Non, nous ne sommes pas impuissants face au développement de la démence à mesure que nous vieillissons. Contrairement à une croyance répandue, la génétique et l’âge avancé ne sont pas les uniques facteurs déterminant l’apparition de la maladie, et certaines habitudes de vie peuvent contribuer à son enrayement ou à son atténuation. L’Agence de la santé publique du Canada vient de lancer une campagne mettant celles-ci de l’avant.

Selon des données de 2018, on dénombrait près d’un demi-million de personnes âgées de plus de 65 ans souffrant d’une forme de démence. Et encore, il ne s’agit que de la pointe de l’iceberg, souligne le docteur en sciences neurologiques et vulgarisateur scientifique Martin Carli, porte-parole de l’initiative du gouvernement, puisque de nombreux cas passent fort probablement sous le radar des diagnostics officiels.

Les formes et symptômes de la pathologie apparaissent comme une hydre, avec un éventail de conséquences (déclin des facultés mémorielles, du jugement, de la coordination, etc.) et de facteurs de risques. Or, parmi ces derniers, le commun des mortels tend à surévaluer le rôle du bagage génétique. « On a tendance à croire que la génétique a plus d’impact qu’elle n’en a réellement, alors qu’elle est liée à une minorité de cas. Mais il existe des facteurs de risque sur lesquels on peut agir », explique M. Carli. On en dénombre une douzaine, allant de l’inactivité physique à la perte auditive, en passant par la consommation excessive d’alcool ou l’isolement social.

L’Agence de la santé publique fédérale souhaite ainsi inciter tout un chacun, quels que soient son âge et sa condition, à adopter des réflexes et des habitudes de vie capables de minimiser les risques de contracter une forme de démence.

Parmi les nombreuses stratégies possibles, il existe des valeurs sûres, permettant par ailleurs de réaliser d’une pierre plusieurs coups, puisqu’elles joueront aussi un rôle dans la prévention d’autres maladies. « On parle évidemment tout d’abord de l’activité physique et de combattre la sédentarité. Généralement, ce qui est bon pour le corps l’est aussi pour le cerveau, même si c’est plus difficile à mesurer. On ne peut pas non plus passer outre l’alimentation saine et équilibrée, avec une plus grosse proportion de fruits et de légumes », pose le scientifique.

Aussi, sabrer dans le tabagisme et l’alcool est loin d’être une idée folle ; surtout quand on sait que le tabac engendre une augmentation de 60 % des risques de démence. « On peut agir sur des problèmes chroniques de santé, comme l’hypertension, le diabète, l’obésité, mais également d’autres facteurs plus insoupçonnés, comme le sommeil et la socialisation. »

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Martin Carli, vulgarisateur scientifique, animateur et docteur en sciences neurologiques, est le porte-parole de la campagne de prévention de la démence.

Il ne s’agit pas de mettre en œuvre toutes ces initiatives d’un seul coup – au risque de plomber le lot, qui finirait au cimetière des résolutions, aux côtés de celles encore chaudes du Nouvel An –, mais d’en prioriser une ou deux, en se laissant guider par le plaisir plutôt que par la contrainte. Martin Carli prêche lui-même par l’exemple, puisqu’il s’est engagé dans le cadre de la campagne à épouser ses draps une heure de plus quotidiennement (serment plutôt douillet), ainsi qu’à apprendre l’italien, en hommage à ses origines toscanes (tiendra-t-il parole ?).

« L’objectif est de stimuler le cerveau, car son remodelage, appelé “plasticité”, va s’effectuer au fur et à mesure de ces stimulations. Et ça, ça fonctionne à tout âge, on n’est jamais trop vieux pour apprendre quelque chose de nouveau », insiste-t-il, soulignant aussi que même si de premiers symptômes de démence apparaissent, il n’est pas trop tard pour adopter des habitudes bénéfiques.

Les gestes anti-démence

  • Faire de l’activité physique
  • Avoir une alimentation saine et équilibrée
  • Traiter ses problèmes de santé (diabète, dépression…)
  • Éviter le tabac et limiter l’alcool
  • Protéger son ouïe
  • Socialiser
  • Protéger sa tête quand nécessaire (vélo et autres sports)
  • Stimuler le cerveau avec de nouvelles activités
  • Soigner son sommeil
  • Limiter son exposition à la pollution atmosphérique

Ça se passe dans le coco, mais pas seulement

Que se passe-t-il dans le cerveau quand la démence entame son emprise ? En fait, il existe de nombreux scénarios. « Il existe différents types de démence, chacun ayant sa propre cause, explique Martin Carli. On soupçonne par exemple la présence de protéines anormales dans le cerveau, la diminution de l’apport sanguin à l’organe, ou encore un dysfonctionnement de cellules nerveuses ou de neurones. Il y a donc toutes sortes de causes, mais on peut justement jouer sur différents facteurs pour limiter les risques. »