Dans un nouvel ouvrage où sont ficelées ses recherches sur le sujet, le philosophe Fabrice Midal décortique les caractéristiques de l’hypersensibilité, un trait de personnalité insaisissable à souhait. Il invite surtout les personnes se reconnaissant dans ces portraits à s’assumer comme telles ; lui-même s’avouant de cette espèce, une révélation qui l’a affranchi de moult tourments. Parmi les innombrables facettes abordées dans le livre, en voici cinq qui ont retenu notre attention.

Un concept difficile à circonscrire

Qu’est-ce qu’un hypersensible ? Vaste question. Il y aurait autant d’hypersensibilités que d’hypersensibles, avance Fabrice Midal, qui s’efforce de tracer quelques traits caractéristiques, comme une captation plus aiguë, marquée et marquante de son environnement, provoquant de l’inconfort face à des stimuli rapidement excessifs : l’hypersensible se trouve rapidement submergé par des trop-pleins d’émotions, de pensées, de bruit, d’empathie, d’interactions sociales, ce qui peut provoquer des surréactions, mais surtout une lecture différente et très enrichissante du monde, plaçant les hypersensibles en décalage par rapport aux normes sociales.

Pour lui, l’hypersensibilité a traversé l’histoire en étant affublée de divers masques et pseudonymes : « écorché », « nerveux », « mélancolique »… Et si la science n’a pas encore clairement mis en évidence le concept, les travaux du chercheur en psychochimie Francis Taulelle ou du neuropsychologue Antonio Damasio peuvent nous apporter des pistes, notamment grâce à l’imagerie médicale. Le premier suppose par exemple le développement plus important de « récepteurs d’émotion » chez certains individus, tandis que le second a révélé la présence de « marqueurs somatiques » dans le cerveau, avec des traces émotionnelles du vécu réactivées lors de nos activités courantes.

Ignorer ou nier, une mauvaise idée

S’il est un point central du livre, c’est bien celui-ci : refouler ou nier sa propre hypersensibilité revient à s’empoisonner – pour ne pas dire s’emprisonner – la vie. Le philosophe insiste sur le tournant qu’a constitué la prise de conscience de ce trait de caractère chez lui, et sur la façon dont il a détourné en force et en allégresse ce qui est généralement présenté comme une faiblesse.

Il invite donc les lecteurs concernés à se reconnaître et à s’assumer, et à fracasser tout éventuel « faux self », une carapace sociale taillée sur mesure pour épouser les normes sociales. Cette acceptation, cependant, n’a rien d’un coup de baguette magique ; elle doit s’opérer tout au long d’une vie et pousse à trouver les manières de s’intégrer dans toutes ses facettes et défis.

Héros hypersensibles

Qu’ont en commun Spider-Man, Marcel Proust et le dieu nordique Odin ? Tous arborent des visages de l’hypersensibilité. La liste établie par Midal pourrait s’allonger sur des kilomètres, y faisant aussi figurer Aristote ou encore Jésus Christ.

Des chapitres entiers sont par ailleurs consacrés aux rapports entre héroïsme et hypersensibilité, en développant l’exemple étonnant de Lucky Luke. Il y voit un cow-boy solitaire, mais toujours prompt à donner un coup de main (ou de flingue) à autrui, cédant parfois à des réactions émotives volcaniques quand il est piqué au vif, malgré ses faux airs de calme et de flegme.

Spider-Man fait aussi partie de la toile dépeinte par l’auteur : il constituerait une métaphore vibrante de l’hypersensibilité et des « superpouvoirs » qu’elle peut accorder, comme des sens très aiguisés, symbolisant les « antennes surdéveloppées » dont seraient équipés les hypersensibles.

Luxe, calme et volupté

Grands banquets, son de télévision constant, voisins peu discrets, rumeurs de circulation routière… de nombreuses sources sonores deviennent rapidement une nuisance pour les hypersensibles, alors que le commun des mortels parvient à s’en soucier comme de l’an 40, ne se posant même pas la question de leur existence. Voilà une caractéristique que l’on retrouve fréquemment chez l’Homo hypersensibilis, avide de silence, alors que ce dernier est presque perçu comme malsain dans nos sociétés : on le rattache à l’ennui, à la mort, au froid, à la solitude.

Autre aspect : même s’ils restent importants pour une grande partie de la population, et corroborés par des études scientifiques et le mouvement de la biophilie, les bienfaits de la reconnexion avec la nature ne sont pas simplement une aspiration pour l’hypersensible ; c’est pour ainsi dire un besoin vital.

Des chiffres et des êtres

Environ de 15 % à 20 % des individus correspondraient à ce profil. Suis-je hypersensible ? met cependant en garde contre les statistiques et les tests en tous genres qui ont tendance à créer des catégories rigides, comme les tests de QI ou l’établissement de « moyennes ». En fait, l’ouvrage remet en question le concept de normalité et s’attarde sur les raisons pour lesquelles les hypersensibles sont souvent relégués au rang de « mésadaptés sociaux ». « La norme est devenue une folie… l’hypersensible en est particulièrement victime. Il se sent anormal alors qu’il est tout simplement un autre normal – nous sommes tous, à notre manière, des “autres normaux”. » Il est, en réalité, prisonnier d’un mensonge social. » Que faire pour affronter la tyrannie de monsieur Moyen ? Les réponses sont dans le bouquin.

Une visioconférence gratuite sur le thème de l’hypersensibilité animée par Fabrice Midal et l’autrice Nicole Bordeleau se tiendra le 11 février sur Facebook.

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Suis-je hypersensible ?

Suis-je hypersensible ?

Edito

292 pages