Malmenée par le boom du ski de fond dans les années 60, la course en raquette fait un retour au Québec. Alors que le championnat québécois a lieu aujourd'hui à La Tuque, portrait d'un sport qui refuse de mourir.

Un lundi soir de février, vers 18h, le parc Maisonneuve est noir et froid. Une dizaine de badauds s'activent dans le chalet à peu près vide. Ce sont les membres du Club de raquette de Montréal qui enfilent tuques et mitaines.

Les raquetteurs sortent finalement du chalet et s'élancent dans la neige, guidés par David Le Porho, fondateur du club. Ce Montréalais d'adoption est aussi double champion du monde de raquette. Champion du monde de raquette, ça existe? Oui, ça existe. «On est ici pour s'entraîner et pour se préparer aux compétitions», explique ce Breton d'origine, arrivé au Québec en 2004.

Depuis des années, la popularité de la raquette ne se dément pas au Québec. Mais le sport est surtout reconnu par son côté récréatif. Les adeptes de la raquette, loin d'être considérés comme des athlètes de pointe, aiment se perdre dans les bois les fins de semaine, déambuler à leur rythme au gré des sentiers.

Mais pour les membres du Club de raquette de Montréal et des dizaines d'autres passionnés au Québec, la raquette est un sport. Ces raquetteurs sont en train de ressusciter tranquillement une vieille tradition québécoise: la course de raquette.

«Dans les années 30 et 40, les courses de raquette avaient la cote au Québec, rappelle le président de l'Association québécoise de course de raquette, Daniel Desrosiers. Mais dans les années 60, ça a complètement disparu avec le boom du ski de fond.»

Chez les athlètes «canadiens-français», la raquette était perçue comme un moyen de poursuivre l'entraînement en hiver. Le célèbre marathonien Gérard Côté, qui a remporté le marathon de Boston en 1940, 1943, 1944 et 1948, a ainsi participé à des dizaines de courses de raquette.

«Gérard Côté a été un grand raquetteur. C'est un peu ça qui l'a mis au monde parce que c'est en raquette qu'il a remporté ses premières victoires, explique Paul Foisy, auteur d'une biographie de l'athlète à paraître en avril. Il y avait traditionnellement des courses de 5 et 10 milles [8 et 16 km]. C'était très populaire dans la première moitié du XXe siècle.»

Aux Jeux olympiques?

Le sport est disparu des écrans radars pendant de longues années, puis tout s'est bousculé. L'Association québécoise de course de raquette a été fondée il y a trois ans. David Le Porho a créé le club de Montréal il y a deux ans. Des compétitions sont nées, dont le championnat québécois, qui tiendra sa quatrième présentation aujourd'hui, à La Tuque.

Le Porho a pour sa part commencé la raquette il y a quatre ans pour poursuivre son entraînement en hiver. Ce coureur sur route - qui parcourt 10 km en 32 minutes sur le bitume - est devenu un passionné de course sur sentier. «Je voulais continuer à m'entraîner en montée et dans le bois l'hiver. Comme je ne fais pas de ski de fond, j'ai décidé d'aller en raquette», raconte-t-il.

Le Porho a remporté en 2011 le championnat mondial de course en raquette au Japon. Il a récidivé un an plus tard à Québec, en parcourant la distance de 10 km en 45 min 25 s. Même s'il est fier de ces titres, Le Porho souligne que le sport est jeune et le bassin de compétiteurs, restreint. Il a récemment remporté le championnat du Vermont sans trop forcer...

«Je n'ai plus beaucoup de compétition dans le coin et je commence à connaître les coureurs, déplore-t-il. Mais les bons coureurs sur sentier commencent à s'intéresser à la raquette, et la compétition augmente au Québec.»

L'Association québécoise de course de raquette a sanctionné cinq épreuves cette année. «Si on veut intéresser les gens, il faut organiser des courses de qualité sur des parcours de qualité, croit Daniel Desrosiers. Il faut tout faire pour donner aux athlètes le goût de participer à des courses de raquette.»

L'Association a même des contacts avec le comité olympique canadien et aimerait que la raquette fasse son apparition aux Jeux d'hiver. Ce n'est pas la première fois: la défunte Union canadienne-française des raquetteurs avait le même souhait au siècle dernier. La raquette n'a finalement jamais fait son entrée aux Jeux.

La babiche a disparu et les ceintures fléchées aussi. Mais le vieux rêve des raquetteurs demeure.