Le paludisme, qui infecte quelque 250 millions de personnes tous les ans, trouve son origine chez les gorilles, une découverte qui pourrait permettre de mieux lutter contre cette maladie, selon les travaux d'une équipe internationale publiés jeudi par la revue Nature.

Si le parasite responsable de ce fléau a été découvert dès 1880 par un médecin de l'armée française, Alphonse Laveran, puis son vecteur - les moustiques anophèles - par le Britannique Ronald Ross, les scientifiques divergent sur sa provenance.

L'étude présentée porte sur le parasite «Plasmodium falciparum», «la forme la plus mortelle, la plus virulente et la plus fréquente» parmi les cinq recensées chez l'homme, explique Eric Delaporte, chercheur à l'Institut de recherche pour le développement (IRD), basé à Marseille (sud), et co-auteur de la publication.

«Jusqu'à un passé récent, on pensait que le réservoir de l'infection était exclusivement l'homme. C'est seulement dans les années 2009-2010 qu'on s'est aperçu que différentes espèces de grands singes - les bonobos, les chimpanzés et les gorilles - étaient porteurs de souches proches de la forme humaine de paludisme».

Désireux d'aller plus loin que les études existantes, qui portaient sur un nombre limité de singes, la plupart en captivité, les chercheurs se sont livrés, sous la direction de Beatrice Hahn, de l'université d'Alabama à Birmingham (Etats-Unis), à l'analyse de près de 3000 échantillons fécaux, collectés sur 57 sites à travers l'Afrique centrale.

Premier enseignement de ces travaux de longue haleine, initiés il y a une dizaine d'années dans le cadre de la quête sur l'origine du virus du sida: ni bonobos, ni gorilles de l'est ne sont infectés par le paludisme. En revanche, le parasite est largement répandu - à hauteur de 32% à 48% - chez les gorilles de l'ouest (Cameroun, Gabon...) et les chimpanzés.

Restait à déterminer qui de l'homme ou du singe avait contaminé l'autre. En usant d'une «technique originale» de séquençage de l'ADN, les scientifiques ont découvert que «les gorilles étaient infectés par plusieurs souches différentes de falciparum, dont une qui est exactement l'ancêtre de la souche qu'on retrouve chez l'homme», détaille le chercheur de l'IRD.

Conséquence, «ce sont les gorilles qui ont contaminé les humains, et non l'inverse», résume-t-il.

Prochaine étape: lever le voile sur les nombreuses incertitudes qui demeurent concernant la date de l'épisode de transmission et les risques que représente aujourd'hui ce réservoir animal.

Les singes porteurs constituent-ils des foyers de contamination humaine, dans un contexte de contact accru entre les deux populations, notamment du fait de la déforestation massive ? A ce stade, selon Martine Peeters, de l'IRD, les analyses suggèrent que la diffusion de cette souche chez l'homme ne résulte «que d'un seul événement de transmission».

Mais, prévient M. Delaporte, les recherches à venir «vont peut-être montrer qu'il y a eu d'autres passages».

Autre question cruciale et encore sans réponse: quels sont les facteurs d'adaptation du parasite qui en font une maladie pathogène chez l'homme ?

Autant de pistes qui pourraient contribuer au développement d'un vaccin contre une maladie qui fait un million de morts chaque année, dont 90% en Afrique subsaharienne, le plus souvent de jeunes enfants, sur 250 millions de cas dénombrés.