Il est assez ironique de constater que les champions de la Série mondiale ont accompli ce qu'ils n'avaient pas été en mesure de réussir à l'époque où ils comptaient sur le recordman des circuits dans leurs rangs.

Or, c'est le fruit d'un profond de changement de philosophie qui a mené les Giants à deux titres au cours des trois dernières années.

À l'époque où Barry Bonds régnait sur San Francisco et sur tout le baseball majeur, la stratégie des Giants était élaborée en fonction de lui. Ils allaient gagner en marquant des tonnes de points. Si l'adversaire évitait Bonds, d'autres dangereux frappeurs allaient produire.

Au tournant des années 2000, les Giants ont atteint les séries trois fois en quatre ans, atteignant même la Série mondiale en 2002. Mais après s'être incliné devant les Angels d'Anaheim, la menace que constituait Bonds n'a plus permis aux Giants de se rendre aussi près du but.

C'est finalement à l'arrivée du gérant Bruce Bochy, en 2007, qu'un important virage s'est opéré dans l'organisation. La même année, soit dit en passant, où le rapport Mitchell sur les stéroïdes a été préparé.

«Les Giants étaient jusque-là une équipe basée sur la puissance, a expliqué Bochy. Compte tenu des stades plus grands que l'on retrouve dans notre division, le DG Brian Sabean et moi jugions qu'il était préférable de mettre l'accent sur les lanceurs et la défensive, et d'avoir des joueurs dans l'ensemble plus athlétiques.»

Graduellement, les Giants ont cessé d'embaucher des vétérans aux quatre coins des majeures comme ils le faisaient à l'époque où ils voulaient entourer Bonds.

L'équipe qui a célébré dimanche son triomphe sur les Tigers de Detroit a plutôt repêché la majorité de ses meilleurs joueurs. Elle a développé un noyau dont font partie Buster Posey, Pablo Sandoval, Matt Cain, Madison Baumgarner, Tim Lincecum et Sergio Romo.

Tous des joueurs qui ont moins de 30 ans.

«C'est une équipe qui va batailler pour le premier rang de sa division pendant de nombreuses années», croit l'ancien gérant des Expos et des Giants Felipe Alou, qui agit comme conseiller spécial à Brian Sabean.

Vers une dynastie?

Le receveur Buster Posey, le seul joueur des Giants à avoir été sur le terrain pour le dernier retrait lors des conquêtes de 2010 et de 2012, croit que son équipe a ce qu'il faut pour remporter quelques autres Séries mondiales, entre autres en raison de la jeunesse de son noyau.

«Nous allons commencer par savourer cette victoire-ci, mais c'est assurément une possibilité», a confié la vedette de 24 ans, dimanche soir, alors qu'il s'était blotti à l'abri de festivités bien arrosées.

«Nous serons toutefois sur l'écran-radar de tout le monde à compter de maintenant, ce qui va poser un certain nombre d'obstacles. Mais c'est un défi auquel on sera heureux de faire face.»

Remporter deux Séries mondiales en trois ans est devenu un exploit dans le baseball actuel. Les folles dépenses ne suffisent pas à acheter des championnats et, malgré le fait que les dépenses ne sont pas plafonnées, il y a davantage de parité qu'autrefois dans les majeures. À plus forte raison dans la division Ouest de la Ligue nationale dans laquelle jouent les Giants.

Mais de là à parler d'une dynastie potentielle, il y a un pas que l'entraîneur des lanceurs des Giants invite à ne pas franchir.

«De 2000 à 2002, je pensais justement que nous allions en devenir une, se souvient Dave Righetti. Mais l'équipe s'est démantelée assez vite. Souvent, il ne suffit que d'une ou deux blessures pour que tout s'envole. Puis un joueur s'en va et les nouveaux ne s'intègrent pas aussi bien...

«Dans ce sport, il faut profiter des opportunités quand elles passent.»