Certains y consacrent des mois, d'autres des années. Rhian Wilkinson aura eu très exactement sept jours pour se préparer au marathon de Montréal présenté dimanche.

Membre de l'équipe canadienne de soccer, elle a pris sa décision sur un coup de tête dimanche dernier... et l'a regretté presque aussitôt.

Elle a beau être une athlète d'élite, la récente médaillée de bronze à Rio ne fanfaronnera pas en se rendant à la ligne de départ sur le pont Jacques-Cartier.

Wilkinson, 34 ans, n'a qu'une seule expérience sur la distance. « J'ai fait un marathon à 21 ans à Knoxville, au Tennessee, raconte-t-elle. Je venais juste de terminer l'université et je ne savais pas ce que je faisais. J'accompagnais des amis. J'ai marché beaucoup et je n'ai pas pris ça très au sérieux. »

Elle ne se souvient pas de son temps et ne lui demandez pas celui qu'elle vise dimanche. Elle veut franchir la distance, sans se blesser.

«On court souvent de 10 à 12 km [dans un match de soccer], souligne-t-elle. Alors oui, ça va être difficile. Je m'entraînais à la course, mais la plus longue était de 16 km! Je ne suis pas préparée à ça. Les joueuses de soccer ne sont pas des athlètes de marathon. Mon corps n'est pas fait pour ça. Je sais que ça fera très mal. Mais je vais le finir, je vous le dis. Je ne sais pas dans quel temps, mais je vais le finir.»

De passage chez sa mère à Baie-d'Urfé, où elle vient de donner son nom à un parc, Wilkinson n'a pu résister à l'invitation du Comité olympique canadien (COC). Sollicité par le marathon, qui souligne le 40e anniversaire des Jeux olympiques de Montréal, le COC cherchait des athlètes prêts à relever le défi. Les judokas Catherine Beauchemin-Pinard et Antoine Bouchard, qui ont combattu à Rio, prendront part au demi-marathon.

L'idée de courir chez elle, entourée de milliers de gens vivant une véritable aventure, a séduit Wilkinson.

«Pour beaucoup de gens, c'est un rêve de courir quelque chose comme ça. C'est très émotionnel. Je suis souvent allée à la ligne d'arrivée et j'ai vu beaucoup de gens en pleurs. C'est vraiment spécial.»

Wilkinson souhaite aussi donner l'exemple. «Et pas seulement comme athlète. Je demande toujours aux autres de repousser les barrières, d'essayer quelque chose de nouveau ou de différent. Pour les femmes de mon âge qui ont des enfants, c'est très difficile de prendre soin de soi-même. Si je donne des conseils comme ça, je dois le vivre moi-même.»

Au début du mois de novembre, avec trois coéquipières, dont la capitaine Christine Sinclair, Wilkinson lancera une entreprise, iS4, dont le mandat sera de promouvoir un mode de vie actif chez les femmes, en particulier les adolescentes.

«Ma soeur et beaucoup de mes amies ne jouaient pas pour la compétition, note-t-elle. Elles jouaient pour la communauté autour du sport. De nos jours, c'est quelque chose qui manque. Tout le monde veut être sur l'équipe AAA, avoir l'uniforme AAA. Pour certains enfants, ça va être ça, mais vraiment, le sport, c'est pour une vie en santé. C'est là-dessus qu'on mettra nos efforts dans les prochains mois.»

Titularisée 180 fois avec l'équipe canadienne depuis ses débuts en 2003, élue joueuse de l'année en 2008, Wilkinson se sent prête pour la retraite. Mais l'arrière latéral ne veut pas décider sur le coup de l'émotion et se donne quelques mois pour mûrir sa décision. En attendant, elle continue de s'entraîner pour le plaisir, ce qui veut parfois dire se faire mal, comme ce dimanche au marathon de Montréal.

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Photo François Roy, archives La Presse

Rhian Wilkinson sera au départ du marathon de Montréal.

Ciblée par les Fancy Bears

Déception et incrédulité: voilà comment Rhian Wilkinson a réagi au début de la semaine à la publication de son nom parmi une liste de 26 athlètes ayant bénéficié d'une autorisation d'usage à des fins thérapeutiques (AUT) d'un produit interdit par l'Agence mondiale antidopage.

En 2007 et 2008, Wilkinson et trois coéquipières de l'équipe canadienne de soccer ont reçu cette exemption pour utiliser du salbutamol, nom générique d'un médicament pour traiter l'asthme, mieux connu sous son appellation commerciale Ventolin.

«J'ai eu des problèmes assez sérieux d'asthme durant mon enfance et on s'en allait en Chine pour les Jeux olympiques. Mon asthme empire quand je suis en Chine», explique Wilkinson, qui dit finalement ne pas avoir eu à faire usage de sa pompe de Ventolin durant les JO.

«Mais tu as besoin d'une AUT pour passer par les bons canaux et ne rien commettre d'illégal. Tu dois te soumettre à des examens rigoureux pour assurer que tu en as besoin et ensuite tu reçois une AUT.» Depuis 2010, le salbutamol, jusqu'à une certaine concentration, ne figure plus dans la liste des produits interdits.

En ayant à répondre à des questions sur le sujet, Wilkinson se considère comme une victime collatérale des Fancy Bears, groupe de pirates informatiques russes à l'origine de la fuite. «Ces pirates obtiennent ce qu'ils veulent. À l'évidence, ils essaient de riposter pour les choses qui se passent en Russie [NDLR: les scandales de dopage]. Tout le monde présente ça comme une chose horrible. Si tu as une AUT, c'est que tu faisles choses de la bonne façon et que tu essaies d'être transparent. Ils gagnent en attirant l'attention du public. Au bout du compte, les gens peuvent se faire leur propre opinion sur une pompe pour asthmatiques utilisée par des asthmatiques.»