se rendre aux rondes du week-end en deux participations à l’Omnium, mais il avait pris la 37place à Torrey Pines au début de l’année, lors de l’Omnium Farmers Insurance.

De son côté, Pendrith a obtenu sa place tout récemment lors de l’éprouvante dernière journée des qualifications. Il avait réussi le même exploit la saison dernière et en avait profité pour obtenir une excellente 23place. Actuellement sur le circuit Korn Ferry, l’Ontarien est bien placé pour grimper sur le grand circuit la saison prochaine.