Samuel Lalande-Markon et Félix-Antoine Tremblay risquent d’être difficilement joignables au mois de février. Après un départ de Havre-Saint-Pierre, sur la Côte-Nord, les deux compères prendront le chemin de Natashquan, puis de Kegaska où se dresse le fameux panneau « Route 138 – Fin ».

Au-delà de ce petit village de pêcheurs, ils entreront réellement dans le vif du sujet : un périple d’environ 500 km sur la Route blanche jusqu’à Blanc-Sablon. Détail important, ils le feront à… vélo à pneus surdimensionnés (fat bike).

« Il y a une dizaine de communautés qui ne sont pas reliées par le réseau routier. Mais depuis longtemps, une connexion se fait en hiver lorsque les cours d’eau sont gelés et que des passages sont possibles, rappelle Lalande-Markon. C’est fréquenté par les habitants de la Côte-Nord. »

Lorsque les conditions hivernales sont adéquates, la Route blanche, entretenue par le ministère des Transports du Québec, permet aux résidants et aux touristes de se déplacer à motoneige. Et si certains l’ont aussi parcourue en skis ou en raquettes, Lalande-Markon et Tremblay n’ont rien trouvé concernant les vélos à pneus surdimensionnés.

« Après une recherche raisonnable, on a été incapables de trouver qui que ce soit qui l’ait fait, convient Tremblay, étudiant à la maîtrise en génie de la construction. On veut mettre sur papier ce qui pourrait servir, ne serait-ce qu’au niveau du tracé de la Route blanche. Ça m’a pris plusieurs semaines à essayer de le reconstituer, mais je l’ai maintenant rendu public. Avec cette aventure et avec ce qu’on pourra écrire, on espère que d’autres personnes puissent se lancer dans des aventures similaires. »

Les deux hommes, qui n’en sont pas à leur première aventure, sont conscients du côté imprévisible de l’Expédition Route blanche 2020. Ils ont tablé sur un maximum d’un mois pour mener à bien leur projet. Tout dépendra des conditions sur place.

Comme on dit souvent en blaguant, ce serait dommage de prendre un an pour organiser un voyage de cinq jours. Si tout va bien, qu’il fait beau et qu’on a un vent de dos, ce serait presque moins intéressant. Le but, c’est quand même de faire face à des conditions un peu plus difficiles.

Félix-Antoine Tremblay

« On parle d’une température moyenne de - 12 °C, ajoute Lalande-Markon. La proximité du fleuve apporte beaucoup d’humidité et le vent est assez présent avec une moyenne de 25 km/h. On s’expose à de grands vents et à des blizzards. Il se peut qu’on soit immobilisés pendant une certaine période. »

Lorsque la progression descendra en dessous de 5 km/h, les deux Montréalais ont prévu se tourner vers leur plan B. Ils placeront leur vélo sur un traîneau léger, de type crazy carpet, qu’ils ont conçu au cours des dernières semaines.

« Si on a de la neige compacte, qu’il fait un peu trop chaud et que ça se rapproche de la sloche, le vélo va caler. S’il y a une grosse bordée de neige, là aussi, ça ne passera pas et il faudra attendre les dameuses », précise Lalande-Markon.

Sur le plan logistique, ils récupéreront leur nourriture et du carburant pour leur réchaud dans sept points différents. D’ici le départ, ils auront fait deux sorties en pleine nature pour tester l’équipement et trouver le rangement optimal sur le vélo.

L’amour de l’aventure

Les deux hommes se sont rencontrés lors de la préparation de l’expédition Transtaïga, en 2018. Tremblay, qui avait déjà parcouru la route entre Montréal et Kuujjuaq, avait alors donné quelques conseils à Lalande-Markon qui s’apprêtait à faire le même trajet à vélo et en canot.

Chacun de leur côté, sans se concerter, ils ont imaginé faire cette Route blanche à vélo à pneus surdimensionnés. L’entreprise Panorama cycles a servi d’intermédiaire.

Pour Lalande-Markon, travailleur autonome dans le domaine culturel, cela complète un premier périple entre Montréal et Havre-Saint-Pierre. Mais cela va bien plus loin que de simples coups de pédale.

« C’est un mélange de rêve d’enfance et de besoin de s’échapper du quotidien dans lequel le temps passe très vite. Ce que j’aime, c’est retrouver une certaine forme de simplicité où l’on est simplement préoccupé par la nourriture et la progression. La rencontre du territoire et de la culture est aussi porteuse. On n’a pas l’intention d’éviter les villages et les habitants qui sont sur le trajet [de la Route blanche]. »

De son côté, Tremblay a sillonné les routes américaines et canadiennes en long, en large et en travers. Il estime avoir parcouru 40 000 km entre 2016 et 2018. Ce chiffre astronomique inclut la route Translabradorienne.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Samuel Lalande-Markon et Félix-Antoine Tremblay sont conscients du côté imprévisible de l’Expédition Route blanche 2020.

Ça boucle un peu mon trajet de 2016, mais je vois toujours mes aventures comme une progression. Mon objectif, c’est la Route blanche, mais j’ai d’autres objectifs à plus long terme. C’est une introduction au vélo d’expédition d’hiver et une préparation à la gestion d’expédition hivernale.

Félix-Antoine Tremblay

Les dates d’ouverture et de fermeture de la Route blanche changent chaque année. Puisque le tracé inclut de nombreuses portions sur l’eau, il faut donc que la glace soit suffisamment épaisse.

Le choix de partir de Havre-Saint-Pierre est, lui, avant tout stratégique. « Si jamais il y a un bris de matériel ou quelque chose qui ne marche pas, ça nous donne une marge de manœuvre de deux jours avant d’embarquer sur la Route blanche. Là, ça devient plus complexe [en cas de problème], souligne Lalande-Markon.

Pour la suite, Lalande-Markon et Tremblay ont envisagé deux options : rentrer de Blanc-Sablon en avion ou se rendre jusqu’à Deer Lake, à Terre-Neuve, pour revenir à Montréal par la voie des airs. Cette deuxième option porterait le périple à 976 km, dont 471 sur la Route blanche.