Mario Beauregard a analysé le fonctionnement du cerveau de carmélites en train de prier. Il a traqué la sensation d'extracorporalité chez des patients opérés à l'aorte. Il veut vérifier si les émotions influencent l'expression des gènes responsables du cancer de la prostate.

Le professeur de neuro-psychologie de l'Université de Montréal propose une nouvelle façon de comprendre le cerveau qui n'est ni biologique ni psychanalytique. M. Beauregard vient de publier The Brain Wars, un livre dans lequel il avance notamment que la conscience est peut-être indépendante du corps.

Cas anecdotiques

«Il y a de plus en plus de cas où des personnes décrivent être sorties de leur corps et s'être vues pendant qu'elles étaient près de la mort», explique-t-il au cours d'une entrevue dans son bureau de l'avenue Vincent-d'Indy. «J'ai moi-même fait une étude avec des patients ayant subi une opération à l'aorte comportant une mise en hypothermie et un arrêt circulatoire. Ça n'a rien donné. Mais les cas anecdotiques sont trop nombreux pour qu'il n'y ait rien de véridique dans cette hypothèse.»

Son expérience avec les carmélites a aussi donné un résultat négatif. «Je voulais vérifier l'existence du «point de Dieu», une zone du lobe temporal du cerveau que des neurologues pensaient responsable des émotions spirituelles. D'autres régions sont impliquées. Ça veut dire que la spiritualité est multidimensionnelle, qu'elle a des dimensions cognitives, émotionnelles et de la perception.»

M. Beauregard a également fait une étude montrant que des techniques similaires à la méditation peuvent aider à réguler les émotions, cette fois avec des résultats positifs. «Les participants arrivaient à moins réagir en visionnant un film érotique. Nous sommes les premiers au monde à montrer cela. Il est même possible, avec des techniques de méditation très poussées, d'influencer nos émotions inconscientes. On peut rester dans cet état 24 heures par jour.»

Les émotions négatives

Le chercheur montréalais veut maintenant évaluer comment les émotions négatives influencent l'expression de gènes responsables du cancer de la prostate. N'y a-t-il pas un danger de culpabiliser les gens dont le cancer ne répond pas aux traitements, qui pourraient se dire qu'ils en sont responsables? «C'est vrai, c'est un couteau à deux tranchants, dit M. Beauregard. Il faut garder en tête que pour le moment, ce n'est qu'une corrélation, pas une relation de cause à effet.»

D'où lui vient cette fascination iconoclaste pour le cerveau? «Mes parents sont des gens de la terre, mais déjà, quand j'étais enfant, je lisais beaucoup et je savais que je voulais devenir savant. Ensuite, j'ai eu des expériences personnelles à caractère spirituel.»

Quel genre d'expériences? «Je n'aime pas beaucoup parler de ces choses-là. Je ne veux pas que ça biaise les gens. Mais je pense que rien n'empêche d'utiliser la méthode scientifique pour vérifier si l'esprit, la conscience, peut exister indépendamment du cerveau et de l'organisme.»