Hugo Houle se fait de plus en plus remarquer. Dans une entrevue à L’Équipe la semaine dernière, un journaliste lui demandait de révéler son expression favorite que personne ne comprend dans le peloton.

« Attache ta tuque avec d’la broche, ça va rouler vite ! », a répondu le Québécois. C’est probablement ce qu’il s’est dit au début de la 13e étape du Tour de France, vendredi. Au lendemain de sa septième place de jeudi, il a dû s’accrocher dans le premier col quand l’équipe Jumbo-Visma a décidé que le Colombien Esteban Chaves (Mitchelton) ne partirait pas en échappée.

« Ça a vraiment mis le gaz au fond, comme on dit, a raconté Houle. Il y avait déjà plein de cassures dans le peloton. On devait être une soixantaine quand on a basculé. J’étais content, j’étais devant. Mais bon, ça tirait dans les jambes, évidemment. J’étais encore un peu fatigué [de jeudi]. Somme toute, la forme est bonne. Ensuite, j’ai fait mon travail. »

Le Canadien d’Astana a accompagné son coéquipier Miguel Ángel López jusqu’au pied de la dernière ascension vers le puy Mary, dans le Massif central, 140 kilomètres plus loin. À ce moment-là, les Jumbo ont mis le poing sur la table pour leur chef de file Primož Roglič. Premier des favoris au sommet, le maillot jaune slovène n’a pas complètement assommé la course. Mais il a montré qui était le patron. Seul l’épatant Tadej Pogačar (UAE), son compatriote de 21 ans, a été en mesure de le suivre après avoir lui-même dégainé le premier.

« Les deux derniers kilomètres étaient vraiment durs, a commenté Roglič en conférence de presse. Je ne connaissais pas la dernière montée. Quand on s’est retrouvés au pied, je me suis dit : “Oh là là, ça va faire mal !” »

Egan Bernal, pour qui Ineos avait roulé dans l’avant-dernière côte, a flanché. Sur papier, le tenant du titre n’a perdu que 38 secondes, mais le moral a dû en prendre un coup. La façon dont il était prostré sur son vélo peu après l’arrivée en disait long sur la violence de l’effort. Pour faire bonne mesure, le Colombien de 23 ans a cédé le maillot blanc de meilleur jeune à Pogačar, désormais deuxième au général, à 44 secondes de Roglič.

Un peu passé la mi-parcours, le Tour bascule à l’avantage de Roglič et de son armada jaune et noir.

« C’est clair, a convenu Houle. À la façon dont ils roulent, je pense que leurs adversaires ne savent pas trop comment faire pour les déstabiliser. Ils sont extrêmement solides. […] Ils sont très dominants, en plein contrôle. Ils courent de façon très juste, un peu comme Ineos l’an dernier. »

Le revenant australien Richie Porte (Trek) a étonné, ne cédant que 13 secondes au duo slovène, tout comme l’Espagnol Mikel Landa (Bahreïn). López a suivi (+ 16 s) et remonte au sixième rang du général, à 1 min 31 s de la tête.

« Il était content, il avait le sourire, a relaté Houle. Deux coureurs sont au-dessus du lot, mais il est certainement dans le coup avec les gars derrière pour le classement final. Rien n’est réglé, on est encore dans le coup. »

Six minutes avant l’arrivée des ténors du général, le Colombien Daniel Martínez (EF) a remporté l’étape, s’imposant bravement devant le duo de Bora, Lennard Kämna et Maximilian Schachmann. Ceux-ci n’ont pas été en mesure de profiter de leur supériorité numérique sur les rampes à 15 % du pas de Peyrol.

PHOTO ANNE-CHRISTINE POUJOULAT, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le vainqueur de la 13e étape, le Colombien Daniel Martínez, célébrant la fin d’une course en montagne extrêmement exigeante

Même s’ils avaient l’avantage du nombre dans l’échappée (7 sur 17, dont Julian Alaphilippe), les Français ont fléchi les uns après les autres, Valentin Madouas (4e), Pierre Rolland (5e) et Nicolas Edet (6e) s’avérant les plus valeureux.

Pour les prétendants au général, ce fut la catastrophe. Le surprenant Guillaume Martin (Cofidis) a dégringolé de la 3e à la 12e place. De même, Romain Bardet (A2gr) a glissé du quatrième au 11e rang. Celui qui courait sur ses terres est tombé durement à la mi-parcours, tout comme le Colombien Nairo Quintana (toujours 5e) et le Néerlandais Bauke Mollema (UAE), forcé à l’abandon en raison d’une triple fracture à un poignet. Victime d’une commotion, Bardet a lui aussi annoncé son retrait du Tour quelques heures après la fin de l’étape.

La raison de cette chute très coûteuse ? Winner Anacona, coéquipier de Quintana, aurait laissé échapper ses lunettes et accroché une roue en se retournant pour voir où elles tombaient, selon le témoignage de Houle. Comme quoi ça ne tient pas à grand-chose.

Son travail accompli, le natif de Sainte-Perpétue a monté la dernière côte à son rythme, avec son collègue Alexey Lutsenko, ralliant la ligne 23 minutes après le gagnant. « Ça ne servait à rien d’en faire plus ; il s’agissait de s’économiser pour les prochains jours. »

Maintenant 58e au général, Houle attire de plus en plus l’attention. Pendant la diffusion sur FloBikes, l’ex-coureur Simon Gerrans, triple vainqueur des Grands Prix cyclistes de Québec et de Montréal, a souligné son « implication » et ses « bonnes jambes » dans l’étape de la veille.

« Il est devenu un rouleur vraiment fiable », a renchéri le descripteur d’Eurosport, Robert Hatch, le qualifiant d’« étoile canadienne ».

« Ça veut dire que je suis souvent aux avant-postes et que mon travail est considéré, s’est réjoui le principal intéressé. Si ça se parle dans le peloton, c’est bon pour moi. Il n’y a rien de mieux que d’entendre tes pairs parler de toi de façon positive. Je suis très content si mon travail est reconnu. »

Avant l’arrivée inédite au Grand Colombier, dimanche, les coureurs pourront souffler un peu samedi sur les 194 km entre Clermont-Ferrand et Lyon. Deux côtes pimenteront le final, terrain idéal pour un coup de Greg Van Avermaet (CCC).