(Paris) Vitesses record, vélos plus performants, pression infernale, oreillettes, routes encombrées : les chutes font partie du cyclisme, mais la multiplication d’accidents graves, dont celui impliquant Jonas Vingegaard jeudi au Tour du Pays basque, alerte sur le danger croissant d’un sport qui va de plus en plus vite.

En à peine une semaine, le cyclisme a perdu, peut-être pour de longues semaines, deux de ses superstars, Vingegaard, double vainqueur du Tour de France, et son coéquipier Wout Van Aert, victime de multiples fractures dans à travers la Flandre il y a une semaine. Depuis le début de l’année, ce sont des dizaines de coureurs qui se sont cassé un os, souvent la clavicule, et il n’y a presque plus une course sans gadin majeur.

Les cyclistes vont de plus en plus vite

Course après course, le peloton bat des records de vitesse, comme encore dimanche dernier sur le Tour des Flandres, avalé à la moyenne ahurissante de 44,5 km/h. À ces allures-là, le moindre écart devient rapidement fatal, d’autant que le niveau moyen des coureurs est plus élevé. Les leaders sont entourés d’équipiers qui impriment un rythme d’enfer pour essorer la concurrence. Et lorsque le peloton est très compact, la moindre chute peut propulser, par effet domino, des dizaines de coureurs dans le fossé. Après les années de plomb du dopage, coureurs et dirigeants expliquent cette augmentation de la vitesse par un professionnalisme poussé à l’extrême et des vélos de plus en plus performants.

Le matériel est plus performant, mais aussi plus rigide

« Le matériel a considérablement évolué. Les vélos sont plus rapides et plus rigides. Ça devient des morceaux de bois. Le moindre coup de vent, tu flottes. » Interrogé par l’AFP jeudi avant l’accident au Tour du pays basque, Julien Jurdie, directeur sportif de l’équipe Decathlon-AG2R, pointe les progrès faits sur les machines, devenus des bijoux de technologie avec un aérodynamisme de plus en plus pointu, au prix d’une maniabilité plus difficile. S’y ajoutent les freins à disque qui ont remplacé les freins à patins. S’ils sont plus efficaces, ils contribuent au danger parce que les coureurs freinent plus tard, au risque de s’emplâtrer en cas d’arrêt brusque. Et les disques peuvent aussi provoquer des coupures graves en cas de chute.

La pression du résultat est plus forte

Dans un milieu de plus en plus concurrentiel, la pression augmente. « Si nos partenaires mettent de l’argent, ce n’est pas pour faire 25», résume Jurdie. Or un bon résultat passe, souvent, par un bon placement. C’est même essentiel dans une course cycliste pour ne pas subir des cassures et s’user à boucher des trous. Toutes les équipes connaissent les endroits stratégiques où il faut être devant, « sinon ta course est morte », selon Jurdie. « La pression est énorme pour être bien placé, à l’avant », rapporte le vétéran belge Tim Declercq. L’ennui c’est qu’il n’y a pas toujours de la place pour tout le monde.

Des oreillettes omniprésentes

Tous les coureurs sont équipés d’oreillettes pour recevoir les ordres des directeurs sportifs installés dans les voitures suiveuses. Décriées par certains, jugées indispensables par d’autres, leur place dans le peloton est un vieux débat qui rejaillit aujourd’hui avec ces chutes en série. Parce qu’elles peuvent distraire le coureur. Mais surtout parce qu’il reçoit souvent exactement la même consigne que ses collègues des autres équipes pour bien se placer à des moments clés de la course. Comme lors de la chute de Van Aert à travers la Flandre, précédée par un puissant coup de vis de son équipe Visma. Le manque de respect de certains jeunes coureurs ambitieux est également parfois montré du doigt.

Des routes de plus en plus encombrées

Les coureurs se plaignent régulièrement de routes de plus en plus encombrées, où tout est fait pour ralentir le trafic automobile avec des terre-pleins, des îlots et des ronds-points. « En voiture on entre dans les centres-villes à 30 km/h et nous on arrive à 60 km/h sur un vélo. Rien que de dire ça, ça règle le truc », estime le coureur français Benoît Cosnefroy. Selon Christian Prudhomme, le patron du Tour de France, « les aménagements routiers doublent tous les six ou sept ans sur la route ». Organiser des courses devient un casse-tête, explique Thierry Gouvenou, qui trace le parcours du Tour de France et de Paris-Roubaix. À la demande du syndicat des coureurs, il vient d’ailleurs tout juste d’installer une « chicane » avant la trouée d’Arenberg, secteur pavé clé de Paris-Roubaix dimanche. Mais parfois, le choix des routes est discutable aussi sur certaines courses, notamment de moindre envergure.