Les femmes et les personnes âgées sont mal desservies par les médicaments cardiovasculaires, selon une nouvelle étude montréalaise. Les essais cliniques comptent trop d'hommes jeunes pour être représentatifs de tous les patients.

« Quand j'ai commencé comme résident, je me suis rendu compte que les personnes âgées et les femmes étaient sous-représentées dans les études cliniques sur les médicaments », explique Quoc Dinh Nguyen, gériatre à l'Université de Montréal, qui est l'auteur principal de l'étude publiée dans la revue Circulation : Cardiovascular Quality and Outcomes. « Je me suis demandé si ça s'était amélioré au fil des années, et malheureusement, pas vraiment. »

Le Dr Nguyen a rassemblé 500 études importantes. Leurs cobayes avaient en moyenne cinq ans de moins que le patient moyen, et seulement 25 % étaient des femmes, qui constituent pourtant la moitié des patients cardiovasculaires. « Il y a cette idée que la maladie cardiovasculaire est masculine, mais dans les faits, ce n'est pas le cas, ne serait-ce que parce que les femmes vivent plus longtemps que les hommes. La situation progresse, mais lentement. L'âge moyen des participants aux études cliniques progresse de cinq ans par décennie, et la proportion de femmes, de 2,9 % par décennie. »

La santé des cobayes

Autre problème, les cobayes sont souvent plus en santé que le patient moyen. « Pour un chercheur qui fait une étude clinique, avoir un patient qui a plusieurs maladies est un problème, d'analyse et de suivi, dit le Dr Nguyen. C'est la même chose pour les femmes, elles sont vues comme des sujets d'essais cliniques qui vont poser problème. Mais je crois que c'est surtout que les patientes en cardiologie sont généralement 10 ans plus vieilles que les hommes. »

Un exemple simple : les femmes souffrent davantage d'insuffisance cardiaque diastolique que systolique. « La fonction systolique est la contraction du coeur, elle est plus facile à traiter, explique le Dr Nguyen. Les femmes ont plus de problèmes avec la fonction diastolique, quand le coeur doit se relaxer. » Sur une lecture de pression, la systolique est le chiffre le plus élevé et la diastolique, le moins élevé.

Nouvelles cibles

Ce problème est d'autant plus important que les cibles de pression viennent de baisser, grâce à des études cliniques importantes, de 140/90 à 120/80. « Les patients des études cliniques avaient 75 ans, mais étaient très en santé, ils n'avaient aucune maladie et marchaient très vite, dit le Dr Nguyen. Je pense que pour eux, la cible à 120/80 est très bonne. Mais mes patients ne sont pas comme ça. Si j'ai un patient qui ne marche pas bien, a du diabète, le souffle court et est tombé trois fois dans la dernière année, je ne sais pas quoi faire avec une pression de 140/90. Si on baisse trop, est-ce qu'il va faire de la basse pression, va tomber et se casser la hanche, ou ne plus sortir parce qu'il n'a pas d'énergie ? Il faut qu'on ait des recommandations pour les médicaments pour ces patients-là aussi. »