Victime de trois crevaisons et à peine remis d’une grippe, Guillaume Boivin n’a pas été en mesure de répéter son exploit de l’automne dernier, terminant 61e de la « reine des classiques »

Guillaume Boivin avait parfaitement joué ses cartes.

D’abord en se glissant dans le peloton de tête après une offensive-surprise des Ineos dans le vent de côté à plus de 200 km de l’arrivée.

Ensuite en courant avec son vélo dans le champ à la manière d’un cyclocrossman pour contourner une chute collective dans un secteur pavé.

Puis en se positionnant parmi les 30 premiers avant l’entrée de la trouée d’Arenberg.

Mais sans as dans sa manchette comme l’automne dernier, à savoir des jambes de feu, le cycliste québécois devait aussi compter sur un peu de chance sur l’épreuve de 257 kilomètres.

Or, cet élément essentiel à une course réussie à Paris-Roubaix, même par temps sec, l’a abandonné dès le passage de la célèbre tranchée, où il a subi une première crevaison. Après un dépannage à la sortie du 12e de 30 secteurs pavés, le champion canadien s’est remis en route.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE INSTAGRAM D’ISRAEL-PREMIER TECH

Guillaume Boivin se rafraîchit après avoir pris le 61rang à Paris-Roubaix.

J’ai chassé très longtemps, je suis revenu dans le groupe [de tête], mais ça m’avait vraiment tout pris. Ensuite, je n’avais plus les jambes. Puis j’ai crevé deux autres fois. Ce n’était vraiment pas l’idéal pour la fin de course.

Guillaume Boivin

Le coureur d’Israel-Premier Tech a franchi la ligne d’arrivée dans le vélodrome de Roubaix au 61rang, à 15 minutes du gagnant, le Néerlandais Dylan Van Baarle, qui a ainsi procuré une première victoire à la formation britannique Ineos dans la « reine des classiques », dimanche.

« Je suis un peu triste, je ne vais pas te mentir », a confié Boivin quelques heures après la course. Il s’apprêtait à casser la croûte dans un restaurant de Lille avec un groupe de Québécois venus l’encourager, dont sa copine, son frère et son père. « J’aime tellement cette course-là. »

Neuvième sous la pluie et dans la boue l’an dernier, une première en 30 ans pour un Canadien, Boivin se consolait à l’idée d’avoir pu prendre le départ de la 119présentation de l’« Enfer du Nord ». Terrassé par la grippe, il n’y croyait pas sept jours plus tôt. Pendant deux semaines, il n’a pratiquement pas roulé.

« Je vais le prendre. C’était quand même une belle journée. C’était Paris-Roubaix. Ça me donne confiance. Je sais que j’ai le niveau. Si je suis au sommet de ma forme, je peux faire quelque chose dans des courses comme ça. »

Ses trois crevaisons ont anéanti ses espoirs déjà fragiles : « Je n’avais pas les jambes de l’an passé. Quand tu es en top forme, tu peux sauver les meubles en cas de pépins comme ça. Mais ce n’était pas le cas. C’est un peu plate, mais ça fait partie de la course. Au moins, la forme n’est pas si mal par rapport aux deux, trois dernières semaines que j’ai eues. »

« Ç’a été fou ! »

Au contraire, Van Baarle est en plein cœur d’une séquence heureuse. Le vice-champion mondial de 29 ans a terminé deuxième du Tour des Flandres une semaine plus tôt, battu au sprint par son compatriote Mathieu Van der Poel, le grand favori qui n’avait « pas les jambes » dimanche (9e).

Après s’être détaché d’un groupe de prétendants comprenant Wout Van Aert (Jumbo) et le Suisse Stefan Küng (FDJ) à une cinquantaine de kilomètres de la ligne, Van Baarle est revenu sur le superbe Matej Mohoric (Bahrain), le malchanceux Yves Lampaert (Quick-Step) et la révélation Tom Devriendt (Intermarché). Le futur vainqueur les a lâchés à 19 km de l’arrivée dans le secteur de Camphin-en-Pévèle, là où Boivin a chuté dans la boue l’an dernier.

Van Baarle s’est donné un coussin qui a monté jusqu’à une minute et demie malgré la chasse concertée de Van Aert, Küng et Mohoric (5e). Avant d’entrer dans le vélodrome, le Néerlandais a eu le temps de savourer avec son compatriote et directeur sportif Servais Knaven, qui avait signé le même exploit en 2001. À 45,8 km/h, il a enregistré la moyenne la plus rapide de l’histoire.

PHOTO THOMAS SAMSON, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le Néerlandais Dylan Van Baarle a remporté l’épreuve de Paris-Roubaix.

C’est incroyable. Je ne pouvais y croire quand j’étais dans le vélodrome. J’ai regardé de l’autre côté pour voir si des gars arrivaient, mais j’étais complètement seul. Quand la voiture d’Ineos s’est portée à ma hauteur avec Servais, c’est là que j’ai commencé à y croire. Ç’a été fou !

Dylan Van Baarle

À l’arrivée, Van Baarle est tombé dans les bras de Dave Brailsford, le parfois controversé patron de l’écurie britannique qui s’était donné comme mission de changer la façon de courir des siens. Cette victoire à Paris-Roubaix est le point d’exclamation de cette nouvelle philosophie.

Malgré deux ennuis mécaniques, Van Aert, qui s’interrogeait sur sa forme après avoir contracté la COVID-19 il y a trois semaines, a réglé le sprint pour la deuxième place, devançant Küng et Devriendt. Mohoric, le plus actif de la course, mais victime d’une crevaison à un mauvais moment, a dû se contenter du cinquième rang. Lampaert a pour sa part bouclé le top 10, victime d’une lourde chute après un accrochage avec un spectateur à 7 km du fil.

Point d’orgue des classiques flandriennes, Paris-Roubaix met la table pour les Ardennaises, avec la Flèche Wallonne, mercredi, et Liège-Bastogne-Liège, dimanche prochain. Boivin y sera avec Hugo Houle pour aider ses coéquipiers Michael Woods et Jakob Fuglsang. « Je pense que je peux leur être utile. J’ai hâte. »