De quelle façon approcheriez-vous la vie si on vous annonçait que votre temps est compté ? Maureen Vachon a choisi la résilience.

Maureen avait 48 ans, le 19 mars 2019, quand on lui a découvert un cancer du sein métastatique de stade IV, sans possibilité de guérison. Les médecins lui ont donné trois ans à vivre.

Quatre ans plus tard, elle est toujours là et elle a pris les rênes de ce qu’elle appelle sa « nouvelle vie ». Après avoir vendu pratiquement toutes ses possessions, Maureen a entrepris le 24 avril dernier une longue marche de 2500 km qui la mènera de Montréal au cap Gaspé, puis du cap Gaspé à Montréal.

En ce mardi 2 mai, jour de notre rencontre, la Montréalaise se trouve à Maricourt, petite municipalité de l’Estrie, où elle s’octroie une première journée de congé depuis son départ. Après nous avoir accueillie, elle nous mène vers son refuge temporaire, une coquette cabane en pleine forêt qu’un couple lui a prêtée le temps de deux nuits.

L’ermitage est tout petit, mais réconfortant. Dans le silence le plus total, entre ces quatre murs au cœur de la nature, Maureen nous raconte les quatre difficiles années qu’elle vient de traverser, en commençant par le moment où elle a reçu son diagnostic, l’équivalent d’une « grosse claque » au visage. De la tristesse à la colère, elle a traversé les mêmes phases que celles d’un deuil.

« Un moment donné, je me suis dit : “Bon, là Maureen, il te faut de la résilience. Tu n’as pas le choix, t’es pognée avec ça, il ne s’en ira pas. Qu’est-ce que tu décides de faire de ta vie ?” »

En janvier dernier, son médecin lui a annoncé que le cancer était de retour en force et qu’elle devrait subir des traitements plus puissants. Le premier lui a fait perdre du premier au dernier poil. Au deuxième, elle était si affectée que son quotidien ne consistait qu’à faire des mots croisés, de la peinture à l’eau et à tenter de marcher chaque jour un pâté de maisons avec une canne.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE MAUREEN VACHON

Maureen Vachon

Autrement dit, elle se sentait comme dans un CHSLD, à quelques exceptions près…

« Je me suis dit : “ce n’est pas vrai que tu vas passer ta vie comme ça”. Pour moi, c’était impossible. […] J’ai rencontré mon médecin et j’ai dit : “celui-là, c’est le dernier, je n’en veux plus”. »

Le grand projet

« Bon, qu’est-ce que je fais maintenant ? », s’est interrogée Maureen une fois de retour chez elle.

C’est ainsi qu’elle a commencé à marcher. Chaque jour. D’abord deux kilomètres. Puis cinq. Puis dix.

Un bon jour, sa sœur lui a parlé du Chemin du Québec aux valeurs Compostelle, qui commence à Montréal et se termine au phare du cap Gaspé. Il n’en fallait pas plus à Maureen.

« Le projet était parti. Je me suis équipée, je voulais marcher de plus en plus. J’ai acheté mon sac à dos, mes bâtons. J’ai rempli mon sac à dos pour me pratiquer avec le même poids que celui que j’ai aujourd’hui. »

Mais qu’est-ce qui vous pousse à faire ça ? lui demande-t-on.

Le bonheur ! Le bonheur ! Quand je marche, je ne pense plus à rien. […] Je pense à moi. Juste à moi. À être heureuse.

Maureen Vachon

Maureen sera la première à réaliser le Chemin du Québec aller-retour ; ça lui prendra quatre mois. Le budget conseillé étant d’environ 20 $ par jour et comme elle ne travaille plus, la marcheuse a décidé de quitter son appartement et de vendre toutes ses possessions. Elle ignore cependant si elle aura suffisamment d’argent pour tout payer.

« Je vais voir où la vie va me mener. Ça ne m’inquiète pas », assure-t-elle dans un sourire.

Maureen, comme avant

Au moment de notre rencontre, Maureen Vachon a parcouru environ 200 km en neuf jours. Elle rayonne, à l’extérieur comme à l’intérieur.

« Je ne me sens plus un numéro d’hôpital. Je ne me sens plus un dossier. En fait, je ne me sens plus un cancer. Je me sens Maureen, comme j’étais avant.

« J’ai juste une semaine de faite et je pense que je vais avoir pleuré trois ou quatre fois sur le chemin ! Pas parce que j’ai de la peine, mais de joie, parce que c’est merveilleux. Je me sens vraiment juste en admiration, en contemplation. »

Je marche et je regarde tout. Que c’est beau, la nature. J’apprécie encore bien plus ma vie. […] Je pense que si je n’avais pas eu le cancer, je n’aurais jamais vécu ça.

Maureen Vachon

Comme Maureen ne suit plus de traitements de chimiothérapie, son système immunitaire commence à se reconstruire. Elle ressent néanmoins beaucoup de douleurs quotidiennement puisque la maladie, elle, est toujours là. Maureen a mal partout, dans les muscles, explique-t-elle. Mais tant qu’à avoir mal, aussi bien que ce soit en marchant. Et puis, elle avance à son rythme. « Je veux vraiment prendre mon temps, parce que j’ai juste ça, du temps », note-t-elle en toute sérénité.

Déjà dans les neuf premiers jours, certains marcheurs se sont joints à elle le temps de quelques kilomètres. Les encouragements qu’elle reçoit, en personne et sur les réseaux sociaux, lui remplissent le cœur et la tête. « On dirait que ça me donne de la force physique », dit-elle.

La Montréalaise est convaincue qu’elle traversera les quatre prochains mois sans heurts. « Je ne sais pas pourquoi, c’est un feeling, lance-t-elle. Je le ressens en-dedans. »

« Un moment donné, j’ai dit à ma sœur : “s’il m’arrivait quelque chose sur le chemin, au moins ta sœur va mourir, mais être heureuse”. »

On ne l’a pas encore mentionné jusqu’ici, mais Maureen profite aussi de ce projet pour amasser des fonds pour la Maison de soins palliatifs St-Raphaël, à Montréal. Elle a déjà récolté plus de 1300 $ sur sa page Facebook.

« J’ai commencé à chercher les maisons de soins palliatifs parce que je savais qu’à un moment donné, je m’en irais par-là, explique-t-elle. Quand j’ai vu celle de St-Raphaël, j’ai eu un coup de cœur. Si tu voyais l’amour qu’il y a là-dedans. »

Les yeux illuminés, le sourire aux lèvres, Maureen nous cite le slogan de l’établissement : « Parce que les derniers pas sont aussi précieux que les premiers. »