Standard olympique ? Coché. Chrono sous les 11 secondes ? Coché. Record canadien ? Coché.

Audrey Leduc ne niaise pas avec le puck. La nouvelle femme la plus rapide au Canada a réalisé trois objectifs en l’espace d’un 100 mètres, samedi, en Louisiane.

Trois semaines après avoir réussi un record provincial à sa première sortie extérieure de la saison, la sprinteuse de Gatineau a surmonté quelques impairs techniques pour enregistrer un temps fumant de 10,96 s au 100 mètres du LSU Alumni Gold, rencontre présentée à Baton Rouge.

Leduc s’est ressaisie après un démarrage plutôt lent, selon ses standards, pour remonter toutes les concurrentes sauf l’Américaine Aleia Hobbs, vainqueure en 10,88 s.

Compte tenu des références de la gagnante, finaliste aux Mondiaux de 2022, la Québécoise se doutait qu’elle tenait une bonne course. Elle en a eu la confirmation en voyant le « 10 » apparaître à côté de son nom au tableau indicateur. Le seuil de qualification automatique pour Paris était donc dans la poche (11,07), en même temps qu’elle passait sous la barre psychologique des 11 secondes.

« Est-ce le record canadien ? », lui a demandé son entraîneur Fabrice Akué peu après.

Ce n’est qu’à ce moment précis qu’Audrey Leduc a compris qu’elle avait atteint son troisième but, celui de faire tomber le record national. « On n’a pas allumé, sur le coup ! », a réagi la coureuse de 25 ans, jointe lundi après-midi en Louisiane, où elle poursuit un stage de relais avec l’équipe canadienne.

Audrey Leduc a donc battu de deux centièmes la marque qui appartenait à la médaillée olympique Angela Bailey, auteure d’un temps de 10,98 s à Budapest en 1987.

En « état de choc » après son premier record provincial de 11,08 s, établi lors d’une victoire sans appel en Floride, Leduc était moins surprise de son chrono enregistré sur la piste « assez rapide » du stade d’athlétisme Bernie Moore.

« Même si ma course n’était pas parfaite au niveau technique – il y a quand même des éléments à améliorer –, je savais où j’étais positionnée quand j’ai terminé. C’était un bon présage pour le temps. Il y avait de bonnes chances que ce soit dans les 10 secondes. »

Elle a su garder son calme en dépit d’un départ « pas super ». « J’ai vu les autres et j’ai fait : c’est correct. Je savais qu’elles n’étaient pas si loin. Je vais être capable de les rattraper. »

Un corridor la séparait de Hobbs, si bien qu’elle n’a pas aperçu la deuxième performeuse de tous les temps sur 60 m à sa droite. Elle a donc continué à accélérer sans tenir compte de son retard. Sa technique s’est un peu gâtée par la suite.

« À la fin, on dirait que je perdais le contrôle de mon corps. J’avais de la misère à faire tous les mouvements tellement c’était rapide. »

Une progression impressionnante

  • 2019 : 11,48
  • 2021 : 11,43
  • 2023 : 11,23
  • 2024 : 10,96

Leduc estime s’être légèrement désunie en tentant trop fort de revenir sur la meneuse. « Si j’avais été capable de maintenir [ma technique], j’aurais pu la rattraper un peu plus. J’étais en train de me battre contre moi-même pour ne pas basculer mon bassin [vers l’avant]. Ça se passe vite aussi… 10,96 secondes. À cette vitesse, ça va être plus difficile de conserver ma position. C’est quand même positif de se dire que la course était loin d’être parfaite. Au bout du compte, c’était super bien, mais l’exécution peut être meilleure. »

« Les médias voulaient tous m’avoir ! »

Deux jours après cet exploit, la nouvelle reine du sprint canadien rattrapait le temps perdu en répondant aux nombreux messages reçus sur ses réseaux sociaux. Sa marque provinciale lui a valu une petite notoriété médiatique au Québec. Son coup de tonnerre réussi en Louisiane, qui l’installe au cinquième rang mondial en ce début de saison, l’a fait passer dans une autre dimension.

« Je reste la même personne, ça ne me change pas en tant qu’humain, a-t-elle insisté. Je me sens pareille à ce que j’étais il y a deux jours. C’est juste que mon niveau a augmenté. »

Si Athlétisme Canada lui a attribué une relationniste pour gérer les demandes évidemment plus nombreuses, la principale intéressée avait déjà établi ses priorités.

Les médias voulaient tous m’avoir ce matin, mais moi, je suis à l’entraînement ! C’est super le fun d’avoir cette visibilité, mais si tu veux m’en donner, il faut que je coure vite aussi !

Audrey Leduc

Consciente des nouvelles attentes – les siennes d’abord –, Leduc a admis avoir été plus nerveuse avant le début de la compétition samedi. Elle a chassé les papillons en prenant part à un relais 4 X 100 mètres, où elle a pris le témoin au troisième rang. Sa réception du bâton n’a pas été assez fluide à son goût, mais son temps s’est avéré aussi rapide qu’en Floride, ce qui l’a mise en confiance.

Elle poursuit donc l’entraînement à Baton Rouge, où elle participera au LSU Invitational samedi. Elle prévoit s’aligner une nouvelle fois au relais et probablement au 200 mètres pour pratiquer sa fin de course. L’étudiante au MBA à l’Université Laval s’envolera ensuite pour les World Athletic Relays aux Bahamas, où le Canada tentera de se qualifier pour les Jeux de Paris.

Sur le plan individuel, Audrey Leduc est quasi assurée de prendre part à ses premiers Jeux olympiques, ce qui devrait être confirmé après les Championnats canadiens à Montréal (du 27 au 30 juin). Une semaine plus tôt, elle s’alignera à la Classique d’athlétisme, disputée elle aussi sur la piste du complexe sportif Claude-Robillard, où la fédération canadienne a instauré son centre national de sprint, dont Leduc est la principale bénéficiaire.

« On a l’une des meilleures foules pour l’athlétisme à Montréal. Tout le monde le dit et est content de venir. Ça va être le fun de pouvoir diffuser ça et d’en faire la promotion. » Difficile de trouver une meilleure ambassadrice.

Un autre record pour Fafard

PHOTO ANTOINE MINFRAY, TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE THOMAS FAFARD

Thomas Fafard en route vers la victoire dimanche à Vancouver

Audrey Leduc n’a pas été la seule à s’inscrire dans l’histoire le week-end dernier : Thomas Fafard a profité d’un voyage-éclair à Vancouver pour faire tomber le record québécois du 10 km sur route, dimanche. Il a remporté l’or de la prestigieuse Vancouver Sun Run (45 000 participants), arrêtant le chrono à 28 min 45, soit 15 secondes de mieux que la référence précédente qui appartenait depuis 2006 à Jean-Claude Nduwingoma. Le coureur de Repentigny s’installe ainsi au septième rang de tous les temps au Canada. En janvier, à Houston, il avait battu un autre record à son tout premier demi-marathon (1 h 2 min 19 s). Quelques heures après sa victoire, Fafard a pris un vol vers l’Arizona, où il poursuit un camp d’entraînement en altitude. Sur piste, l’athlète de 25 ans a été médaillé aux trois derniers championnats canadiens sur 5000 mètres. Il tentera de se qualifier sur cette distance pour les Jeux de Paris. « Pour l’instant, seulement deux Canadiens ont le standard, a indiqué son coach Félix-Antoine Lapointe. C’est une grosse commande, mais il pourrait se classer par le classement mondial. » Fafard participera à deux compétitions relevées en Europe après ce stage à Flagstaff.