Les systèmes de santé craquent sous le poids des maladies chroniques (diabète, maladie cardiovasculaire, AVC…). Pourtant, 80 % des maladies chroniques les plus courantes pourraient être prévenues simplement en changeant nos modes de vie. Comment ? La pédiatre et chercheuse Julie St-Pierre et son acolyte Jean-Marie Lapointe ont voulu savoir.

Le duo lance cette semaine le documentaire Pourquoi attendre ? La santé à portée de main, résultat d’une quête qui les a menés dans cinq pays, face à d’éminents chercheurs et à des personnalités qui ont à cœur la santé globale et durable. Francesco Branca, de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ; le neuropsychiatre Boris Cyrulnik ; le triathlonien Pierre Lavoie ; l’astronaute David Saint-Jacques ; le moine bouddhiste Matthieu Ricard : le spectre est large.

Lancé le 28 mai au collège Jean-Eudes, à Montréal, le documentaire sera accessible gratuitement au public du 31 mai au 2 juin sur le site internet du Réseau d’action en santé cardiovasculaire. Il sera ensuite associé à la Chaire d’éducation interdisciplinaire pour un mode de vie sain, lancée également cette semaine. Le plan, c’est aussi de le présenter lors de festivals de films documentaires.

« Il y a des films documentaires coup de poing aux États-Unis comme Super Size Me. Nous, on n’est pas là-dedans. Notre film n’est pas racoleur : c’est un film “petit train va loin” », illustre le comédien et auteur Jean-Marie Lapointe. « On veut que ce soit un documentaire lumineux, plein de solutions », ajoute la Dre St-Pierre, pour qui la diffusion à la télévision n’est pas une priorité.

Le film est constitué d’une série d’entretiens avec des experts d’ici et d’ailleurs, de qui les deux intervieweurs ont voulu « extirper l’élixir », les pièces du casse-tête. Adopter un mode de vie sain, est-ce une responsabilité individuelle ou collective ? « Les deux », répond Julie St-Pierre. Elle est individuelle, dit-elle, à condition que la personne soit informée et que les options lui soient accessibles.

Leur quête les mène d’abord au professeur Robert Lustig, ennemi de la malbouffe aux États-Unis. Il leur explique comment les aliments ultratransformés – riches en sucre et pauvres en fibres – causent de l’inflammation et nuisent à la santé intestinale et à la santé métabolique, qu’on sait aujourd’hui « indissociables ». Le duo a aussi pu rencontrer le Dr Francesco Branca, directeur du département de la nutrition et de la sécurité alimentaire de l’OMS, pour parler des stratégies qui fonctionnent : s’attaquer au marketing numérique de l’industrie agroalimentaire ; taxer les boissons sucrées (moins chères que l’eau dans certaines régions !), subventionner l’achat d’aliments sains.

Julie St-Pierre et Jean-Marie Lapointe se sont rendus au Danemark pour visiter l’hôpital de Herlev, qui sert des repas santé aux patients, tout en faisant des économies. Petite visite aussi de Copenhague, la capitale, aménagée pour favoriser l’activité physique, avec ses pistes cyclables, ses accès à l’eau, ses bancs publics… La Dre St-Pierre se permet un parallèle avec la levée de boucliers des automobilistes qui se sentent menacés par les nouvelles pistes cyclables, à Montréal.

Quand on voit ce qui se passe dans d’autres régions du monde, on comprend les effets bénéfiques de ces mesures sur la santé de la population.

La Dr Julie St-Pierre

Selon le gouvernement du Danemark, pour chaque kilomètre parcouru à vélo, la société gagne 0,8 euro en bénéfices socioéconomiques.

Julie St-Pierre et Jean-Marie Lapointe ont aussi parlé de l’enfance avec le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, et d’altruisme avec le moine bouddhiste Matthieu Ricard, généticien de formation, études à l’appui (une idée de Jean-Marie Lapointe, que la Dre St-Pierre a accueillie comme un « cadeau »).

  • « Mangez de vrais aliments. Les vrais aliments proviennent du sol, ou d’animaux nourris d’aliments provenant du sol. » — Robert H. Lustig, professeur émérite de pédiatrie à l’Université de Californie à San Francisco

    IMAGE TIRÉE DU DOCUMENTAIRE POURQUOI ATTENDRE ?

    « Mangez de vrais aliments. Les vrais aliments proviennent du sol, ou d’animaux nourris d’aliments provenant du sol. » — Robert H. Lustig, professeur émérite de pédiatrie à l’Université de Californie à San Francisco

  • « On ne choisit pas d’avoir un cancer. Par contre, on va soigner avec empathie la personne qui a un cancer. Et nous ? On n’a pas le droit ? » — Anne-Sophie Joly, présidente du Collectif national des associations d’obèses

    IMAGE TIRÉE DU DOCUMENTAIRE POURQUOI ATTENDRE ?

