La plus importante rencontre scientifique généraliste de la planète bat son plein. Plus de 6000 chercheurs du monde entier participent à 150 symposiums sur les questions de l'heure, du réchauffement de la planète à la lobotomie en passant par la crise alimentaire. La Presse couvre l'événement à Washington.

Un singe qui, grâce à des électrodes plantées dans son cerveau, utilise une main robotique. Un chercheur qui fait bouger un robot doté d'une caméra grâce à un casque rempli de capteurs qui lisent son activité cérébrale. Ces deux avancées des neuroprothèses ont été dévoilées hier au congrès annuel de l'Association américaine pour l'avancement des sciences (AAAS), à Washington.

«Nos singes en sont venus à considérer les mains robotiques comme des extensions de leur corps, explique Andrew Schwartz, de l'Université de Pittsburgh. Nous allons commencer d'ici deux semaines à expérimenter une nouvelle main robotique très perfectionnée, qui peut bouger les doigts et donner une poignée de main. En juin, nous allons faire des essais avec des personnes paralysées. Ce sera un peu plus difficile de savoir où exactement planter nos électrodes, mais avec des scans individuels, ça devrait être possible.»

À l'École polytechnique de Lausanne, José del Millan a réussi à décoder sans électrodes les ondes cérébrales et à diriger un robot. Hier, durant la conférence de presse, un assistant de M. del Millan, coiffé d'un casque rempli de capteurs, a fait parcourir au robot une dizaine de mètres en un peu moins d'une heure.

«Le défi est de distinguer ce que veut le patient, indique M. del Millan. Il veut faire avancer le robot, mais en même temps il réfléchit sur sa destination. Par exemple, si on faisait la même chose avec l'écriture, il faudrait à la fois tenir le crayon et décider ce qu'on écrit. La solution sera de programmer les robots pour qu'ils continuent une action même quand l'esprit du patient est concentré sur d'autres problèmes. Un peu comme sur une autoroute: on est concentré pour y entrer, s'insérer dans le flot de véhicules, mais par la suite, notre esprit vagabonde et on n'a pas besoin de porter toute son attention sur la conduite.»

L'objectif de M. del Millan est de permettre aux patients alités ou immobilisés, par exemple par la paralysie cérébrale, d'accomplir des tâches simples dans la maison. «On peut aussi imaginer qu'ils pourraient envoyer leur robot avec caméra et écran dans la salle à manger pour être avec leur famille pendant les repas sans qu'il soit nécessaire de les transporter de leur chambre à coucher.»

La technologie actuelle connaît aussi des améliorations. À l'Université Northwestern de Chicago, Todd Kuiken a réussi à améliorer la performance des mains et des bras bioniques en les greffant à des nerfs non utilisés. «Les bras bioniques actuels ne sont pas efficaces parce que les nerfs qui contrôlent la main ne sont plus directement reliés, dit M. Kuiken. La main est contrôlée par les muscles qui contrôlent les bras. Nous avons relié la main aux muscles de l'épaule et du torse qui ne sont plus utilisés. Le bras bionique n'utilise pas autant de muscles qu'un bras en chair et en os. Le cerveau réussit à réactiver ces muscles anciennement responsables de certains mouvements du bras amputé, maintenant reliés à la main bionique. La main est contrôlée directement par des muscles distincts de ceux qui font bouger le bras bionique. Les patients qui ont essayé cette réactivation des muscles sont très satisfaits.»

Imprimer - fabriquer - des organes directement en salle d'opération. C'est la promesse de la «bioimpression», une nouvelle technique dont on parlera lundi au congrès de l'AAAS. Il s'agit de remplacer l'encre des imprimantes - ou les polymères des imprimantes 3D - par des bouillons cellulaires. Déjà, des chirurgiens de l'Université Wake Forest, en Caroline-du-Nord, ont réussi à imprimer de la peau artificielle à des souris dont la peau était brûlée, accélérant la cicatrisation. Les premières bioimprimantes, pour le moment destinées aux centres de recherche médicale, commencent à apparaître sur le marché. L'une des étoiles du domaine, Vladimir Mironov, qui sera lundi à Washington, a expliqué le mois dernier dans le magazine The Futurist comment on pourrait réparer en 20 minutes le genou abîmé d'un footballeur grâce à une bioimpression endoscopique: des injections de bouillons cellulaires mélangées à des polymères se solidifieraient en quelques secondes sous les feux d'un laser et répareraient le cartilage du genou sans qu'une convalescence soit nécessaire.