Il fut un temps où Frédéric Brousseau était un jeune ingénieur fraîchement diplômé. Du haut des gradins du circuit Gilles-Villeneuve, il encourageait Jacques Villeneuve, alors pilote pour Williams.

Plus de 20 ans plus tard, ce même jeune ingénieur a fait son chemin jusqu’à devenir, il y a quelques mois, chef des opérations… chez Williams. Cette semaine, il vivra le Grand Prix du Canada à même le paddock du circuit montréalais.

Voilà trois mois que Brousseau a laissé derrière lui les avions de Pratt & Whitney pour se concentrer sur les monoplaces de Formule 1. Williams ayant refusé toutes les demandes d’entrevue formulées par La Presse au cours des derniers mois, les citations qui suivent sont tirées d’une séance de questions et réponses réalisée par l’écurie.

Titulaire d’un baccalauréat en génie mécanique et d’une maîtrise en aéronautique à l’Université de Sherbrooke, Brousseau a passé les 26 dernières années chez Pratt & Whitney dans différents rôles opérationnels et de gestion. Quand l’occasion de se joindre à Williams Racing s’est présentée, il y a quelques mois, il était vice-président des opérations pour l’importante entreprise de construction de moteurs.

Toujours est-il qu’il « ne pouvait refuser » l’offre de faire partie d’une des équipes « les plus décorées de l’histoire de la F1 », dit-il. Le tout s’est officialisé en mars, au terme de nombreuses rencontres au Royaume-Uni et à New York.

« J’étais très heureux chez Pratt & Whitney, j’avais une superbe carrière et je travaillais avec une équipe fantastique, soutient le Québécois. Cependant, j’y étais depuis de nombreuses années et je voulais de nouveaux défis qui me sortiraient de ma zone de confort. »

Son rêve, explique-t-il, était de jumeler ses deux passions : l’ingénierie de haut niveau et les sports d’élite. Deux passions qu’il a, pendant longtemps, vécues séparément ; en tant que cycliste de haut niveau, il prenait part à de nombreuses courses les fins de semaine.

PHOTO FOURNIE PAR WILLIAMS RACING

Frédéric Brousseau

« L’occasion chez Williams m’a donné la chance de marier les deux passions. La Formule 1 est le summum du sport automobile, le défi technologique ultime, et c’est un véritable sport d’équipe.

« L’équipe m’a vraiment bien accueilli. Mes premières semaines ont consisté à m’immerger dans l’industrie et dans les défis spécifiques auxquels nous faisons face chez Williams. »

Inspirer les jeunes ingénieurs

Rares sont les Québécois qui réussissent à faire leur place en Formule 1. Dans un poste prestigieux comme celui de chef des opérations (COO), encore plus. Selon Williams, Brousseau est le premier à y arriver.

« Je suis emballé de montrer aux futures générations de Canadiens français que tout est possible », lance le principal intéressé.

« […] Si je peux inspirer les jeunes ingénieurs de talent de Montréal à venir dans cette industrie, j’en serais vraiment fier. Je serais très heureux de les soutenir de n’importe quelle façon. »

Si Brousseau est encore nouveau au sein de l’écurie bleutée, il dit apprendre « énormément », notamment en travaillant « main dans la main » avec le directeur principal, James Vowles. « Il a une richesse de connaissances sur la F1 et il est heureux de les partager avec moi tous les jours. D’un autre côté, il apprécie mon expertise en affaires et accueille favorablement mes idées qui sortent des sentiers battus. »

Naturellement, son nouveau poste a forcé le père de famille à s’expatrier de l’autre côté de l’océan Atlantique. Comme Brousseau a déjà habité en Chine pour le travail, l’adaptation la plus difficile a surtout été du côté familial, puisque sa femme et ses quatre enfants sont restés au Québec.

« Du bon côté, avec toutes les applications d’appel vidéo et de médias sociaux, il est facile de rester en contact, assure-t-il néanmoins. Je peux voir les enfants tous les jours et ma famille me soutient à 100 %. »

Faire partie de la « transformation »

Williams est abonnée au fond du classement depuis déjà plusieurs années. Encore cette saison, elle ne compte qu’un tout petit point en sept courses. Naturellement, l’équipe aspire à mieux, soit à remporter des championnats, dixit Brousseau.

« Nous préparons maintenant notre stratégie quinquennale pour ramener l’équipe à sa place à moyen terme, explique-t-il. Plus rien n’est à court terme et c’est un grand changement de mentalité.

« Cela demandera beaucoup de résilience de la part de chacun, et les autres équipes ne nous le donneront pas sur un plateau d’argent, mais c’est ça, le sport. Nous avons beaucoup à faire pour y arriver et cela prendra quelques années, mais quel défi ! »

Selon le Québécois, Williams a longtemps eu une vision à court terme en raison de son sous-financement. « Chaque décision et chaque ressource » étaient alors basées sur la prochaine course. Mais une nouvelle ère de « transformation » est maintenant amorcée, et l’équipe s’affaire en ce sens à embaucher du personnel de qualité.

« La vision est maintenant de créer une organisation qui se concentre sur le gain à long terme plutôt que sur la performance du week-end prochain. »

Pour l’instant, Brousseau, peut tout de même prendre le temps de penser au week-end prochain. Car pour la première fois, il représentera Williams au circuit Gilles-Villeneuve.

« De pouvoir faire ça dans ma ville natale, avec mes amis et ma famille, c’est assez excitant, soutient-il. […] Espérons que l’équipe sentira que la province de Québec, plus précisément Montréal, est derrière nous lorsque nous serons sur la grille de départ. »