    « On ne choisit pas d’avoir un cancer. Par contre, on va soigner avec empathie la personne qui a un cancer. Et nous ? On n’a pas le droit ? » — Anne-Sophie Joly, présidente du Collectif national des associations d’obèses

  • « Ce qui m’intéresse, c’est le sport de petit niveau. La mauvaise équipe de soccer, de football. Le mauvais orchestre de jazz, avec les garçons et les filles du quartier qui vont faire la fête sur le village. » — Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik

    IMAGE TIRÉE DU DOCUMENTAIRE POURQUOI ATTENDRE ?

    « Ce qui m’intéresse, c’est le sport de petit niveau. La mauvaise équipe de soccer, de football. Le mauvais orchestre de jazz, avec les garçons et les filles du quartier qui vont faire la fête sur le village. » — Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik

  • « Nous avons des environnements où les aliments riches en gras, en sucre et en sel, donc hautement transformés, sont proposés aux gens, en particulier aux enfants, qui ne sont pas en mesure de se défendre. » — Francesco Branca, de l’OMS

    IMAGE TIRÉE DU DOCUMENTAIRE POURQUOI ATTENDRE ?

    « Nous avons des environnements où les aliments riches en gras, en sucre et en sel, donc hautement transformés, sont proposés aux gens, en particulier aux enfants, qui ne sont pas en mesure de se défendre. » — Francesco Branca, de l’OMS

  • « On sait que les gens qui pratiquent la bienveillance, le bénévolat, qui se dédient aux autres, qui ont des relations humaines extrêmement riches, ont généralement une espérance de vie plus grande. » — Matthieu Ricard, généticien devenu moine bouddhiste

    IMAGE TIRÉE DU DOCUMENTAIRE POURQUOI ATTENDRE ?

    « On sait que les gens qui pratiquent la bienveillance, le bénévolat, qui se dédient aux autres, qui ont des relations humaines extrêmement riches, ont généralement une espérance de vie plus grande. » — Matthieu Ricard, généticien devenu moine bouddhiste

  • « Moi, je rêve de changer de modèle pour l’activité physique. Que chaque jeune puisse évoluer dans un environnement favorable, non toxique. » — Le triathlonien Pierre Lavoie

    IMAGE TIRÉE DU DOCUMENTAIRE POURQUOI ATTENDRE ?

    « Moi, je rêve de changer de modèle pour l’activité physique. Que chaque jeune puisse évoluer dans un environnement favorable, non toxique. » — Le triathlonien Pierre Lavoie

  • « Quand on dit l’importance des sept générations, c’est pour honorer les sept générations qui nous précèdent, et de penser aux sept générations qui vont nous suivre. » — Thérèse Niquay, de la nation atikamekw de Manawan

    IMAGE TIRÉE DU DOCUMENTAIRE POURQUOI ATTENDRE ?

    « Quand on dit l’importance des sept générations, c’est pour honorer les sept générations qui nous précèdent, et de penser aux sept générations qui vont nous suivre. » — Thérèse Niquay, de la nation atikamekw de Manawan

  • « De marcher, de se déplacer à vélo, ça nous fait vivre notre ville d’une manière qui est différente, qui est nourrissante. » — La Dre Véronique Morin, médecin de famille spécialisée en prévention

    IMAGE TIRÉE DU DOCUMENTAIRE POURQUOI ATTENDRE ?

    « De marcher, de se déplacer à vélo, ça nous fait vivre notre ville d’une manière qui est différente, qui est nourrissante. » — La Dre Véronique Morin, médecin de famille spécialisée en prévention

1/8
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

La quête avait une dimension personnelle, tant pour la Dre St-Pierre, dont les deux parents ont fait des crises cardiaques lorsqu’elle était adolescente, que pour Jean-Marie Lapointe, qui a déjà été obèse et qui a souffert d’un trouble alimentaire.

Changer la façon de se nourrir, c’est aussi risquer de tomber dans le panneau des régimes, de l’obsession, du contrôle. Comment trouver l’équilibre ? Selon la Dre St-Pierre, la clé, c’est d’intervenir tôt, autant pour prévenir les troubles alimentaires que pour apprendre les bonnes habitudes de vie. L’équipe a d’ailleurs visité l’école de l’Étincelle, un nouveau lab-école à Saguenay, où les enfants font des ateliers de cuisine et se dépensent dans le gymnase acoustique ou la superbe cour d’école.

La prévention de 80 % des maladies chroniques, n’est-ce pas un objectif utopique ? « C’est vrai que c’est utopique, convient Julie St-Pierre, mais si on n’y croit pas, si on n’essaie pas, on va juste continuer de s’éteindre. »

Consultez le site du Réseau d’action en santé cardiovasculaire