Les gestes commencent à ralentir à partir de l'âge de 40 ans. C'est ce que vient de montrer une récente étude américaine s'intéressant à l'usure de la myéline, cette gaine de substance grasse qui enrobe les fibres nerveuses du cerveau.

La rapidité d'exécution d'un geste dépend directement de la vitesse à laquelle les cellules du cerveau envoient le signal aux muscles.

Selon le Dr Bartzokis, le neurologue de l'Université de Californie qui a dirigé cette étude, le cerveau fonctionne un peu comme Internet: sa vitesse dépend de la largeur de la bande passante, ce qui dans cet organe correspond à la myéline.

Une myéline en bon état garantit une bonne isolation des fibres nerveuses, et permet donc un acheminement rapide du signal électrique utilisé par le cerveau pour commander un geste.

Le Dr Bartzokis prend l'exemple du basketteur star Michael Jordan: «L'assemblage de circuits (dans son cerveau) qui a fait de lui un grand joueur de basket était probablement mieux doté en myéline que chez la plupart des autres êtres humains», note-t-il.

Sachant que la myéline se développe à l'adolescence, la question était de savoir à quel moment sa production se ralentit à tel point que le cerveau n'arrive plus à réparer assez vite les endroits où elle est usée.

L'étude du Dr Bartzokis, effectuée sur 72 hommes en bonne santé âgés de 23 à 80 ans, est basée sur un simple test, qui consistait à leur demander de tapoter avec leur index, un geste qui ne dépend pas de la force ou de la forme physique.

Les auteurs de la recherche ont compté combien de fois les hommes arrivaient à tapoter avec leur doigt en l'espace de 10 secondes. Ensuite, ils ont fait un scanner pour vérifier l'état de la myéline dans la région du cerveau qui contrôle ce geste.

De manière très frappante, la rapidité d'exécution de l'exercice, et le bon état de la myéline, sont à leur apogée à l'âge de 39 ans. À partir de cet âge, ces deux facteurs déclinent graduellement, ont souligné les chercheurs le mois dernier, dans la revue Neurobiology of Aging.

Cela ne signifie pas que le reste du cerveau est également affecté. Le Dr Bartzokis montre que la myéline commence à s'user au moins dix ans plus tard dans les régions du cerveau responsables des fonctions cognitives, par rapport à la zone qui ordonne au doigt de tapoter.

Reprenant l'exemple de Michael Jordan, qui a joué au niveau professionnel jusqu'à 40 ans, il écrit: «Même lui a commencé à vieillir. Ses circuits se sont mis à fonctionner un peu moins bien». Avant d'ajouter: «Il peut devenir Michael Jordan le super homme d'affaires (...) mais il ne sera plus jamais Michael Jordan le super joueur de basket».

Cela contribue à expliquer pourquoi «il est difficile d'être un athlète de classe mondiale après l'âge de 40 ans», conclut le Dr George Bartzokis. Ses travaux mettent aussi en évidence une bonne raison de rester actif physiquement et mentalement: un cerveau entraîné peut repérer plus vite un défaut dans le circuit et demander aux cellules réparatrices de se mettre au travail.

À terme, l'objectif du Dr Bartzokis est de lutter contre la maladie d'Alzheimer. La construction de la mémoire a besoin, elle aussi, d'impulsions électriques de haute fréquence, et le Dr Bartzokis a montré dans ses études précédentes qu'un gène lié à cette pathologie pourrait nuire au processus de réparation de la myéline.

Mais ces travaux pourraient aussi avoir d'autres implications, parce qu'ils mettent en lumière le processus de vieillissement. «Nous savions qu'à un certain âge les facultés atteignaient un pic et qu'ensuite elles diminuaient au fur et à mesure du vieillissement. Mais nous n'avions aucune idée de quel âge il s'agissait», déclare le Dr Zoe Arvanitakis, neurologue au Centre hospitalier universitaire de Chicago.

Jusqu'à récemment, les recherches sur la myéline se concentraient surtout sur la sclérose en plaque, une maladie dans laquelle cette substance, au lieu de s'user petit à petit, disparaît complètement.