Le bonheur est rarement facile ou permanent. Qu’à cela ne tienne, cet état de grâce est à la portée de tous, malgré les épreuves de la vie, voire grâce à elles. La Presse rencontre chaque semaine quelqu’un qui semble l’avoir apprivoisé.

Entre un cours de postures au séquençage plus complexe qu’une partie de Twister, une séance de yoga-bière et un atelier de « sorcellerie moderne », l’approche très patiente et traditionnelle de Barrie Risman semble presque anachronique. Professeure de yoga depuis environ 25 ans, elle tient bon, convaincue d’avoir choisi une voie lente, certes, mais profonde et durable.

« On aime que les choses, les changements se produisent vite, que les résultats soient instantanés et on a du mal à avoir une pratique de yoga ou de méditation régulière, constante, durable. Or, le bonheur est fugitif. Pour le faire durer, il faut travailler. C’est une pratique, un état à cultiver. Pour moi, maintenir un bon état physique et mental demande des efforts. »

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Enseignante de yoga depuis plus de deux décennies, Barrie Risman affirme que ses pratiques quasi quotidiennes de méditation et d’auto-examen lui permettent aujourd’hui d’accéder au bonheur plus facilement.

C’est une des récentes infolettres de Barrie Risman – l’Américaine d’origine écrit et enseigne en anglais – portant sur la gratitude et le contentement qui nous a donné envie de prendre un café avec la professeure, en décembre.

Combien de fois par jour voyons-nous passer le mot-clic #gratitude dans nos réseaux sociaux, sous la photo d’une jolie guru du mieux-être ou sous une pensée du jour un peu creuse ?

« Comment vivre la gratitude ? demande Barrie dans ce texte. Comment celle-ci peut-elle m’aider à être plus heureuse, plus accomplie, plus apte à servir les autres ? » Elle aborde alors le concept yogique de santosha (contentement), une des cinq vertus (niyamas) du yoga. « Un grand professeur la décrit comme la capacité de vouloir ce qu’on a, plutôt que d’avoir ce qu’on veut. C’est un choix, un état que l’on peut cultiver. »

Enseignante de yoga depuis plus de deux décennies, la résidante de Sutton affirme que ses pratiques quasi quotidiennes de méditation et d’auto-examen lui permettent aujourd’hui d’accéder au bonheur plus facilement. Elle récolte le fruit de ses efforts.

Née et élevée à Long Island, Barrie a découvert le yoga dans un centre traditionnel à Manhattan, où on faisait systématiquement une méditation à la fin de la pratique d’asanas (postures). « À ce jour, certaines des méditations les plus profondes que j’ai faites ont eu lieu dans ce centre. »

Adepte de l’approche classique Iyengar, elle marie alignement physique et philosophie du yoga.

Aujourd’hui, l’aspect spirituel du yoga est en bonne partie évacué des cours réguliers. Les gens doivent s’inscrire à des formations à 2000 $, 3000 $, voire 10 000 $ pour approfondir leur pratique.

Barrie Risman

Aujourd’hui, Barrie forme majoritairement des professeurs déjà actifs. À Montréal, elle a possédé le centre Shri Yoga, fermé en 2018. Dès 2015, elle a créé une communauté virtuelle nommée The Skillful Yogi, dont les membres proviennent d’une dizaine de pays. Il y a quelques années, elle déménageait à Sutton, dans le but de vivre une vie plus simple avec son mari et sa fille.

Barrie a constaté deux grandes directions dans le monde du yoga actuel. « Il y a ceux et celles qui transforment la pratique en activité purement physique. Et ça n’est pas plus mal. Toute forme d’exercice contribue au bien-être ! Puis il y a les chercheurs de sens, qui appliquent le yoga à leur vie quotidienne, pour devenir plus patients avec leurs enfants, par exemple, pour apprendre à lâcher prise, pour être… plus heureux ! »

Retrouver le bonheur

D’après la philosophie du yoga, telle qu’on peut la découvrir dans des ouvrages fondamentaux comme les Yoga Sutras de Patanjali et même dans la Bhagavad Gita, le bonheur serait notre état naturel. Le monde extérieur, avec les souffrances qu’il inflige et ses nombreuses tentations, viendrait altérer cet état de bonheur fondamental.

Si d’autres interviewés de cette rubrique ont proposé la peur comme ennemi numéro un du bonheur, Barrie Risman suggère pour sa part l’envie. « Nos vies sont remplies de ces désirs assouvis ou inassouvis. Tout ce qui constitue le monde extérieur est éphémère, relève de l’impermanence. On s’accroche à ces choses, mais ça ne fait que créer de l’insatisfaction. Oui, on peut profiter du monde extérieur, matériel, vivre dedans, mais si on ne cultive pas aussi son monde intérieur, il y a manque d’équilibre. »

« La quête de sens commence souvent au moment où une personne a tout ce qu’elle pensait vouloir, dans la vie, mais n’est pas pour autant heureuse, poursuit la yogi. C’est en apprenant à se connecter à son centre, à cette partie immuable de soi, que l’on peut trouver calme, paix et bonheur. »

Mais comment accéder à ce « monde intérieur » ? Où se trouve ce « centre », cette « partie immuable de soi » ? demande-t-on à Barrie. « C’est cet endroit que l’on touche lorsqu’on ressent spontanément de la joie. Nous l’avons tous déjà ressentie. Mais des fois, c’est subtil. Il faut s’arrêter, faire des pauses, se donner la chance de ressentir les choses. Le bonheur, ce n’est pas une grande “épiphanie”. Il faut être à l’écoute pour le sentir passer. »

Dans son livre Evolving Your Yoga, publié au printemps 2019 et préfacé par Sophie Grégoire, une de ses anciennes élèves, Barrie écrit : « L’idée qu’il existe un lieu en soi qui dépasse temps et espace, plaisir et souffrance, joie et tristesse, même création et destruction, est probablement le concept le plus important du yoga. »

Voilà matière à méditation !

Le site de Barrie Risman Yoya (en anglais)

Questionnaire bonheur

Quelle est votre définition du bonheur ?
« Un sentiment durable et calme de joie et de contentement, aiguisé par la capacité de désirer ce qu’on a, plutôt que d’avoir ce qu’on désire. »

Nommez quelques-uns de vos « petits bonheurs ».
« Me réveiller avec une belle bordée de neige fraîche, le café matinal, les câlins. »

Que faites-vous lorsque vous vous sentez un peu moins heureuse ?
« Je me repose. Je trempe dans un bain chaud avec des huiles parfumées enivrantes. Je vais marcher. »